Attaques sur les hôpitaux et bombardements massifs : ce que le droit international permet à Israël et ce qu’il ne permet pas <!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats israéliens effectuant des opérations à l'intérieur de l'hôpital Al-Shifa à Gaza.
Des soldats israéliens effectuant des opérations à l'intérieur de l'hôpital Al-Shifa à Gaza.
©AFP

Conflit Israël - Hamas

Le lancement d’une opération ciblée au coeur de l’hôpital al-Chifa à Gaza soulève la question du respect du droit international dans ce conflit.

Grégoire Gauger

Grégoire Gauger

Grégoire Gauger est avocat aux barreaux de Paris et Genève.

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Atlantico : Le territoire palestinien est bombardé massivement par Israël suite à l'attaque sans précédent menée sur son sol par le Hamas, le 7 octobre. Des attaques qui ont provoqué une vive consternation à l'international. Dans quelle mesure Israël a-t-il le droit de se défendre en bombardant la bande de Gaza ? Que dit le droit international ?

Grégoire Gauger : Lors d’un conflit armé, il convient de souligner que le droit international s’applique aussi bien à une armée conventionnelle d’un État qu’à des groupes armés non étatiques, ici donc aux forces armées du Tsahal et à l’organisation terroriste du Hamas.

Par les atrocités commises le 7 octobre 2023, et les prises d’otages qui en ont découlé, le Hamas a incontestablement commis de nombreux crimes de guerre à l’égard de civils et militaires israéliens.

En effet, le crime de guerre est défini comme la violation du droit international humanitaire, que le crime soit perpétré sur des civils ou des groupes armés. Dans l'article 8 du Statut de Rome, sont considérés comme crimes de guerre l'homicide intentionnel, la torture, le fait de porter atteinte à l'intégrité physique ou la santé, la destruction et l'appropriation de biens, la prise d'otages, mais aussi le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ou contre des biens civils, d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires, ou encore le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile...

Face à de tels crimes, Israël se trouve en l’espèce dans la situation d’agir en légitime défense contre ses agresseurs, le Hamas, qui contrôle Gaza. Il a aussi comme devoir de porter assistance à ses citoyens enlevés et pris en otage dans les tunnels de la ville. En plus du droit à la légitime défense codifiée et prévue à l’article 51 de la Charte des Nations unies, il existe aussi une version coutumière de ce droit. De cette pratique coutumière se dégagent trois critères pour que le recours à la force dans un cas de légitime défense soit légal : l’action de légitime défense doit être immédiate, nécessaire et proportionnelle à une agression armée.

Toute la difficulté pour l’État israélien est de respecter pleinement le critère de « proportionnalité » dans sa riposte, sur un champ d’opération exigu, dense et urbain - la bande de Gaza - où les terroristes islamistes se fondent dans la population gazaouie et s’en servent ainsi comme « boucliers humains ».

Quels sont les principes, les protocoles à respecter ?

Le droit international humanitaire impose de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou minimiser les pertes collatérales civiles et les dégâts sur les bâtiments civils.

Avant de mener des frappes à Gaza, ces règles imposent à Tsahal de s’assurer que leurs attaques concernent bien des objectifs militaires du Hamas, d’avertir la population gazaouie environnante des attaques à venir ; ne pas attaquer si les pertes civiles risquent d’être disproportionnée par rapport au gain militaire recherché, et surtout d’évacuer autant que possible les habitants proches des cibles.

Les attaques contre les installations médicales et le manque de fournitures ont amené le système de santé de Gaza à « un point de non-retour », a averti le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Une attaque contre une installation médicale ou une ambulance est-elle systématiquement illégale selon le droit international ? Est-ce un crime de guerre, comme certains l’ont qualifié ?

Les forces combattantes doivent s’efforcer d’éviter des attaques à l’encontre de biens civils, selon le droit international humanitaire. Les infrastructures médicales telles que les hôpitaux, les ambulances et leur personnel médical bénéficient même d’une protection renforcée.

Mais cette protection n’est pas absolue. En effet, si ces infrastructures sont détournées à des fins militaires par l’ennemi, elle perd son statut « protecteur » et peut donc être attaquée sous certaines conditions. Il revient alors pour l’attaquant d’alerter les blessés et les malades au préalable ainsi que leur permettre d’évacuer vers un lieu sûr.

Cette attaque ne peut être permise que si les avertissements sont restés « lettre morte ».

Sur le terrain, il apparait que les médecins se retrouvent souvent face à des situations extrêmement difficiles d’un point de vue morale et humanitaire : abandonner ou exfiltrer des personnes vulnérables à travers des zones de guerre…

Que ne permet pas le droit international quand on fait la guerre ?

Le droit international cherche à trouver un équilibre quasi impossible à atteindre entre une action militaire légitime et l'objectif humanitaire d'atténuer les souffrances humaines, en particulier parmi la population civile.

Cet équilibre est rompu dès que les principes fondamentaux sur la protection des populations civiles en temps de guerre sont violés, notamment :

·       la distinction entre civils et combattants ;

·       la proportionnalité dans l’attaque ;

·       la précaution dans l’attaque ;

·       l’interdiction des maux superflus.

Leurs violations sont susceptibles d’être qualifiées de crimes de guerre par les juridictions nationales et internationales compétentes.

A titre d’exemple, l’accès des convois humanitaires pour fournir des denrées alimentaires et médicaments aux populations civiles est une obligation qu’impose le droit international à tous les belligérants, d’où la pression actuelle de la communauté internationale sur le gouvernement israélien pour infléchir son siège sur Gaza.

Au regard des informations dont nous disposons, peut-on penser qu’Israël remplit ses devoirs liés à la précaution et l’obligation de protéger les civils gazaouis ?

La prudence s’impose : il est trop tôt et difficile de juger si Israël remplit ou pas ses devoirs liés au droit international humanitaire dans le brouillard épais qui enveloppe les opérations militaires en cours.

Ce que l’on peut dire, c’est que le Tsahal est l’armée d’une démocratie dont les officiers ont été formés à ce droit, et qu’à ce titre leurs soldats savent faire la différence entre le licite et l’illicite, avec des protocoles d’intervention bien cadrés, contrairement aux terroristes du Hamas qui sont sans filtre…

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