Bombardements massifs de la France à Raqqa, le fief de l’Etat islamique : symbole ou début d’une véritable intervention ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
12 avions dont 10 chasseurs bombardiers Rafale et Mirage 2000 D/N ont décollé des Émirats arabes unis et de Jordanie afin de mener un "raid massif" contre Raqqa.
12 avions dont 10 chasseurs bombardiers Rafale et Mirage 2000 D/N ont décollé des Émirats arabes unis et de Jordanie afin de mener un "raid massif" contre Raqqa.
©Reuters

A la guerre comme à la guerre

48 heures après les attaques de Paris vendredi 13 novembre, 12 avions dont 10 chasseurs bombardiers Rafale et Mirage 2000 D/N ont décollé des Émirats arabes unis et de Jordanie afin de mener un "raid massif" contre Raqqa, la capitale de l’Etat Islamique, installée à cheval entre la Syrie et l’Irak.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

Voir la bio »

Le président Hollande avait promis une riposte "impitoyable" contre les responsables des attentats du 12 novembre à Paris revendiqués par Daesh (l’État islamique, EI). 48 heures après les attaques, 12 avions dont 10 chasseurs bombardiers Rafale et Mirage 2000 D/N ont décollé des Émirats arabes unis et de Jordanie afin de mener un "raid massif" contre Raqqa, la "capitale" de l’Etat Islamique installé à cheval sur la Syrie et l’Irak. Les moyens aériens de la force Chammal ont donc été, dans leur quasi-totalité, engagés dans cette opération. Selon le ministère de la Défense, 20 bombes ont été larguées pour détruire deux objectifs de l’EI. Dans le même communiqué, il indique que "Le premier objectif détruit était utilisé par Daesh comme poste de commandement, centre de recrutement djihadiste et dépôt d’armes et de munitions. Le deuxième objectif abritait un camp d’entraînement terroriste  […] Planifiée sur des sites préalablement identifiés lors des missions de reconnaissance réalisées par la France, cette opération a été conduite en coordination avec les forces américaines".

Efficacité tactique et stratégique

Cela dit, sur le plan tactique et stratégique, ces frappes n’ont qu’une efficacité limitée. En effet, l’EI se sait menacé par les airs depuis le début des frappes de la coalition emmenée par les Américains depuis plus d’un an. Il a pris les mesures nécessaires pour dissimuler ses infrastructures les plus sensibles et utilise les populations en tant que boucliers humains. En effet, les Occidentaux tentent, par dessus tout, d’éviter les pertes collatérales qui pourraient pousser encore plus d’activistes dans les rangs des islamistes radicaux. Toutefois un point positif, les attentats de Paris et la réaction française poussent les Américains à mieux coopérer en particulier en ce qui concerne l’échange de renseignements. L’auteur a pu constater dans le passé que, même engagés dans une opération commune, les Américains gardaient jalousement une partie des informations qu’ils détenaient et interdisaient l’accès de PC rens aux officiers de liaison hexagonaux. Il semble que cela est en train de changer. Il est possible que d'autres bombardements ciblés aient lieu dans les prochains jours. De plus, le porte-avions Charles de Gaulle doit appareiller demain pour le Golfe persique. Il augmentera d'autant le potentiel aérien français.

Efficacité psychologique

Le déclenchement de cette frappe est éminemment politique et important sur le plan psychologique pour le peuple français et ses alliés. Il démontre la détermination des plus hautes instances françaises dans la "guerre" déclenchée contre une "armée" terroriste. Les choses sont nommées et c’est un bien. Une nuance tout de même, la « guerre contre le terrorisme » ne veut pas dire grand-chose. En effet, le terrorisme n’est d’un moyen de combat au même titre que la guérilla. Il faut désigner ceux qui l'emploient : les salafistes-djihadistes de Daesh sans oublier Al-Qaida "canal historique" très présent en Syrie (via le Front al-Nosra et autres mouvements plus ou moins affiliés), au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, au Caucase, en Extrême-Orient, en Libye et au Sahel… Faut-il rappeler que c’est cette nébuleuse qui est à la base des attentats dirigés contre Charlie Hebdo en janvier et auquel l’armée française est confrontée en permanence au Sahel ?

Et maintenant ?

Il ne fait aucun doute que la guerre va durer des années. Elle va être rude et les grandes villes occidentales vont être vraisemblablement frappées par d’autres attentats de masse. Ce qui est en train de se passer est l’exportation des horreurs qui se déroulent depuis des années à Bagdad et Damas vers Europe (l’éloignement géographique fait que les États-Unis sont un peu plus à l’abri). L’état d’urgence devrait être porté à trois mois et ensuite prorogé si la menace n’a pas baissé, ce qui sera vraisemblablement le cas.

Mais il faut aller plus loin. Puisque le combat s’inscrit dans la durée, il convient aussi d’envisager des mesures sur le long terme. La création d’une sorte de "Garde nationale" est une idée à explorer. Tout en assurant une mission de protection du sol national comme les régiments de Défense Opérationnelle du Territoire (DOT) le faisaient du temps de la conscription, elle permettrait de dégager l’armée professionnelle afin qu’elle se consacre aux opérations extérieures. C’est là que se situe le début de solution. Si l’Etat d’urgence est le bouclier, le glaive doit être porté au sein du nœud de vipères : en Syrie et en Irak (sans oublier la Libye et le Sahel). Les interventions aériennes ne permettent pas seules de gagner la guerre. D’un autre côté, une intervention au sol de troupes occidentales se heurte aux douloureux souvenirs afghan et irakien. A savoir que les Occidentaux ont fini par être considérés comme des occupants et la propagande des salafiste en a profité pour les qualifier de "croisés" contre lesquels la Oumma (la communauté des croyants musulmans) devait mener le djihad. D’importantes forces au sol existent déjà. L’armée irakienne, les Kurdes d’Irak et de Syrie et les forces légaliste syriennes déjà appuyées par les Russes, les Iraniens et le Hezbollah libanais. Le problème est désormais politique : quelle attitude adopter vis-à-vis de Damas ? Les négociations qui ont lieu actuellement sont extrêmement difficiles car les intérêts des uns et des autres sont divergents : Arabie saoudite et pays du Golfe persique, Iran, Turquie, Russie, Etats-Unis, etc. Mais puisque c’est la guerre, il va bien falloir que l’Occident se résolve à faire des choix courageux mais coûteux dans tous les domaines. Si l’on ne veut pas que Paris devienne le Beyrouth des années 1980, c’est le prix à payer.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !