6 graphiques pour comprendre l’état réel de l’économie française <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un sommet à l'occasion d'une rencontre avec le Premier ministre britannique.
Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un sommet à l'occasion d'une rencontre avec le Premier ministre britannique.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Réalité derrière les chiffres

Spoiler : même si Standard and Poor's n'a pas dégradé sa notation de la dette française, l’avenir proche n’est pas rose.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Qu'observe-t-on sur ces différents graphiques :
Michel Ruimy : A fin mars 2023, la consommation des ménages français en biens, à prix constants, était en nette baisse. Hors épisodes de confinement et sur longue période, elle a retrouvé son niveau le plus bas depuis 13 ans (mars 2009) c’est-à-dire à l’époque de la crise financière mondiale des « subprimes » ! 


En volume, la demande de biens alimentaires, qui s’est nettement replié depuis novembre 2021, poursuit sa chute. Ce repli peut traduire une baisse effective de la quantité consommée, mais également des changements de gammes de produits achetés. En d’autres termes, dans un contexte marqué par une vive inflation, les ménages français adaptent leur comportement de consommation.

En dépit d’un léger rebond depuis quelques mois, la consommation en biens durables (équipement du logement, voitures, téléphones…) s’est repliée nettement en tendance. Elle traduit vraisemblablement une modification de la temporalité des achats.

Au premier trimestre 2023, le produit intérieur brut (PIB) a enregistré une hausse modérée en volume.

Dans le même temps, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut ménages par unité de consommation s’est replié. Ce ralentissement traduit notamment un moindre recours à la prime de partage de la valeur, après les versements importants effectués au quatrième trimestre 2022.

Le taux d’épargne des ménages a, en conséquence, diminué sur la période.

L’Euribor (EURo Interbank Offered Rate / taux interbancaire offert en euro) est un indice de référence de la zone euro en matière de prêts interbancaires. Il est fréquemment utilisé dans les formules d’indexation des taux des prêts révisables, comme les prêts immobiliers à taux variable ou les crédits renouvelables.

Ce taux, qui s’est rapidement établi à un niveau proche de 4% a, pour les ménages, notamment renchéri les frais de découvert sur les comptes à vue et le tarif des prêts hypothécaires, et abaissé le taux de rémunération de certains dépôts de particuliers…

L’indice des prix à la consommation a reflué en mai 2023. Pour la première fois depuis un an, il commence à décrocher, de manière plus marqué, de son plateau qui se situait autour de 6%. Cette inflexion résulte de l’évolution de sa composition, notamment d’un « effet de base » sur les produits pétroliers (moins chers qu’il y a 1 an) mais aussi d’un ralentissement des prix de l’alimentation et, dans une moindre mesure, de celui des produits manufacturés et des services.

Qu’est-ce que ces données nous apprennent de l’état de la conjoncture française ?

Michel Ruimy : Au cours des derniers mois, l’économie française a témoigné d’une certaine résilience en matière d’emploi et de pouvoir d’achat des ménages. Ce rebond a eu une contrepartie tenant au rôle joué par les finances publiques, qui pèse, dans la durée, sur le ratio d’endettement public en pourcentage du PIB.

Il n’en demeure pas moins que la progression du PIB au cours du T1-2023 est due notamment à la contribution positive du commerce extérieur. Cette « embellie » risque d’être remis en cause prochainement en raison du faible niveau d’activité attendu chez nos principaux partenaires européens.

Ainsi, en dépit d’une performance en trompe-l’œil, l’économie française est entrée dans une « stagflation rampante » d’autant que le climat des affaires et la confiance du consommateur ne sont pas encourageants.

L’inflation s’enkyste. Son niveau élevé pèse sur le revenu des ménages laissant la consommation sans ressort tout comme l’investissement-logement, pénalisé, de surcroît, par la remontée rapide des taux d’emprunt. Les entreprises ont donc dû faire face à une demande domestique atone. Cet environnement les conduira vraisemblablement à dégrader leurs plans d’investissement et d’embauche.

Autre sujet d’inquiétude, le niveau élevé des stocks. Avec la montée des tensions géopolitiques, les entreprises ont massivement restocké pour se prémunir d’éventuelles conséquences de ruptures dans les chaînes d’approvisionnements ce qui a fait du stockage un important contributeur à l’activité. Après avoir soutenu la croissance, ils pourraient bien la freiner cette année, ce qui fait désormais planer un risque d’amplification du ralentissement en cas de retournement du mouvement.

L’acquis de croissance pour 2023 s’élèverait à +0,5 % à mi-année.

Devons-nous nous attendre à un avenir proche difficile sur le plan économique au regard de ces données ? Y a-t-il des lueurs d’espoir (notamment l’inflation) ?

Michel Ruimy : En matière d’inflation, si l’ampleur des évolutions actuelles présente peu de points de comparaison récents et rend donc la prévision incertaine, quelques indicateurs suggèrent, sinon une baisse, du moins un ralentissement des prix de certains produits manufacturés au cours des prochains mois. Cette inflexion s’observe, par exemple, depuis quelques mois pour les prix de production de certains secteurs industriels et de l’agriculture.

En 2024 et 2025, l’ampleur du choc de prélèvement extérieur, qui continue peu ou prou à peser sur les ménages et les entreprises françaises, se réduirait. Avec l’impact progressif du resserrement de la politique monétaire, qui a contribué à ancrer les anticipations d’inflation des agents économiques, l’inflation poursuivrait son net recul et rejoindrait la cible de la Banque centrale européenne (2%).

Le cycle de l’emploi, comme habituellement, sera décalé dans le temps. Après une très bonne dynamique de l’emploi en 2022, celui-ci sera, sans doute, un peu affecté, avec retard, par le ralentissement de l’activité, mais aussi, plus positivement, par le rétablissement des gains de productivité, actuellement inférieurs à leur tendance. Ce rétablissement reste toutefois incertain alors que l’emploi a régulièrement surpris à la hausse depuis trois ans.

Aucun mécanisme de rebond ne se profile à horizon fin 2023. Entre les risques de craquement financier et les pressions à plus de rigueur budgétaire, la probabilité d’un étirement de la crise l’emporte sur celle d’une reprise au tournant de 2023-2024.

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