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Baroud d’honneur : vers une première semaine de mai agitée mais qui devrait marquer la fin des utopies françaises. Explications
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

Emmanuel Macron parti aux antipodes, les syndicats et les partis extrémistes vont secouer l’agenda comme jamais, mais la majorité des Français ne suivent pas.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pendant que le président de la République parcourt à-tire-d’aile le nouveau monde de l’hémisphère sud - Australie, Nouvelle Zélande, Nouvelle-Calédonie, les syndicats ont fêté le 1er mai en ordre très dispersé, le Front national en a profité comme chaque année pour rendre hommage à Jeanne D’Arc, mais là encore de façon peu spectaculaire, les dirigeants du FN ont préféré se préoccuper des prochaines élections européennes.

Les jours qui viennent et la fin de semaine vont être beaucoup plus agités. Les syndicats de cheminots reprennent leur grève, sans être capables d’expliquer pourquoi ils sont en grève puisque toutes leurs revendications ont été acceptées. Les pilotes d’Air France prolongent leur mouvement, histoire de perturber le vote proposé par la direction pour sonder les personnels. Si le personnel approuve le mouvement de grève, la gouvernance d’Air France a annoncé son départ. Non pas parce qu’ils seraient désavoués, mais parce qu’ils ne savent pas comment la compagnie pourra s’en remettre. Si le vote est négatif, il est probable que le syndicat des pilotes considèrera que le vote n’était pas juridiquement fondé.

Mais la fin de semaine va se terminer en feu d’artifice, par « une grande fête à Macron » organisée par les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon et dont le but sera de demander la tête du président. Pourquoi se gêner.

Jean-Luc Mélenchon va offrir aux syndicats et aux extrémistes un baroud d’honneur qui pourrait clore cette série de désordre.

Si c’est le cas, le président aura eu raison de partir au bout du monde pour attendre la fin de la récréation.

Tout se passe aujourd’hui comme si les utopies françaises, qui ont triomphé en mai 68 il y a tout juste 50 ans, étaient en train de s’éteindre les unes après les autres, en emportant avec elles les organisations politiques et syndicales qui les ont portées et qui s’en sont bien nourries pendant plus d’une génération.

Les enfants de mai 1968 ont terriblement vieilli, accrochés à leurs petits privilèges qui leur ont souvent permis de constituer un magot modeste, mais magot tout de même, à défaut de cagnotte comme dans d’autres pays européens. Une réalité en forme de crise. Mais les enfants de ces enfants-là se sont retrouvés face à une réalité que leurs parents n’ont pas préparée. La crise en général rend intelligent. Cette réalité les a plongés dans le pragmatisme.

 Emmanuel Macron n’a pas depuis un an fait des miracles. Il a simplement fait le pari que la majorité des français deviendraient lucides et cesseront de croire aux utopies qui sont nées pour la plupart en 1968. 

Petit à petit, les Français, (une grande partie du moins) ont commencé à penser que la mondialisation n’était pas que porteuse de malheur, de détresse et de chômage. La mondialisation pouvait être porteuse de progrès, à condition de s’y adapter.

Petit à petit, les français (une grande partie du moins) ont commencé à se convaincre que la concurrence qui s’est imposée dans le monde entier comme système d’organisation et de création de richesses pouvait aussi être un moteur de progrès et cela quel que soit l’organisation, entreprise privée capitaliste ou entreprise publique chargée d’offrir un service public.

Petit à petit, les français (une grande partie du moins) se sont aperçus que les syndicats ne protégeaient pas leurs intérêts profonds mais plutôt des intérêts corporatistes. Ils se sont aperçus que cette logique du conflit de classes qui les anime ne menait pas une sortie fertile, mieux vaut sans doute un syndicat animé d’une logique de compromis ou d’une représentation sociale solide à l’intérieur de l’entreprise.

Petit à petit, une partie des français a commencé par admettre que la société n’était pas coupée en deux entre des riches d’un côté et des pauvres de l’autre, et que ça n’était pas en appauvrissant les riches qu’on réussirait à enrichir les pauvres. Ces français ont bien compris que la société était coupée entre ceux qui se sont intégrés au système et ceux que le système a déclassé malgré eux. Ils ont compris que l’urgence des urgences était de leur donner les codes pour remonter dans le train.

Tous ces français n’ont pas voté Macron, mais ils ont compris que la grève des cheminots avait des côtés sympathiques certes mais n’avait pas beaucoup de sens. Ils ont compris que les pilotes d’Air France étaient au bord de l’abus de pouvoir. Ils ont compris que les Zadistes de Notre-Dame-des-Landes avaient bien pour objectif de défendre une utopie qui consistait à inventer un nouveau système d’organisation, tout en continuant à profiter des avantages apportés par celui qu’ils veulent détruire. Les Zadistes étaient indéfendables même par la frange de français qui se sentent écologistes.

L’écologie n’a jamais été défendue à Notre-Dame-des-Landes, ni même dans quelques partis éphémères dont on a découvert qu’ils étaient plutôt toxiques pour la collectivité et profitables pour ceux qui les animaient. L‘écologie est défendue aujourd’hui par le consommateur qui réclame des produits propres, par l’actionnaire et très souvent par des fonds d’investissements qui réclament que l’entreprise dans laquelle ils vont mettre de l’argent de leurs retraites ou de leurs épargnants respecte les contraintes de la RSE. La responsabilité sociale et environnementale.

On est loin des discours incantatoires de la Sorbonne en mai 1968 où la majorité des étudiants ne voyaient pas d’alternatives au capitalisme que l’application des préceptes trotskistes, léninistes et vouaient une admiration aveugle à Mao Zedong. 

Sur le plan strictement politique, le parti communiste s’est marginalisé complètement, les partis extrémistes offrent un exutoire aux populations déclassées par le progrès technologique mais aucune solution alternative. Sur le terreau syndical, la CGT (indexée sur le PC) a perdu de son influence au profit de la CFDT et de tous les autres syndicats réformistes d’un système qu’ils respectent, parce qu’ils le considèrent comme le seul capable de créer de la richesse et de bien la redistribuer quand il est correctement géré avec des contrepouvoirs puissants et responsables.

Le mois de mai 2018 va donc sonner le glas des utopies révolutionnaires et le retour au pays des réalités et des responsabilités. Le seul problème, c’est que nous sommes assez peu outillés pour gérer socialement et politiquement cette mutation. Emmanuel Macron a profité avec habileté de l’écroulement de l’Ancien régime sans présenter de façon clair les plans du nouveau régime qui se construisait.

L‘époque actuelle ressemble un peu à celle du XIXème siècle quand Napoléon III s’est fait élire président de la République et que tous les vestiges et les scories de la révolution (fin du 18 siècle) ont été balayées au profit d’une révolution industrielle, qui a complètement transformé le pays et son organisation. Napoléon III a réussi « son règne » me si l’idée de se faire nommer Empereur n’a pas été la meilleure. Ce qui est certain, c’est qu’il a raté sa sortie.

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