5 défis que pose tranquillement la Chine à l’Occident<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
5 défis que pose tranquillement la Chine à l’Occident
©Reuters

Provocation en duel

L'Empire du Milieu s'est imposé comme un pays incontournable sur bien des aspects, depuis la chute des économies occidentales en 2008. Après être devenu le moteur économique du monde quand l'Ouest pansait tant bien que mal ses plaies financières, la Chine a construit son hégémonie sur plusieurs autres domaines. Elle s'est affranchie de l'Occident sur des valeurs éthiques, l'a dépassé sur le plan sportif, le menace en terme de cybersécurité et s'intéresse de plus en plus aux zones d'Asie du Sud-Est...

Jean-Vincent Brisset

Jean-Vincent Brisset

Le Général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset est chercheur associé à l’IRIS. Diplômé de l'Ecole supérieure de Guerre aérienne, il a écrit plusieurs ouvrages sur la Chine, et participe à la rubrique défense dans L’Année stratégique.

Il est l'auteur de Manuel de l'outil militaire, aux éditions Armand Colin (avril 2012)

Voir la bio »
Jean-Claude Perrin

Jean-Claude Perrin

Jean-Claude Perrin a été entraîneur d'athlétisme français.

Voir la bio »
Agatha Kratz

Agatha Kratz

Agatha Kratz est rédactrice en chef de China Analysis et junior fellow à Asia Centre. Elle a étudié les sciences politiques et la finance à Sciences Po Paris, le chinois à Beiwai, et l’économie et les politiques publiques à la London School of Economics et Columbia University.

Voir la bio »
Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
Voir la bio »
François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

Voir la bio »

Premier défi : piratage des données et cyberguerre, quand la Chine prépare ses armes pour un conflit délocalisé sur internet

François Bernard Huyghe : Les Etats-Unis accusent systématiquement la Chine, à chaque nouvelle attaque informatique les visant. C'est un leitmotiv des sociétés de sécurité US, des think tanks, du Cybercommand, etc. : le risque de supériorité chinoise en matière de cyberattaques. Au point qu'Obama a adressé des reproches publics à Xi Jinping à ce sujet et que la justice américaine a inculpé trois officiers chinois pour  avoir mené des attaques depuis leur cellule de Shangaï. Une des plus virulentes est Hillary Clinton : dès 2010, elle  soutenait Google contre Pékin dans un conflit à propos d'une intrusion dans Gmail et elle ne cesse de dénoncer le cyberpéril jaune dans sa campagne électorale. Ces accusations reposent sur un triple raisonnement : 1 les adresses IP d'ordinateurs à l'origine de très nombreuses attaques sont situées sur le territoire chinois, 2 dans un pays aussi  contrôlé, cela ne pourrait pas se faire sans l'ordre ou au moins l'accord du gouvernement, 3 Pékin a le motif (le désir de s'emparer de la technologie occidentales) et les moyens de mener des intrusions systématiques, donc il est coupable.

La Chine est devenue synonyme de pillage de propriété industrielle et de "Advanced Persistent Threat" (un piratage informatique sophistiqué pour pénétrer une entreprise ou une organisation cible durablement). Même en supposant que les américains en rajoutent dans la fabrication du grand ennemi, difficile de nier la pratique l'espionnage cyber à grande échelle. En revanche, on ne voit guère de cas où ce pays utilise le sabotage des systèmes d'information (comme par exemple les USA retardant la nucléarisation de l'Iran avec le virus Stuxnet ou la Russie contre l'Estonie ou la Géorgie). Si vous considérez que l'espionnage n'est pas la guerre, les Chinois n'ont jamais fait d'actes de cyberguerre. Mais personne ne doute qu'ils se dotent d'armes informatiques offensives et qu'ils se préparent au cas où.

