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Auto-entrepreneurs : le dispositif dont l’ampleur dérange tous les candidats à la présidentielle
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Atlantico business

Les auto-entrepreneurs se sont invités dans la campagne présidentielle mais n’ont obtenu aucune réponse... à croire que tous les candidats veulent secrètement leur disparition.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Faut croire que les auto-entrepreneurs continuent de déranger beaucoup de monde, parce les candidats à la présidentielle ne se pressent pas au portillon pour en améliorer encore le fonctionnement. De là à penser que les politiques pourraient souhaiter leur disparition, il n’y a qu’un pas ...

Le statut d’auto-entrepreneur, ce régime de travailleur indépendant le plus souple qui soit, avait été créé en 2008 au forceps, par le ministre Hervé Novelli, pour simplifier la gestion administrative en remplaçant toutes les cotisations sociales et tous les impôts et taxes par un versement unique proportionnel au chiffre d’affaires.

Depuis sa création, Hervé Novelli s’est battu comme un beau diable pour le préserver, mais il va sans doute être obligé de revenir à la bataille.

Ce régime ultra simplifié est né contre l’avis de tout le monde, à droite comme àgauche. Contre les syndicats professionnels ou salariés qui y voyaient la porte ouverte à trop de liberté. Trop de concurrence parfois déloyale, disaient-ils.

Le succès a été immédiat et très important. Aujourd’hui, le statut d’auto-entrepreneur a été adopté par plus de 1200 000 personnes, qui se sont donc inscrites à leur compte. Près de la moitié dégage un résultat positif et permis a leur bénéficiaire de démarrer une activité rentable. L’avantage principal de ce régime est évidemment sa simplicité.

Toute personne peut (sous quelques conditions), devenir micro-entrepreneur, que ce soit à titre principal ou à titre complémentaire. L’entreprise individuelle doit relever du régime fiscal de la microentreprise, c’est-à-dire réaliser un chiffre d’affaires qui ne doit pas dépasser pour une année civile complète en 2017 :

- 82 800 € pour une activité de vente de marchandises, d’objets, de fournitures, de denrées à emporter ou à consommer sur place, ou pour des prestations d’hébergement, à l’exception de la location de locaux d’habitation meublés dont le seuil est de 33 200 € ;

- 33 200 € pour les prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC).

L’entreprise est en franchise de TVA (pas de facturation, ni de récupération de TVA). Le micro-entrepreneur ne peut déduire aucune charge (téléphone, déplacement…).

A partir de 2017, le régime est, c’est vrai, encore assoupli pour répondre à la demande liée aux mutations digitales. Les immatriculations ont augmenté significativement en 2016, dans le domaine des transports, selon la dernière enquête de l'INSEE (+ 7 400, soit + 72%).

Cette tendance a été confirmée par Evo’Portail, le portail d’accompagnement de l’auto-entrepreneur qui a recueilli "de nombreuses affiliations au régime dans le secteur des solutions uberisées de transports à la personne".  Selon Jenora Sagbohan, responsable du service Client d’Eco’Portail, "nous savons que l'ubérisation sera favorable aux auto-entrepreneurs". Dans une enquête conduite par la Fédération des auto-entrepreneurs sur l'ubérisation en juin 2016, un tiers des bénéficiaires du régime déclarait avoir recours aux plateformes numériques pour être mis en relation avec les particuliers. 20% d'entre eux précisaient alors qu'elles leur apportent plus de 40% de leur chiffre d'affaires. Il est donc évident que l'avenir des auto-entrepreneurs passera, dans beaucoup de secteurs, par les outils digitaux.

Par ailleurs, la hausse des seuils de chiffre d'affaires fait davantage consensus auprès des populations concernées. A savoir, 82 800 euros (contre 82 200 en 2016) pour les entreprises d'achat-revente de marchandises. Et 33 200 euros (contre 32 900 en 2016) pour les autres entreprises de services.  

Ceci dit, les responsables du régime voient difficilement la possibilité de pousser les seuils beaucoup plus haut. Et pour cause, les auto-entrepreneurs bénéficient de l'exonération de TVA.

Par ailleurs, le statut a tout à la fois vocation à permettre d'entreprendre librement mais aussi d'être un tremplin vers le régime de droit commun (SARL, SA, SAS, etc.)

Cela étant, si le régime est d’une simplicité record, le statut est aussi très fragile. Evo'Portail qui aide les auto-entrepreneurs dans leur développement au quotidien, considère que les modifications législatives, entrées en vigueur au 1er janvier dernier, ont été accueillies en demi-teinte, à l'image du stage de préparation à l'installation. Obligatoire dans un délai de 30 jours après leur immatriculation, pour les créateurs d'activités artisanales, il est le plus souvent jugé comme onéreux. On estime le coût à 250 euros par ressortissant. Ce qui explique le repli des inscriptions au régime, dans les secteurs du commerce (-18%) et de la construction (-22%)

Enfin, le formalisme, pourtant réputé totalement facile pour accéder au régime et obtenir un numéro de SIRET, ne l’est pas forcement autant qu‘on le dit. Lesauto-entrepreneurs sont le plus souvent, confrontés à des frais de rejet de dossiers auprès des organismes parapublics. Quant à la dématérialisation liée au numérique, qui sera inéluctable, elle est encore très en retard.

Cela dit, la vraie difficulté se situe au niveau de la protection sociale qui n’est évidemment pas aussi solide que pour le salarié.

Politiquement c’est un angle d’attaque pour les candidats de gauche, d’extrême gauche et d’extrême droite, bref pour tout ceux qui ne croient pas à la nécessite d’assouplir les contrats de travail et d’introduire plus de flexibilité.

Quand un "Emmanuel Macron" dit haut et fort qu’à l’avenir, nous aurons plus de clients que de patrons, que notre problème ne sera pas de trouver un emploi de salarié mais des missions d’expertises ou de prestations de services auprès d’une clientèle, il a surement raison, mais il n’incorpore rien dans son programme pour faciliter cette mutation, encadrer le statut sans l’alourdir.

Par ailleurs, les fédérations professionnelles, les organisations sociales et syndicales n’ont aucun intérêt à défendre le statut d’auto-entrepreneur. Selon eux, il participerait à l’asphyxie du modèle social, il ampute les ressources et rend le paritarisme inutile.

L’auto-entrepreneur est pourtant le premier outil capable d’initier la fameuse flexibilité dont nous aurions besoin pour marier l’adaptation nécessaire aux mutations et la couverture des risques de la conjoncture.

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