Bamako, Strasbourg, Bruxelles : François Hollande occupe le terrain mais n'arrache toujours pas à sa majorité les mesures nécessaires à la sortie de la crise<!-- --> | Atlantico.fr
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"François Hollande est incapable d’obtenir de sa majorité les mesures de redressement", estime Jean-Marc Sylvestre.
"François Hollande est incapable d’obtenir de sa majorité les mesures de redressement", estime Jean-Marc Sylvestre.
©Reuters

Course contre la montre

Tout ce que François Hollande fait - ou tout ce qu'il fait faire à ses ministres - depuis un mois ne sert qu'à dissimuler son incapacité à obtenir de sa majorité qu'elle accepte les mesures nécessaires pour sortir de la crise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si on ne comprend pas que la France est aujourd'hui en quasi-faillite, et que pour des raisons politiques François Hollande est incapable d’obtenir de sa majorité les mesures de redressement, si on ne comprend pas la réalité de cette situation, on ne comprend absolument rien de ce que fait le président de la république aujourd’hui pour sauver les apparences. Il s’agite a Bamako, il plaisante a Strasbourg, il transforme le Parlement français en école maternelle, et surtout portant haut un statut de chef de guerre, il bloque l’évolution vers une Europe plus politique.

Angela Merkel n’est pas dupe, David Cameron rappelle qu'il accueille par train entier les français qui demandent à s’installer à Londres , Mario Monti lui préfère se rapprocher de l’Allemagne que de la France.

Depuis plus d’un mois, il occupe l’opinion publique avec le spectacle d’un chef d’état devenu chef de guerre, il occupe la représentation nationale avec un débat tordu et volontairement polémique sur le mariage pour tous. Une réforme importante certes mais pas de la plus, grande urgence...

Mais de l’autre, il négocie des délais de paiement pour des échéances à venir et va même jusqu’à demander des crédits à nos partenaires européens en contrepartie de son engagement militaire en Afrique. Idem quand il part pour 24h au Qatar où personne ne croit qu'il allait réellement inaugurer une filiale du Louvre, mais crois plutôt qu'il allait bien arracher un engagement d’investissement  - une ligne de crédit en quelque sorte en remerciement des services rendus contre l’Islam radical.

Décryptage. Mises bout à bout, les actions du Président de la république sont habiles mais cousues de fils blancs et trahissent son absence de stratégie globale pour sortir de la crise.

1e exemple, le Mali. L’engagement français était sans doute indispensable. L’action des militaires français a été efficace. Tout le monde le reconnait. La France a empêché l’installation d’un état terroriste au cœur de l’Afrique. Cela dit la France n’a reçu aucun soutien véritable de la communauté internationale autre que verbal, la France n'a aucune solution durable de repli et pas de solution définitive à ce risque d’islamisation. Or le risque d’islamisation n’a jamais été aussi fort.

Donc, la France n'a pas trouvé de solutions définitives au problème de gouvernance au Mali, en revanche, François Hollande a magnifiquement utilisé cette opération pour occuper les journaux télévises en France et faire oublier aux Français qu'il y a une crise du chômage. D’ailleurs le parlement est volontairement occupé par de veines polémiques et de veines provocations autour de la loi sur le mariage pour tous. A croire que Mme Taubira est en service commandé quand elle ouvre la porte à la PMA, la procréation médicale assistée, véritable tabou pour la majorité des Français.

2e exemple, l’Europe.  La semaine s’est terminée sur un sommet européen lamentable sans vision, sans ambition et sans stratégie. François Hollande est satisfait de ce sommet. Il a préservé ce qu’il considère comme essentiel : la Politique agricole commune qui coûte des tonnes d’argent et des marges financières pour financer des actions de soutien à la croissance. François Hollande a réussi cette performance consistant à demander à tous les pays membres de l’Euro d’accepter des économies au niveau du budget sans lui-même parvenir à en faire.

Pour le reste, il a fustigé l’euro fort (ça fait toujours plaisir en province) et, plus important, il a dit et répété qu'il menait des actions internationales fort utiles mais fort coûteuses.

Les Allemands sont fous furieux. Ils auraient voulu des projets politiques. Angela Merkel a toujours pensé que les Anglais avaient raison. Pour l’instant, pas question de faire des chèques à qui que ce soit. La France devra se contenter de la garantie allemande, tant que la France n’aura pas donné de preuves de sa volonté de reformes.

Angela Merkel en avait prévenu François Hollande à la mi-temps du match France Allemagne au stade de France. Ce soir-là, mercredi dernier, au football la France a perdu. C’était peut-être prémonitoire.

Que tout cela signifie-t-il ? Tout cela signifie que la France est incapable de tenir ses engagements de réduire ses déficits et par conséquent ses dépenses publiques sans hypothéquer les chances de relance économique. Et qu’à partir de cette incapacité, la France négocie deux choses. D’une part un report à 2014 ou 2015, l’obligation de ramener le déficit publique à 3%. D’autre part, François Hollande prépare la facture de l’opération africaine qu' il présentera d’une façon ou d'une autre aux Allemands et aux Anglais.

Le résultat de tout ce cinéma, c’est qu'on n 'a pas avancé sur une stratégie de défense commune et sur un modèle de croissance commun qui profiterait a tous les européens. Aucune avancée politique. Bref, rien sur un futur gouvernement européen et surtout un budget dont l’objet ne serait pas de protéger des intérêts corporatistes (l’agriculture par exemple) mais d’initier une politique de compétitivité.