Il est difficile de dire de quand date la prise de conscience de la Chine concernant l'importance d'être précurseurs en terme de cyberguerre et de hacking. En effet, la doctrine chinoise sur ce sujet est plutôt discrète (et vos interlocuteurs chinois encore plus quand vous abordez le sujet). En 2009, un rapport de Northrop et Gruman parlait d'une transformation profonde des capacités militaires chinoises depuis plusieurs années : une "stratégie de guerre de l'information dénommée IntegratedNetworkElectronicWarfare (INEW) avec attaques par des réseaux d'ordinateurs et guerre électronique", combinées à des attaques "classiques" par le fer et par le feu. Dans les milieux stratégiques on cite avec admiration un livre de deux colonels chinois Q. Liang et W. Xiangsui " La guerre hors limites" publié en 1999 et qui théorisait déjà la place des attaques informatiques dans les futurs conflits. Les virus made in China et les grandes opérations dénoncées et baptisées depuis presque quinze ans (Byzantine Candor, Titan Rain, Shady Rat, etc.) renvoient à un projet encore plus ancien. Bref : sur le plan intellectuel et stratégique, ils sont tout sauf en retard.

La réputation du cyberdragon tient surtout à l'ampleur des moyens employés, au nombre des attaques d'espionnage et au caractère systématique des intrusions dans les systèmes d'entreprises, d'institutions, de centres de recherche, d'administrations, etc; du monde entier. Donc une inlassable énergie, de la continuité et la volonté de s'introduire partout plutôt qu'une grande sophistication ou l'agressivité des attaques (qui prélèvent de l'information plutôt qu'elle ne détruisent ou ne sabotent). Quant à la défense chinoise, elle repose sur le fait que le pays, jouant à fond la carte de la "balkanisation du Net" a su s'isoler des influences idéologiques (et a fortiori des cyberattaques) venues de l'ouest et de la Toile. On parle d'une Grande Muraille Numérique, qui fait que le pays a des frontières sûres dans le cyberespace. Par ailleurs, la Chine a songé à se doter très tôt d'équivalents locaux de Google ou Facebook, de fournisseurs d'accès, etc. pour ne pas dépendre de l'Occident (ce qui permet de contrôler la première population d'internautes du monde et de se protéger de toute dépendance technologique). Cela prouve surabondamment que ce pays a une stratégie à long terme de souveraineté et de sûreté numériques.

Deuxième défi : l'expansionnisme chinois, justifié par le désir d'incarner un pouvoir incontournable en Asie du Sud-Est et dans toute la région

Jean-Vincent Brisset : Quand on parle des rapports de la Chine avec le monde extérieur, il est nécessaire de rappeler certains fondamentaux. Même s'ils ne sont pas affichés ouvertement, ils restent profondément ancrés dans l'inconscient collectif et expliquent beaucoup de choses.
Tout d'abord, la Chine, Empire du Milieu, se positionne comme étant le centre d'un Monde essentiellement peuplé de hans confucéens. Son premier cercle est constitué de nations qui, à un moment au moins de leur histoire, ont été des vassales et pourraient (devraient ?) le redevenir. A l'extérieur, des "Barbares" étrangers à la civilisation chinoise.
Ensuite, contrairement à l'Occident, la Chine considère les frontières et les traités comme étant la photographie de l'état des lieux à l'instant de la signature et non pas comme un engagement pour le futur. D'où la possibilité de les remettre en cause si les rapports de force évoluent.
Enfin, contrairement à beaucoup d'idées reçues, l'étendue du territoire de la nation chinoise a beaucoup évolué au cours des siècles. L'empire des Ming, sans doute la plus puissante des dynasties purement chinoises (1368–1644, 6,500,000 km²) ne recouvrait qu'une partie de la Chine d'aujourd'hui (9,596,961 km²), elle-même nettement moins étendue que celle de l'occupation mongole (dynastie Yuan, 1271-1368, 14,000,000 km²) ou mandchoue (dynastie Qing, 1644-1912 13,150,000 km²).

