Après le Covid, revoilà le risque de l’inflation et d’une crise alimentaire. Les adeptes de la peur ne désarment pas...<!-- --> | Atlantico.fr
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La Banque centrale européenne (BCE), à Francfort.
La Banque centrale européenne (BCE), à Francfort.
©Daniel ROLAND / AFP

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Le monde n’en finit pas de se faire peur après la crise sanitaire mondiale. Après le risque de crise économique, voilà que certains experts agitent le spectre de l’inflation, laquelle pourrait engendrer une crise alimentaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les marchands de la peur et de l’angoisse ne désarment pas. En prédisant sans cesse la fin du monde, ils finiront bien par avoir raison.

Après la pandémie qui a bousculé la planète toute entière, ces professionnels de la peur ont agité le sceptre d’une crise économique mondiale, puis un risque d’inflation qui pourraient engendrer maintenant une crise alimentaire.

Pas question de tomber dans la crédulité ou la naïveté. La crise du covid continue d’avoir des effets catastrophiques. Des millions de morts dans le monde entier et des économies qui ont été mises à genoux. Mais la conjugaison entre les effets de la nature et des saisons, de l’innovation technologique et de l’intelligence humaine a fait qu’on a découvert des vaccins très rapidement, ce qui va nous permettre de sortir du piège mortel tendu par le covid.

Sur le terrain économique, les effets ont été terribles. Le PIB mondial (c’est à dire la création de richesse) a été durablement entamée. L’année 2020 a été désastreuse, mais c’est aussi parce que dans le monde entier, les gouvernements ont choisi de protéger les vie humaines, en freinant la circulation des hommes et des produits. Du coup, les ateliers et les usines se sont arrêtés quand les avions, les bateaux et les trains ont été stoppés. Pour beaucoup d’experts, cette méthode pour résister au Covid devait mettre à bas les appareils économiques.

En réalité, la crise sanitaire a certes tué des activités économiques qui étaient déjà fragiles, ce qui a creusé les inégalités sociales, mais elle a aussi obligé les gouvernements à compenser la perte des richesses par des aides financières et monétaires sans précédent, ce qui a limité les destructions d’actifs matériels et humains. Rien à voir avec les conséquences d’une guerre mondiale comme on en a connu au début du 20 e siècle.

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Conséquence : on sent que, maintenant que le covid a commencé à reculer, les activités économiques sont en mesure de se réveiller et de se redresser assez rapidement.

A un moment où la planète pourrait recommencer à respirer, les prédictions les plus sombres apparaissent à l’horizon des statistiques.

Le monde serait désormais menacé par l’inflation puis comme si l’inflation n’était pas suffisante, cela entraînerait une crise alimentaire. Le risque de famine avec le risque du virus.

L‘inflation, d’abord, est la menace agitée périodiquement par beaucoup d’économistes classiques opposés à la création monétaire par les banques centrales.

« Trop dargent liquide tue largent utile ». Sauf que lafflux de liquidité a sauvé les systèmes économiques. Historiquement pour les économistes classiques, l’excès de liquidité finit toujours par se retrouver dans les prix. En théorie, ils ont eu très souvent raison tant que les économies ont été fermées. Depuis que le monde est ouvert, la mondialisation des échanges rend très difficile la contagion inflationniste par les coûts. La concurrence empêche ce type d’ajustement par les prix. Alors l’inflation, si elle existe, provoque des bulles sectorielles dont l’explosion possible n’est pas forcement systémique. Les excès de liquidités entrainent un endettement très long et peu cher qui peut financer le redémarrage. Les milieux financiers et boursiers relaient ce risque d’inflation alors qu’ils en vivent directement, parce que c’est aussi le carburant de la spéculation boursière. Les financiers et les boursiers ont besoin d’écart de valeur pour continuer de s’enrichir. L’ombre inflationniste dessinée par certains gourous leur permet de réaliser des écarts de cours.

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A priori, le système actuel fondé sur des liquidités monétaires est installé pour longtemps parce que les taux bas sont les seuls moyens de financer la facture covid et l’innovation technologique dont la croissance a besoin, notamment sur le digital comme sur la transformation écologique-climat.

