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Dettes souveraines : 
la stratégie de la patate chaude
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Fonds européen de stabilité financière

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), créé en mai 2010, est chargé de fournir une assistance financière aux états de la zone euro en difficulté économique. Mais pour l'économiste Pascal de Lima, cette institution est pourtant loin de réduire le risque systémique sur les dettes souveraines. Décryptage du dernier avatar de l'ingénierie financière.

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Depuis deux ans, il a été abondement souligné le rôle de l'ingénierie financière dans la capacité des banques d'investissement américaines à dissimuler des actifs toxiques et à manipuler les bilans. Du subprime jusqu'aux astuces du Repo 105 en passant par le trucage des comptes publics grecs. Nous avons là, l'apologie des plus grandes incarnations de cette activité d'ingénierie. Un instrument très utilisé en la matière était « l'entité fictive » centralisant des actifs à haut risque financés par des investisseurs institutionnels (les Special Purpose Vehicles), ces « firmes-robots », qui n'ont souvent pas d'employé, ne prennent aucune décision, ni n'ont de localisation physique. Du coup, elles ne peuvent pas faire faillite puisqu'elles n'existent pas ! Récemment, les dernières révélations sur ce système se sont faites en toile de fond d'incapacité à résorber l'endettement public. Plus jamais d'entités ad-hoc était presque le message fort des leçons de la crise.

Les réformes à l'épreuve de l'ingénierie financière

Ici, il est évident que les solutions à la crise passent par les réformes structurelles des économies, les politiques financières, bancaires et budgétaires, toutes préventives et qualitatives à long terme et non quantitatives et curatives à court terme. La question d'une restructuration des dettes doit aussi être posée.

Mais l'ingénierie financière est sans limite, en voici la preuve : le Fonds européen de stabilité financière (FESF) créé en mai 2010. Il a pour objectif de préserver la stabilité financière de l'Union économique et monétaire européenne en offrant une assistance financière aux États-membres en difficulté... Celui-ci a émis ses premières obligations le 1er février 2011 mais il y a quelque chose d'assez stupéfiant dans ce FESF : le FESF pourrait lever 250 milliards d'euros en obligations avec... seulement 12 personnes à temps plein dit-on, c'est plus que le 0 de nos fameuses entités fictives.

La menace d'un risque systémique

Ainsi le FESF, tout comme les entités fictives, récupère les dettes des Etats en difficulté, en lieu et place d'actifs toxiques, et les transforme en émissions obligataires financées par les Etats membres dont le principal contributeur est l'Allemagne. Ici, il est à craindre que les Etats les plus solvables ne jouent le rôle d'assureur de crédit via le principe de la garantie non conditionnelle. Espérons que ces derniers ne soient pas confrontés à la situation d'AIG en se portant garant des pays qui viendraient à faire défaut. Que se passerait-il si un Etat, par exemple le Portugal, entrait en cessation de paiement ? L'Espagne qui a prêté au Portugal à l'aide d'un emprunt à l'Allemagne serait elle-même dans la difficulté à rembourser l'Allemagne qui se verrait dans l'obligation de se porter garant de tous, tout en renflouant les caisses du FESF. Ceci aurait probablement des conséquences pour le moins surprenantes sur le respect des critères de Maastricht... En période de hausse des primes de « CDS souverain », la menace d'un risque de système devient rationnellement crédible.

Enfin, tout comme l'étaient les entités fictives, cette institution bénéficie d'une notation triple A. On peut là encore s'interroger sur le bien fondé de cette notation. En effet, une dette publique ou un actif toxique mal noté par les agences de notation est très sujet à la critique parce que cette note peut faire paniquer les marchés financiers et déstabiliser tout un système. En revanche dès qu'il s'agit du FESF, ces agences semblent renaître de leurs cendres dans l'indifférence générale. Avant la crise financière, elles avaient aussi noté triple A bon nombre d'entités fictives qui sont tombées... et le système fut étranglé par la rumeur.

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