Le premier point fait que, même si ses dirigeants sont parfaitement conscients d'avoir un destin planétaire, les aspirations profondes du pays ne sont pas forcément du même niveau. On peut penser que, si les Chinois aimeraient être reconnus au niveau mondial, et peut être même être considérés comme étant d'essence supérieure, leurs ambitions hégémoniques sont bien davantage régionales, un espace dans lequel ils peuvent se montrer parfaitement intransigeants. Cependant, ce schéma est aujourd'hui battu en brèche. L'ouverture au monde extérieur, refusée pendant des siècles, est devenue très difficile à empêcher, même si le gouvernement continue de se penser légitime en limitant certains accès au monde extérieur, tant en censurant les médias qu'en contrôlant durement les accès Internet. 

La volonté expansionniste que l'on observe actuellement se traduit par des poussées en direction de la Mer de Chine Orientale et la Mer de Chine du Sud. Ces revendications sont appuyées par une impressionnante montée en puissance d'une marine de guerre bâtie en quelques années malgré une quasi-totale absence de traditions et d'expérience dans ce domaine. Le pays a pris conscience de sa puissance dans les premières années du XXI° siècle. La volonté de réussir les Jeux Olympiques de 2008 et l'Exposition Universelle de 2010 ont d'abord conduit à mettre en veilleuse les revendications maritimes. Cet obstacle passé, la voie de la conquête était libre. On peut aussi penser que, si Xi Jingping a été aussi loin dans cette direction, c'est aussi pour des raisons de politique intérieure. Présenté un peu rapidement comme l'homme très fort et le détenteur de tous les pouvoirs, il semble que Xi soit loin de faire l'unanimité dans la classe dirigeante et au sein de son propre parti comme de son Armée. Ceci expliquerait le recours très marqué à la lutte contre la corruption, lutte qui permet de se débarrasser de certains adversaires et dont le succès populaire est garanti dans un pays qui en souffre beaucoup.  L'affichage d'un nationalisme conquérant, destiné à "effacer les humiliations" est aussi une manière de recueillir un appui sans faille de la population et, de plus, de forcer les dirigeants conservateurs à accorder des satisfécits au Président Xi.

Mais, si ces actions ont un effet positif sur le plan intérieur, il n'en est peut-être pas de même à l'extérieur. Ce qui s'est passé en mer de Chine Orientale, autour des îles Senkaku/Diaoyu, a durci l'opinion publique japonaise et permis à ses dirigeants de remettre en question la politique de défense de Tokyo, dans un sens beaucoup plus offensif. De la même manière, les pays riverains de la Mer de Chine du Sud ont réagi en tentant d'impliquer dans leurs revendications l'ASEAN dans son ensemble. Face au Japon, Pékin a réagi en mettant une certaine sourdine à ses revendications. Et, pour empêcher toute réaction commune des pays de l'ASEAN, Pékin a dû exercer de très fortes pressions sur les pays qui étaient les plus proches et les plus dépendants de lui, à savoir le Cambodge et la Birmanie. Il a réussi à bloquer l'élaboration et l'adoption du code de conduite (proposé par les pays directement concernés) qui aurait tracé des limites claires. De plus, les constructions d'installations à but militaire et les déploiements de plateformes pétrolières dans des zones revendiquées par les riverains ont continué. 

Mais, ce qui est le plus contreproductif pour la Chine est le fait que ce qui est perçu comme une série d'agressions par ses voisins a eu pour effet de les rapprocher des Etats-Unis, son principal adversaire. Il est loin le temps où certains croyaient voir se dessiner un G2. Aujourd'hui, le soutien plus ou moins direct de Washington est demandé par la plupart des pays concernés, y compris par Hanoi. Et cette demande légitime la présence de moyens militaires américains dans la zone. Des incidents ont déjà eu lieu, mais les Chinois savent très bien qu'ils ne peuvent pas se permettre de traiter un navire de l'US Navy comme un bateau de pêche philippin.

