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Alerte au conflit Israël/ Iran en Syrie (et aux dérapages induits)
©JACK GUEZ / AFP

Tensions

La tension monte entre l'Iran et Israël depuis quelques mois, avec la destruction d'un drone iranien survolant le territoire israélien, et diverses prises de paroles agressives.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : La tension monte entre l'Iran et Israël depuis quelques mois, avec la destruction d'un drone iranien survolant le territoire israélien, et diverses prises de paroles agressives. Sommes-nous face à une simple démonstration de force des deux parties ou à la veille d'un véritable conflit ?

Thierry Coville : Je ne crois pas, on ne parle pas de pays qui n'ont pas d'histoire diplomatique houleuse depuis des années. Il faut rappeler l'histoire, il y avait des relations entre les Palavi et Israël, et après la révolution, les nouvelles autorités prennent fait et cause pour les Palestiniens, parlent de « l'entité sioniste » en parlant d'Israël. Ils connaissent alors une opposition frontale qui se poursuit jusqu'à aujourd'hui. Tout cela pour dire que ce n'est pas nouveau.
Même il est vrai qu'Israël a vendu des armes à l'Iran lors de la guerre Iran-Irak, cette tension entre les deux pays est assez récurrente. Lorsque le dossier nucléaire est devenu brûlant en Iran, Netanyahou a menacé à plusieurs reprises d'attaquer l'Iran.
Nous sommes dans le rapport de force, dans l'affrontement par déclarations entre deux pays.
Il est vrai cependant que les deux pays posent des lignes rouges de plus proches les unes des autres. L'implantation de Iran en Syrie à la faveur de la guerre, le Hezbollah et les milices formées par les Pasdaran inquiètent Jérusalem. Ce qui est en train de se jouer aujourd'hui, c'est la négociation d'une issue à cette situation de tension qui n'arrange personne, entre Turcs, Russes et Iraniens d'un côté et Israéliens et Américains de l'autre. Ces négociations n'avancent pas, mais il y a un empressement à trouver une solution rapide qui est manifeste. Les opposants à l'Iran (Israël, l'Arabie Saoudite ou les Etats-Unis) font tout pour que son rôle en Syrie soit le plus faible possible.

Un article du New York Times montre que l'Iran et ses alliés sont déjà bien installés en Syrie, et ce, dans plusieurs bases à proximité de la frontière israélienne. En ralliant le Hezbollah par la Syrie, l'Iran ne laisse-t-il pas la possibilité aux forces locales historiquement opposées à Israël de se renforcer et donc de devenir une menace insoutenable pour Israël à terme ?

Ce qu'il faut d'abord rappeler, c'est que certes, l'Iran est en position de force dans la région, mais que ce n'est en rien un plan anti-Israël, ou quelque chose de parfaitement calculé de leur part. Ils sont avant tout venus pour chasser l'Etat islamique, ce n'est pas l'aboutissement d'un plan hégémonique pour envahir la région. Il ne faut pas oublier qu'en 2003, ce n'est pas l'Iran qui attaque l'Irak pour soutenir les chiites (qu'ils soutiennent depuis toujours par ailleurs en tant que pays chiite), mais bien les Etats-Unis. Et ce sont eux qui ont été attaqués par Saddam Hussein ! On a parfois l'impression que les gens oublient tout.
Quand l'Etat islamique a déferlé dans le Nord de l'Irak en 2014, c'est l'Iran qui l'a stoppé. On l'oublie aussi. Et l'Iran a formé ces milices chiites avant tout pour contrer l'offensive islamiste – il faut se rappeler de l'état déplorable dans lequel était alors l'armée irakienne. Quand on entend le directeur de la CIA dire qu'il faut que les Iraniens quittent l'Irak, c'est presque ridicule ! Quand l'Etat islamique a attaqué le Nord de l'Irak et pris Mossoul, pendant deux ou trois mois, les Etats-Unis n'ont rien fait. Si les Iraniens n'avaient pas été là... Il faut bien comprendre qu'à ce moment-là, tout le monde a paniqué. Les Iraniens ont envoyé des forces avant tout pour se défendre.
Et en Syrie, c'est pareil. Et ce même si certains disent qu'ils se sont plus battus contre les forces d'opposition à Bachar El Assad. Mais c'est bien les groupes islamistes qui justifiaient leur présence et les inquiétaient principalement, même s'il est évident que l'Iran ne voulait surtout pas perdre son seul allié dans la région. Et il y a en effet le lien avec le Hezbollah.
Tout cela pour dire qu'il n'y avait pas de plan. On peut aujourd'hui interpréter les mauvais calculs de ceux qui ont soutenu Al-Nosra comme le Qatar et l'Arabie Saoudite qui faisaient cela pour affaiblir l'Iran. Aujourd'hui ce dernier est en position de force, mais il reste à savoir ce qu'ils vont en faire. Leur présence est acceptée, mais en Irak, beaucoup d'Irakiens n'acceptent déjà plus la forte présence iraniennes. Il en ira de même en Syrie. Ils ne peuvent pas rester sur place indéfiniment : l'Etat cependant est détruit sur place, et il y a un besoin absolu d'alliés. Mais la présence explicite en Syrie n'est pas confortable pour les Iraniens. Cela donne du blé à Israël pour régulièrement intervenir et les pénaliser. Il doit y avoir, à mon avis, une discussion à l'intérieur de l'Etat iranien, comme d'habitude. Le maintien des bases les découvrent plus que ne les protègent. Ils savent qu'on utilisera la menace qu'ils représentent contre eux.
En revanche, les Pasdarans qui se sont battus en Syrie peuvent vouloir des gages. Mais cela passe par la future composition politique en Syrie, pas par une confrontation directe avec Israël. Sur ce point, oui, il peut y avoir un affrontement en Syrie, mais qui ne comporte pas que les voisins mais avant tout les différentes communautés qui vivent sur place. Mais pas militairement nécessairement.
L'Iran n'établit donc pas de bases pour attaquer Israël, c'est faux. Elle s'assurent du futur de la composition de la Syrie future.

Mais le contexte actuel, s'il reste aussi tendu, est aussi propice à un dérapage. Et dans la configuration actuelle, cela pourrait entrainer une nouvelle escalade de violence importante...

Je ne suis pas spécialiste militaire, mais à partir où vous avez dans une zone réduite plusieurs armées ennemies qui se côtoient avec des conflits préexistants, oui, il y a des risques. On le voit avec les Kurdes et les Turcs.

Qu'est-ce qui empêche dès lors de voir ce qui arrive au nord du pays entre les Turcs et les Kurdes d'arriver au Sud entre le Hezbollah et les Israéliens ?

En effet, d'où l'importance des négociations. Ce qui est le plus à craindre c'est un dérapage parce que les adversaires sont à couteaux tirés et ne se parlent pas. Nous sommes dans une « zone dangereuse » où le faux-pas peut avoir des conséquences désastreuses c'est vrai. C'est peut-être aussi le signal envoyé par les déclarations « guerrières » des deux camps.

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