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Le régime de Bachar el-Assad 
est loin d'avoir épuisé 
sa capacité à se maintenir
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L'exception syrienne

Ce ne sont pas seulement les Russes et Chinois qui protègent le régime syrien car les Etats-Unis pourraient contourner l'ONU comme ils l’avaient fait avec l'Irak. Mais alors quel serait le retour sur investissement d'une intervention dans ce pays sans pétrole ? Et les Syriens veulent-ils du chaos ?

Barah Mikail

Barah Mikail

Barah Mikaïl est est chercheur au sein de l'institut de géopolitique espagnol FRIDE. Il est spécialiste du Moyen-orient et de l'Afrique du nord.

 

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Personne ne saurait nier que les violences engagées depuis bientôt un an en Syrie annoncent un tournant radical pour le pays. L’onde de choc partie en janvier 2011 de Tunisie avec la chute du président Ben Ali n’a pas manqué de secouer une Syrie paraissant jusqu’alors à toute épreuve. Dans le même temps, le régime syrien a pu faire valoir une capacité de résistance qui aura étonné plus d’un observateur.

Sans être toujours prévisible, cette inflexibilité n’est cependant pas si étonnante. Le péché des analystes de la Syrie a résidé dans leur application aux réalités de ce pays de schémas simplistes arguant de ce qu’il était mû par des logiques totalitaires et absolutistes qui ne pourraient résister à l’épreuve du temps. Or, contrairement à la Tunisie et à l’Egypte, le président Bachar al-Assad paraît encore loin de pouvoir être cueilli comme un fruit mûr. Non seulement les institutions syriennes ont gardé leur cohésion ; mais de plus, pas un ambassadeur en poste à l’étranger n’a proclamé sa défection. La tâche eut pourtant été facile pour ces personnes de se désolidariser dPourquooe leur régime. Sauf à comprendre que la Syrie répond à bien des égards à un statut d’exception.

L’explication du maintien du régime par la peur exercée à l’encontre de la population ou par les vetos russe et chinois au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, n’a pas valeur probante. Lorsque, en 2003, les Etats-Unis ont voulu renverser Saddam Hussein, il leur a suffi de contourner l’instance internationale et de se jeter dans l’arène. Mais le prix à payer fut cher, et il affecte toujours l’image de la première puissance militaire mondiale. Devant le coût exorbitant généré par les aventures irakienne et afghane, la Syrie vaudrait-elle le coup de s’enliser sur un terrain aux logiques sociopolitiques et géopolitiques plus que complexes ? Non seulement la Libye de Kadhafi ne répondait pas au même cas de figure, mais elle faisait montre de gisements énergétiques permettant un « retour sur investissement ». Mais rien de tout cela en Syrie.

S’ajoute à cela le fait que la Syrie est un pays qui a su combiner jusqu’ici atroces violences et zones de grand calme. Parmi ces dernières, on retrouve Alep et Damas, qui totalisent à elles deux près de la moitié du pays. Les symboles ont leur importance, même s’ils ne résument pas tout. Que l’on imagine cependant que le centre de Damas se soulève aujourd’hui ; la fin du régime n’en serait que mieux garantie. Mais tant que la chute de Bachar aura pour corollaire la transition du pays d’une situation de violence à un potentiel statut de chaos aveugle et généralisé, les Syriens paraîtront bien rétifs devant l’idée de troquer leur leader pour une option de surcroît forcément pro-Américaine.

L’état des oppositions syriennes est parlant à cet égard.  Alors que les « opposants de l’intérieur » peinent clairement à rassembler,  le Conseil national syrien (CNS), instance de circonstance soutenue très amplement par le Qatar et d’autres de ses partenaires (Turquie, Arabie saoudite, Etats-Unis, puis Ligue arabe sur le tard) souffre un ensemble de contradictions. L’ascendant islamiste en son sein, même s’il contraint son positionnement plus qu’il ne le détermine, n’est plus à prouver, quand bien même ses cadres à la tenue soignée essaient d’en donner une image occidentalo-compatible. Sa stratégie confuse, qui consiste notamment à frapper à toutes les portes, à ne s’épargner aucun financement, et à ne plus réellement cacher sa faveur à une intervention militaire en Syrie, l’a encore plus décrédibilisé. Quant à sa popularité en Syrie, elle reste toujours à prouver.

Il n’est pas dit pour autant que le cas syrien achèvera les espoirs des « romantiques démocratiques » assoiffés de changement ; mais leur aveuglement et leur hâte à vouloir faire chuter le régime syrien à tout prix se sont heurtés aux dures lois du pragmatisme. Déconnecter la Syrie de l’écheveau stratégique régional (Iran, Israël, Hezbollah libanais, question kurde…) revient à croire en la possibilité pour le vent de faire courber la montagne. Rien ne sera plus comme avant en Syrie, certes. Mais à trop mal s’y prendre, et malgré les apparences, les opposants à Bachar lui ont rendu jusqu’ici le meilleur des services : celui de pouvoir confirmer dans son cv de résistant anti-occidental la fonction de chef d’orchestre libre de la marche à déterminer pour la Syrie. Sauf à préparer le terrain à une intervention militaire plus franche, l’entrée éventuelle de casques bleus dans le pays ne fera que confirmer cette réalité.

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