Troisième défi : Le maquillage des chiffres de la croissance chinoise, de peur de provoquer des sévères remous dans l'économie mondiale

Agatha Kratz :La Chine est un pays immense qui compte un très grand nombre de provinces, de villes, et évidemment d'habitants. Par conséquent il existe de très nombreux échelons administratifs. Ainsi, produire des statistiques fiables est une tâche très complexe pour l’Etat chinois. Les chiffres fournis par ces différents niveaux d'administration, chargés de les produire indépendamment, diffèrent et peuvent se contredire pour de nombreuses raisons. Les sources retenues ne sont pas toujours les mêmes, les échantillons divergent, les moyens disponibles également, et de façon générale, aucun bureau de statistique n’a la capacité de couvrir ou de prendre en compte l'intégralité de sa population ou de son économie. Il en est de même pour le bureau de statistique central. Par conséquent, les extrapolations sont nécessaires, et les approximations inévitables. C'est l’une des principales raisons pour lesquelles il est important de prendre les chiffres chinois avec des pincettes.

Mais il faut également prendre en compte le fait qu’entre ces différents niveaux d'administration, il arrive que les intérêts divergent. Les provinces, par exemple, peuvent être tentées d’envoyer des signaux indiquant que l’économie locale est bien portante, et ses chiffres satisfaisants. Cela peut donc, il est vrai, pousser certaines provinces à privilégier la récolte de données économiques particulièrement positives, ou de biaiser d’une façon ou d’une autre la collecte de ces informations. Ainsi, en raison de ces divergences d’intérêt, les chiffres centraux et provinciaux diffèrent souvent. C’est d’autant plus vrai que les cadres provinciaux sont jugés sur la performance de l’économie locale : sur la croissance, le niveau de chômage ou encore l'activité économique. Ceci encourage donc parfois les provinces à gonfler leurs chiffres. Mais cette volonté de présenter une image positive et optimiste de l’économie chinoise peut aussi être présente au niveau central : face à une croissance en décélération nette, le gouvernement central peut vouloir renvoyer l’image d’un taux de croissance en chute moins forte que celle attendue par d'autres acteurs économiques internationaux. Bien évidemment, une croissance de 7% est tout à fait honorable. Mais le gouvernement peut souhaiter montrer que la croissance reste forte, et « sous contrôle », pour éviter que ne se déclenchent des phénomènes d’inquiétudes « auto réalisatrices » : par exemple, des perspectives de croissance en forte baisse peuvent parfois impliquer une baisse de l’investissement des entreprises, une baisse des nouvelles créations d’entreprises, une baisse de la consommation qui se transformerait alors en épargne par crainte du futur, etc.. Ainsi, annoncer des résultats économiques plus bas que ceux officiellement attendus peut présenter un risque. Enfin, et même si c'est un aspect moins primordial, il faut reconnaître qu'une Chine qui croit à 10% est davantage en position de force internationalement qu'une Chine qui croit à 3%. Ces éléments expliquent donc les efforts que la Chine déploie, au niveau central ou au niveau provincial, à utiliser les moyens dont elle dispose pour atteindre ses objectifs de croissance.

Il faut noter néanmoins que, puisque le gouvernement base nombre de ses politiques économiques, sociales, environnementales, etc. sur les statistiques économiques chinoises, il est important que celles-ci traduisent tout de même la tendance générale. C’est pourquoi la Chine tente depuis de nombreuses années d’améliorer la collecte de ses données économiques. 

