Arachides, oeufs, fruits rouges et compagnie : quand la science des allergies réalise qu’à trop vouloir protéger les enfants on peut finir par aggraver le problème<!-- --> | Atlantico.fr
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Il est souvent conseillé de ne pas donner d'oeuf avant l'âge de 24 mois.
Il est souvent conseillé de ne pas donner d'oeuf avant l'âge de 24 mois.
©Reuters

Surprotégés

La tendance a pendant longtemps été au bannissement des aliments potentiellement allergènes dans le régime des bébés. Une conception qui est de plus en plus remise en cause par les spécialistes.

Florence Trébuchon

Florence Trébuchon

Le Dr Florence Trébuchon est médecin allergologue. Elle a fondé l'École de l'asthme au service des maladies respiratoires de l'hôpital Arnaud-de-Villeneuve, à Montpellier. Elle est l'auteur de Vaincre l'asthme et les allergies aux éditions Albin Michel (2011).

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Atlantico : Une récente étude menée par une équipe scientifique du King's College (Londres), tend à prouver que les enfants âgés de moins d'un an qui consomment des aliments contenant des traces d'arachides au moins trois fois par semaine ont peu de chances de développer une allergie à cet aliment. Comment cela s'explique-t-il ?

Florence Trébuchon : Nous savons aujourd'hui qu'il existe chez le nourrisson une période propice à l'introduction d'aliments pour que son tube digestif puisse les accepter plus facilement.

Cette période  que l'on appelle "fenêtre de tolérance digestive"  se situe entre le 4ème et le 7ème mois. L'administration régulière d'un aliment en petite quantité durant cette période favorise la reconnaissance et l'acceptation de cet aliment par le tube digestif, et évite ainsi la survenue d'une réaction hostile de type allergique.

Cette notion récente va à l'encontre d'anciennes recommandations qui préconisaient au contraire de retarder la diversification alimentaire des enfants à risque allergique. Devant l'augmentation des allergie alimentaire, les scientifiques avaient proposé dans un premier temps de manière empirique d'éviter  l'exposition précoce aux aliments. Des études ont permis de comprendre que cette attitude, au lieu d'être protectrice, augmentait le risque de survenue d'une allergie alimentaire. Par exemple on avait constaté qu'il y avait  beaucoup moins d'enfants allergiques à l'arachide en Israël où la consommation de cet aliment est précoce au cours de la vie comparativement aux Etats-Unis, où l'introduction est très tardive.

Quels sont les autres aliments que l'on a tendance à interdire aux bébés par peur de voir se développer des allergies ?

Certains aliments reputés allergisants ont été longtemps déconseillé avant l'âge de 12 voire 24 mois chez les enfants à risque. Il s'agit de l'oeuf, du poisson, des fruits rouges. Nous savons désormais que cette attitude n'est pas justifiée. Il persiste pourtant des réticences encore à diversifier progressivement  l'alimentation du nourrisson dès l'âge de 4 mois.

C'est un message important pour les futures maman: en l'absence d'allergie alimentaire avérée, la diversification alimentaire est la même pour tous les bébés quelques soit leur terrain allergique.

Sur le même principe, la mode actuelle de régimes sans lait ou sans gluten est délétère pour les enfants. En supprimant ces aliments de leur alimentation, on crée une rupture de tolérance digestive qui les expose  à un risque accru d'allergie en cas d'ingestion. Chez les enfants, aucun aliment ne doit être supprimé s'il n'est pas justifié par un diagnostic médical.

Dans quelle mesure cela a-t-il pu contribuer à aggraver les problèmes immunitaires des enfants ? Quelles conséquences cela a-t-il sur leur vie d'adulte ?

Le retard à l'introduction précoce des aliments s'oppose à l'acquisition d'une bonne tolérance digestive. C'est un comportement qui n'a pas permis de diminuer le nombre d'enfants allergiques alimentaires comme on l'avait espéré.

On émet l'hypothèse qu'avec les recommandations d'une diversification plus précoce, voire de l'administration régulière de certains aliments jusqu'alors interdits (comme la cacahuète) on pourra limiter  la survenue d'allergies alimentaires. Les études futures confirmeront ou infirmeront cette hypothèse.

Selon les résultats obtenus par l'équipe de chercheurs, moins d'un pourcent des enfants ayant consommé des arachides développaient l'allergie, contre 17% pour ceux qui n'en mangeaient pas. Cette découverte donne-t-elle des espoirs nouveaux aux médecins dans la lutte contre le fléau allergique ?

Oui, cette étude vient confirmer ce que de précédents travaux laissaient présager : la prévention des allergies alimentaires passe par une nouvelle façon d'envisager l'introduction des aliments chez le tout petit.

Les arachides, pistaches ou autres fruits à coque sont généralement bannis de l'entourage même des nourrissons. En effet, on a suffisamment mis en garde les parents contre les dangers (d'étranglement notamment) qu'ils présentent pour les petits enfants. Or on s'aperçoit qu'en 20 ans ces allergies ont doublé chez les enfants. Est-ce lié ?

C'est plus complexe. En réalité  l'évolution de notre mode de vie explique l'augmentation des allergies par le biais de plusieurs facteurs. En ce qui concerne les allergies alimentaires, certains comportements  ont contribué à la survenue d'allergies : antibiothérapies répétées chez les tout petits, une trop grande hygiène de vie qui a supprimé le contact des nourrissons avec des micro-organismes inoffensifs pour la santé mais qui pouvaient stimuler favorablement le système immunitaire. Ainsi des travaux ont montré que les enfants vivant dès le plus jeune âge dans les fermes étaient moins allergiques, grâce au contact avec les endotoxines des animaux. Ce n'est pas l'absence d'ingestion de fruits à coques qui a généré les allergies, car les petits enfants ont de tout temps été interdits de ces aliments pour risque d'étouffement. Mais la diversification alimentaire était plus précoce, moins codifiée.

Si les cacahuètes sont dangereuses à l'ingestion pour les plus jeunes, quelle serait la manière de les introduire, sans risque, dans l'alimentation du nourrisson ?

Il s'agit pour l'instant des résultats d'un travail scientifique qu'il ne s'agit pas de reproduire hâtivement.  En pratique si de telles recommandations voyaient le jour, les nourrissons pourraient manger les cacahuètes sous forme de beurre de cacacuhète.

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