Contrairement à ce que croient les ministres français qui s’occupent d’économie (Moscovici et Montebourg), le problème n’est pas de mettre de l’argent dans tel ou tel secteur industriel ou telle ou telle entreprise, le problème est de savoir ce qu'il faut faire pour rendre les entreprises plus compétitives. Les Allemands ont trouvé les outils et les ont mis en œuvre, avant la crise. l’Italie a désormais les moyens de relever la tête, l’Espagne aussi. Il n y a guère que la France qui se refuse par exemple a préciser les coupes budgétaires qu'elle fera, pour respecter ses engagements. Tout le monde sait qu'il faudra s’attaquer au salaire des fonctionnaires, aux retraites, à l’éducation nationale et aux frais généraux des collectivités locales mais personne n’en parle.

François Hollande occupe donc le terrain avec tout autre chose parce que sur le terrain rien n’a été fait

Sur la fiscalité et sur la flexibilité du travail, on n’a pas avancé. Les pigeons seront finalement plumés de leurs plus-values de cession, la taxation a 75% des très hauts revenus a été retoquée mais les ministres n’arrêtent pas de promettre une nouvelle formule de taxation. Tout cela fait que les chefs d’entreprise français ne réussissent toujours pas à accueillir des cadres étrangers, tout cela veut dire que les jeunes n’ont qu'une envie c’est de partir à l’étrange. A ce propos on n’a guère apprécié à Matignon,  le reportage remarquable sur les jeunes qui travaillent à l’étranger diffusé sur France 2 dans complément d’enquête. Faut dire que ce remarquable reportage revenait a une campagne d’incitation et de justification a l’expatriation. Compte tenu des audiences réalisées jeudi soir, le public a apprécié.

Point dur de la compétitivité et de l’attractivité françaises, la règlementation du travail ne sera guère assouplie. Laurence Parisot, qui avait signé un accord qualifié d’historique, a été obligée de durcir sa position devant la gronde des barons du patronat. Il est vrai qu’elle n’a pas abandonné l’idée de faire un 3e mandat, mais il lui faut aussi obtenir auparavant une reforme des statuts du Medef. Donc elle donne des gages. Personne n’est dupe. En attendant la négociation sociale ne fait aucun progrès.

Angela Merkel a toutes les raisons de s’inquiéter de cette situation. Ses conseillers l’ont dit et répété à ceux de l’Elysée. C’est l’Allemagne qui apporte toutes les garanties financières dont les marches ont besoin, d’où la faiblesse des taux d’intérêt. En fait, nous profitons du triple A allemand, et les investisseurs ont confiance dans l’Europe d’où la force de l’Euro. La valeur de l’Euro ne gêne pas les Allemands puisque 80% de son commerce extérieur se fait dans la zone euro. Pour le reste, la compétitivité des industries allemandes leur permet de gagner et de préserver des marchés.

Les seuls pays gênés par l’Euro, sont évidemment ceux de l’Europe du Sud qui importent plus qu’ils n’exportent. Le déficit extérieur de la France coûte d’autant plus cher que l’Euro a de la valeur. Le seul moyen d’assumer cette situation serait de faire de gros efforts de compétitivité. Mais quand il parle de l’Euro, François Hollande a déjà oublié les leçons de Louis Gallois qu’il encensait il y a moins d’un mois.    

Au passage et en coulisse du dernier sommet européen, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, celui que le monde entier considère comme le vrai sauveur de la zone euro, a assez peu apprécié les remarques publiques du président français concernant la valeur de l’euro laissant entendre que la BCE pourrait peser sur le taux de change.

« C’est stupide, a dit Mario Draghi à son ex-collègue italien de chez Goldman Sachs Mario Monti, la France ferait mieux de faire le ménage dans ses affaires plutôt que de désigner en permanence des bouc émissaires. Tantôt ce sont les chefs d’entreprises que l’on traite de voyous, maintenant c’est la banque centrale qu’on accuse d’excès de rigueur, demain on reprochera aux Italiens d’avoir réussi a se redresser plus vite que prévu.»

Mario Draghi était furieux. Il exprime d’ailleurs un sentiment de plus en plus partage par les dirigeants en Europe a savoir qu’en démocratie, on n’est quand même pas obligé de mentir sur la réalité pour être élu. Notamment en période de crise.

Le monde des affaires de son côté, ne comprend toujours pas quelle est la stratégie française pour sortir de la crise. L’écosystème géré par le gouvernement est toujours  aussi dissuasif et pénalisant. Le discours anti patrons et les attitudes ont quand même évolué mais on en comprend pas quel est le rôle de l’État. Un État qui s’occupe plus des entreprises en difficulté que de celles qui devraient naitre, croitre et se multiplier. Les positions officielles des membres du gouvernement à propos des difficultés de l’industrie automobile sont caricaturales.

 - Pour beaucoup, au Parti socialiste, le problème est une question de pouvoir d’achat. Les Français n’achètent pas de voitures neuves parce qu'ils n’ont pas assez d’argent. Il faut aider les clients en ressortant le principe des primes. Personne n’ajoute qui paiera les primes.

- Pour certains, plus rares, il faut aider les constructeurs par une baisse des charges ou des aides à l’innovation... Personne ne dit avec quel argent.

- Pour d’autres, enfin, il faudrait nationaliser PSA Peugeot Citroën... le comble est d’entendre les écolos se plaindre des prix de l’essence ou des difficultés de la circulation. Bref, tout faire pour faciliter la circulation automobile. Les difficultés de Peugeot-Citroën vont susciter un festival d’explications les plus extravagantes. Attendons mardi, PSA publiera ses résultats.

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