Pour autant, aujourd'hui, personne ne sait exactement quel est le niveau de la croissance chinoise. Une surestimation de celle-ci peut certes présenter des risques, s'il s'avérait que celle-ci était en fait très basse, et que les mesures nécessaires pour la soutenir n’étaient pas prises. Ceci étant, les entreprises chinoises comme les entreprises étrangères ne se voilent pas la face : le ralentissement important de la croissance chinoise ne leur est pas inconnu. Preuve en est, la décélération de l'investissement. Elle laisse à penser que les acteurs économiques sont conscients qu'il existe une forte marge d'erreur dans les statistiques officielles chinoises, et que les perspectives de croissance (au moins dans certains secteurs) sont nettement inférieures aux 7% annoncés. Le vrai risque serait que les acteurs économiques prennent ces chiffres à la lettre. Mais c’est rarement le cas, puisque, l’économie chinoise étant l’agrégation d’un très grand nombres de secteurs, les acteurs dans ces secteurs sont souvent à même de récolter une information directe, auprès de leur clients, de leur partenaires commerciaux, etc. C’est pourquoi le danger est bien moins important que ce que l'on pourrait croire. A partir du moment où l'on sait que le chiffre agrégé n'est pas le bon, on agit en fonction de chiffres locaux ou sectoriels, d’informations disponibles, etc.

Il faut donc considérer les chiffres officiels de la croissance chinoise comme ce qu'ils sont avant tout : des objectifs fixés par le gouvernement, annoncés en début d'année, et ensuite réalisés ou non. Souvent ils sont atteints, notamment car des mesures sont prises dans ce sens. Certes, il existe des phénomènes de reconstruction sur les chiffres, de maquillage, etc. mais pas seulement. La Chine met aussi en œuvre un certain nombre de mesures (monétaires, fiscales, administratives, etc.) pour atteindre ses objectifs de croissance. Elle peut lancer des politiques de relance, à travers par exemple de grands projets d'infrastructures (comme la construction de chemins de fer, qui permet d'employer des ressources en surproduction, de la main d'œuvre, des entreprises parfois en difficulté, etc.). Ces projets sont parfois peu productifs ou sous efficients, mais ils créent une activité à un moment T, ainsi que des externalités positives.

Les chiffres de la croissance chinoise ont donc également un effet d'annonce : si la Chine prévoit 7% de croissance, elle fera tout pour que cet objectif soit atteint. Et si l'année suivante, elle annonce un niveau de croissance de 5.5%, on pourra en déduire que l'objectif n'était pas tenable. Bien souvent, ces annonces sont donc des objectifs plus que des constats.

Quatrième défi : Une recherche scientifique qui chercher à créer l'homme supérieur de demain

Laurent Alexandre : Les Chinois sont beaucoup plus eugénistes que les occidentaux. Et le plus choquant pour nous européens est la volonté d’étendre la logique eugéniste aux capacités intellectuelles. La Chine a lancé un grand programme de séquençage de l’ADN des surdoués. Deux mille deux cents individus porteurs d’un quotient intellectuel au moins égal à 160. Ce programme est réalisé par le Beijing Genomics Institute (BGI), qui est le plus important centre de séquençage de l’ADN du monde. L’objectif des Chinois est de déterminer les variants génétiques favorisant l’intelligence, en comparant le génome des surdoués à celui d’individus à QI moyen.

La part génétique de l’intelligence reste un sujet tabou, ce qui amuse beaucoup les Chinois. « Les gens pensent que c’est un sujet controversé, spécialement les Occidentaux. Ce n’est pas le cas en Chine », a déclaré au Wall Street Journal Zhao Bowen, petit génie de 22 ans qui signa son premier article dans Nature à 15 ans et qui est le patron de ce programme.

Pour les autorités chinoises, tout ce qui augmente le potentiel technologique de la Chine est bon et juste. La Chine veut rattraper son retard technologique et économique par tous les moyens.

On pourrait aussi citer l'armée chinoise qui collabore avec plusieurs entreprises pour mettre au point des intelligences artificielles supérieures, et il y a fort à croire que les précautions en la matière ne sont pas les mêmes que dans les pays Occidentaux. Tout ce qui concourt à la nation est simplement utile. C'est une inversion par rapport à nos critères moraux. Ils n'ont pas fini de nous inquiéter, de nous dépasser.

En somme, et dans un certain nombre de cas lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre la stratégie de puissance, la Chine ne s'encombre pas des barrières éthiques occidentales.