Donc si la crise sanitaire s’épuise, si la crise économique s’amortit et si l’inflation ne peut pas déséquilibrer le système économique mondial, les marchands de la peur, les porteurs d’angoisse ont découvert que l’inflation combinée aux effets de la crise sanitaire pouvaient générer une crise alimentaire mondiale.

Et c’est vrai que certaines tendances existent pour le croire. Le prix des denrées alimentaires s’est envolé depuis plusieurs mois partout dans le monde : le soja est au plus haut depuis 2013. La tonne de blé se vend 227 dollars, un record, tout comme l’huile de palme qui n’a jamais été aussi chère ou les prix du maïs, donc in fine, de la viande bovine.

Or les revenus ont stagné dans les pays occidentaux et se sont effondrés dans les pays émergents.

Du coup, la hausse des matières premières agricoles commence à pénaliser les bas revenus. Une partie de la population dont l’essentiel de la dépense va dans l’alimentaire se retrouve en difficulté. Certaines populations de pays émergents mais très pauvres et qui importent massivement des céréales sont au bord de la famine ; tout va dépendre de leur prochaine récolte.

Ceci étant, comme l’inflation qui est contenue par des forces déflationnistes très structurelles liées à la mondialisation, le prix des matières premières agricoles et des biens alimentaires peut fluctuer mais sur le moyen terme, il n’existe pas de vraies raisons pour que le système dérape. En fait, le seul point extrêmement fragile dans le processus dalimentation mondiale se trouve au Brésil, parce que le Brésil est le premier producteur de maïs et le premier exportateur. Le maïs, très présent dans l’alimentation humaine, est également incontournable dans l’alimentation animale. Or, le Brésil ne peut plus garantir ses engagements de livraison pour cause de climat, de pandémie et de logistique désorganisée. D’où la flambée des prix.

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Les grandes puissance agricoles des pays émergents, comme la Russie ou l’Argentine sont eux aussi en risque de flambée des cours. En d’autre temps, cette richesse agricole pouvait leur être bénéfique. Aujourd’hui, l’augmentation des prix se répercute sur les produits qu’ils importent. Leurs importations leurs sont aussi nécessaires que les exportations de blé ou de maïs.

Globalement, ces déséquilibres sont gérables et non systémiques. Le monde ne va pas mourir de fin. Il y a du blé à peu près partout et là où il y a peu de blé, il y a beaucoup de riz.

Ce qui va être beaucoup plus difficile à gérer dans les années qui viennent, ce sont les effets des changements d’habitude du consommateur accélérés par la pandémie.

1er changement , le consommateur veut lutter contre le changement du climat, il fait donc pression sur les gouvernements pour qu’ils utilisent des agro carburants. Les gouvernements ( y compris les plus réfractaires à la question climatique comme les États-Unis) multiplient les aides fiscales ou directes pour que les agriculteurs se mettent à produire de l’éthanol. Donc les moyens alloués aux productions alimentaires rétrécissent.

2e changement, le consommateur veut consommer bio. Du coup, le bio fait baisser les rendements et par conséquent diminue l’offre. D’où la pression sur les prix.

3e changement, le consommateur occidental veux une alimentation de plus en plus sophistiquée, ce qui, là encore, encourage les productions de qualité et ce qui diminue les rendements quantitatifs.

4e changement, les marchés ont pris lhabitude de « jouer à se faire peur ». On arrive à un moment où la pandémie et la crise économique ne peuvent plus alimenter la peur endémique. Reste donc l’inflation et le spectre de la crise alimentaire, qui sont quand même très peu probables.

La vraie question serait de savoir pourquoi le sentiment de peur s’installe aussi rapidement. La seule explication est évidemment politique. Les pouvoirs, notamment en occident, sont incapables de dessiner les projet d’avenir et sans cette visibilité, les peuples n’ont plus confiance en ceux qui les dirigent donc ils ont peur. Les crises politiques sont évidemment plus probables que les crises économiques globales.

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