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Ana Ivanovic.
Ana Ivanovic.
©Reuters

Canicule à l'Open d'Australie

Cet Open d'Australie restera dans les mémoires comme l'un des plus éprouvant de l'histoire, ses températures dépassant 40°C ayant provoqué des malaises de joueurs. Une problématique qui pourrait réapparaître lors de la future Coupe du monde au Qatar.

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : A partir de quelle température devient-il dangereux de faire du sport ? Comment notre corps réagit-il aux chaleurs extrêmes ?

Gérard Dine : Il existe un optimum de la température pour la performance – mais cela dépend du type de performance. Plus l'effort est bref et moins il expose à la chaleur, voire directement au soleil,  moins la température joue un rôle important et négatif sur l'individu. Par contre, plus l'effort dure dans le temps (effort endurant continu ou discontinu – mais s'il est continu, c'est évidemment compliqué), plus la température excessive joue un rôle négatif. L'optimum de performance se trouve entre 8 et 15/20°C. Cet optimum de température est lié au fait que l'échange de la température interne du corps monte en fonction de la production énergétique par rapport à l'environnement thermique extérieur. Quand la température est au-dessus de 30°C, les choses deviennent compliquées. Lorsque la température atteint 35°C et un peu plus, cela devient beaucoup plus difficile – surtout si l'effort est intense et continu. Et si la température excède les 40°C, l'effort intense peut être dangereux pour le joueur.

En outre, il y a une différence entre température sèche et température humide. Par exemple, on assiste en Australie à une température sèche. Cette température sèche est plus facile à supporter. En revanche, la température humide – comme sous l'Equateur – est plus difficile à supporter. Ceci s'explique par l'hydrométrie : on a du mal à échanger au niveau de la sueur pour se débarrasser de la température corporelle.

Enfin, il m'apparaît qu'en Australie un autre phénomène permet d'expliquer l'extrême difficulté que rencontrent les joueurs. Il s'agit de la radiation due à l'effet direct de la chaleur solaire sur le corps. Il est donc important de se couvrir la tête (et donc le cerveau) et de protéger la nuque – nos thermostats neurologiques se situent au niveau de l'embranchement crâne-nuque.

Les chaleurs ont été si extrêmes que des joueurs se sont écroulés sur les courts. Les favoris, eux, tiennent bond. Comment se fait-il que certains soient plus résistants que d'autres ? Quels risques courent les joueurs ?

Tous les joueurs et joueuses sont en difficulté. Mais il est vrai que la tolérance à la chaleur est très variable selon les individus car il existe une différence dans les  thermostats humains. De plus, les différences s'expliquent par les qualités physionomiques de chacun et de la préparation à l'événement. Il est très important, en effet, de s'entraîner en vue de ce type d'une telle compétition.

Les risques sont au nombre de trois :

- l'hyperthermie directe : augmentation de la chaleur au niveau du thermostat suite à une exposition solaire intense ;

la déshydratation : la perte d'eau par la sueur pour rééquilibrer la température corporelle doublée d'un effort rend l'hydratation compliquée. Elle est d'autant plus compliquée pour les footballeurs qui n'ont pas de pauses aussi nombreuses que les tennisman. La déshydratation s'accompagne de difficultés cardio-vasculaires et neurologiques ;

- le risque musculaire : désagrément musculaire et donc difficulté à soutenir l'effort.

Et à long terme, quelles conséquences des chaleurs extrêmes peuvent-elles avoir sur notre corps si nous poussons trop et de manière répétée ?

A long terme, c'est la difficulté de récupération qui est à noter en premier lieu : on a du mal à récupérer et à renouveler les efforts. En effet, si on ne s'autorise pas de phases de récupération pour rééquilibrer la température corporelle, on aura du mal à renouveler la même performance d'un jour à l'autre. Aussi, la déshydratation extrême (due au manque d'hydratation par voie orale) provoque une grave déshydratation à laquelle on doit répondre médicalement.

Quels conseils donneriez-vous aux sportifs de haut niveau, comme à ceux du dimanche, pour qu'ils ne mettent pas leur santé en danger en fonction des températures ?

Les conseils que je peux donner dépendent de l'endroit où est pratiqué le sport :

- si le sport est pratiqué dans un lieu à température humide et où il n'y a pas de radiation solaire importante, il faut surtout penser à s'hydrater de manière très importante pendant l'effort – sinon on aura des difficultés d'échange ;

- si le sport est pratiqué dans un lieu où l'on est exposé directement à la chaleur ambiante et au soleil, il faut protéger le crâne, la nuque et les humidifier afin d'abaisser la température corporelle. Il est également possible d'humidifier ses vêtements ou carrément de porter des vêtements "réfrigérés".

Ensuite, même si cela est évident, il faut noter que pour les sauts en hauteur ou les sprints, il est inutile de s'exposer à la chaleur ou au soleil avant l'effort. Il faut s'économiser pour l'effort.

Enfin, il faut être bien entraîné. Cela aussi paraît banal mais ce facteur est vraiment important… même si parfois les meilleurs joueurs du monde cèdent à la chaleur comme Nadal et Djokovic, il y a quelques années, lors d'une finale.

Quant aux joueurs du dimanche, je donnerais les mêmes conseils. Même si leur sport est amateur, l'effort est tout aussi important car ils n'ont pas un niveau d'entraînement aussi élevé que les professionnels et ont donc moins de tolérance et de contrôle. Ils doivent être aussi très attentifs à leur niveau cardiaque. En effet, les sportifs professionnels, mieux entraînés, se remettent plus facilement d'un malaise qu'eux.

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