Les Chinois l'ont fait en premier non pas parce qu'ils sont très avancés sur les nucléases, mais parce qu'ils ont osé le faire. Un étudiant en 4ème année de biologie est capable de procéder à ce type de manipulation (CRISP-Cas9). Ils l'ont fait sur une centaine d'embryons, mais le caractère sensationnel de l'annonce n'est pas lié à la complexité technique, plutôt à la transgression. 

Globalement, la Chine est très utilitariste. Les Chinois en attendent une puissance industrielle, un moyen d'améliorer les générations à venir, de faire avancer la médecine, de gagner des brevets, des parts de marché, et in fine de l'argent… En somme, ils ont l'approche éthique de Stuart Mill : tout ce qui est utile est éthique."

Cinquième défi : une Chine toute d'or parée, victorieuse des JO de Pékin en 2008 et durablement installée sur la scène sportive internationale, au détriment de nations comme la France

Jean-Claude Perrin : La Chine est d'ores et déjà une très grande nation politique, avec un bon milliard d'habitants et un territoire immense. Sur le plan sportif, c'est également une nation d'une importance capitale. Dans nombre de disciplines olympiques, ils ont réalisé des progrès spectaculaires. En 2008,  lors des Jeux Olympiques de Pékin, la Chine a remporté la première place avec 100 médailles décrochées. Cependant, il ne faut pas y voir le tournant du sport chinois, mais bien l'aboutissement de celui-ci. Le virage a eu lieu 10 à 15 ans plus tôt.

Au travers du sport, la Chine cherche à promouvoir une autre forme de regard. Le sport incarne l'un des vecteurs qui permet de modifier le regard de l'Occident sur l'Empire du Milieu. En brillant dans le domaine du sport, la Chine brille à l'international. Les Jeux de Pékin ont bien évidemment stimulé cet état de fait, puisqu'ils ont permis à la Chine de positionner un maximum de finalistes et de médaillés sur les podiums. En athlétisme également, la Chine a su s'imposer avec des records du monde sur des épreuves de courses. Qu Yunxia détient actuellement le record du 1 500 mètres tandis que Wang Junxia détient ceux du 3 000 et du 10 000 mètres. C'est révélateur : le chronomètre est une terrible épreuve de vérité. Aujourd'hui, et c'est indéniable, la Chine est une nation avec laquelle il faut compter – en priorité ! – dès lors qu'on parle de sport. Et, malheureusement, ça se fait à notre détriment.

La Chine dispose actuellement de très bons athlètes, y compris dans des disciplines aussi techniques que le saut à la perche. C'est, notamment, en raison des apports étrangers dont le pays a pu bénéficier. Des Français, par exemple, ont permis à la Chine d'évoluer dans des domaines comme l'escrime et après l'effondrement du bloc de l'Est, de nombreux technicien ont gagné la Chine, l'aidant à se former sur d'autres disciplines sportives. Bien évidemment, la Chine a ensuite repris tout cette technique à sa manière, en adaptant le tout à son propre contexte. Il est important de revenir sur la conception que l'on peut avoir du sport là bas : il ne s'agit pas uniquement de technique, pas uniquement du travail de frappe d'une balle, d'une impulsion ou d'un exercice sur la poutre… La culture chinoise diffère de la notre et de nombreux techniciens européens l'apprennent à leurs propres dépends. La chine c'est une expérience séculaire dans le domaine des arts martiaux, c'est également une vision très spécifique de certains sports comme le tir à l'arc. La flèche est une forme d'émanation même du tireur. C'est de la philosophie, certes, mais elle jouit d'un certain poids dans le domaine du sport.

Enfin, comme chaque sportif qui concourt, les athlètes chinois s'entraînent et participent pour gagner. Il serait faux de dire que certains acceptent bien la deuxième place : à partir du moment ou un sportif pose un pied sur le stade, c'est pour gagner. Certains athlètes racontent parfois de belles histoire pour la presse, mais l'idée derrière l'entraînement, ça n'est jamais d'arriver 2ème.

Propos recueillis par Elie Abergel et Vincent Nahan

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !