33 000 euros : ce que la réforme des retraites coûtera à un jeune qui entrera sur le marché du travail en 2014 <!-- --> | Atlantico.fr
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Image extrait du film "Tanguy".
Image extrait du film "Tanguy".
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La douloureuse

Ce billet estime la valeur financière de la réforme des retraites annoncée par le gouvernement. Pour un jeune entrant sur le marché du travail en 2014, la perte a une valeur présente de 33 000 euros.

 Acrithène

Acrithène

Acrithène tente tous les jours de vulgariser la science économique sur son blog.

Il est diplômé d’HEC Paris (finance) et de l’Ecole d’Economie de Toulouse (économie théorique) et actuellement doctorant.

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Tant pis pour le chômage, le gouvernement a fait le choix d’une poursuite de la stratégie de la gestion des retraites par le matraquage fiscal du travail et par la cavalerie : accroître les sommes investies par les jeunes pour rembourser les promesses faites à leurs grands-parents.

Un des grands avantages du système par capitalisation, c’est sa grande transparence. Au moindre changement dans les perspectives futures de l’économie, les marchés boursiers réagissent et la valeur des sommes provisionnées pour la retraite capitalisée est réévaluée par le marché. Cette transparence joue contre la capitalisation, car elle donne l’impression d’une très forte instabilité. Au contraire, comme personne ne s’amuse à calculer la variation de valeur des retraites par répartition, personne ne réalise leur volatilité.

D’où ce petit billet, dont l’objet est d’estimer combien un jeune de 20 ans a perdu dans la mini-réformette des retraites que le gouvernement nous a annoncée. Concrètement, le gouvernement propose d’augmenter progressivement les cotisations sociales de 0.6 points et d’allonger la durée de cotisation à 43 ans. Cela induit une perte totale de 73 000 euros pour un jeune "moyen" entrant sur le marché du travail en 2014, répartie au cours des 43 prochaines années. La valeur financière actuelle de cette perte est d’environ 33 000 euros.

Hypothèses

Pour établir cette facture, faisons quelques hypothèses grossières mais simplificatrices et raisonnables sur le futur :

  •  Notre jeune commence à travailler en 2014, il touche tout au long de sa vie le salaire moyen correspondant à sa tranche d’âge.
  •  Le salaire moyen et le plafond de la sécurité sociale progressent de 1% par an, tandis que le salaire moyen progresse aussi de 1.65% par année d’âge (reflétant la structuration des salaires par âge donnée par l’INSEE).
  •  Tous les chiffres sont donnés en euros de 2013, supposant l’absence d’inflation (les paramètres actuels du système de retraite le rende neutre à l’inflation).
  •  La distinction cotisations salariales/cotisations patronales n’a pas d’existence économique réelle. Il s’agit d’un résultat basique d’économie publique (explications).


La feuille de calcul Excel est disponible en bas de page.

Facture de la hausse du taux de cotisations

L’an prochain, notre jeune touchera un peu moins de 20 000 euros brut, et la hausse de 0.3 point de pourcentage des cotisations retraites ne lui coûtera que 59 euros. A première vue, pas de quoi s’affoler. En 2017, il gagnera un peu plus de 21 000 euros, la hausse aura atteint son maximum de 0.6 points, et lui coûtera 130 euros par an. Rien de dramatique, tout juste de quoi payer la redevance pour regarder Plus Belle la Vie.

Enfin, en 2056, il touchera un peu moins de 60 000 euros bruts, et le surplus de 0.6 point de cotisations lui coûtera 340 euros. Au total, d’ici qu’il prenne sa retraite en 2056 après 43 années de cotisations, la hausse des prélèvements lui aura coûté en tout 9 075 euros.

Facture du rallongement de la durée de cotisation

Cotisations supplémentaires

Le rallongement de la durée des cotisations implique que notre jeune, plutôt que de s’arrêter en juin 2055, ne s’arrêtera qu’en décembre 2056.

Cela lui rajoute six mois de cotisations en 2055. En supposant un salaire brut de 57 400 euros et un plafond de la Sécurité sociale à 55 687 euros, cela ajoute 4 636 euros de cotisations au régime général, et 2 837 euros de cotisations au régime complémentaire (non cadre).

Similairement, en lui ajoutant une année complète en 2056, on lui ajoutera 9 365 euros de cotisations au régime général, et 5 973 euros au régime complémentaire.

Soit une facture totale pour le rallongement de la durée de cotisation de 22 781 euros.

Perte de pensions

Par ailleurs, notre jeune perd les pensions qu’il aurait dû recevoir entre juin 2055 et décembre 2056, vu qu’il continue à travailler.

Avec une moyenne des 25 meilleures années (sous plafond) à 42 526 euros, et un taux de liquidation de 50%, il aurait reçu une pension de 21 263 euros au titre du régime général. Comme il perd cette pension pour une année et demie, sa perte totale à ce titre est de 31 895 euros.

A la perte de pension du régime général faut-il encore ajouter la perte de la pension du régime complémentaire. Pour faire simple, en estimant qu’un non-cadre reçoit une pension complémentaire égale à 30% de sa pension générale, la perte est de 9 568 euros.

Perte totale et valeur actuelle

Si nous faisons les comptes, on arrive à une perte totale, sur l’ensemble des 43 prochaines années, et juste au titre de la réformette, de 73 319 euros.

Evidemment, ce chiffre n’est pas révélateur de la valeur actuelle de la perte. Un euro perdu dans 40 ans ne vaut pas un euro perdu aujourd’hui, à cause de la composition des intérêts. A supposer un taux d’intérêt réel (après soustraction du taux de l’inflation) égal à 2%, la valeur actuelle de la perte s’établit à 33 149 euros.

C’est-à-dire que si un couple de retraités choqué par la traite des jeunes voulait ouvrir un compte bancaire rémunéré à 2% au-dessus de l’inflation afin de compenser la perte financière infligé a notre nouveau travailleur, il faudrait qu’il lui fasse un don de 33 000 euros au 1er janvier 2014. Le capital et les intérêts perçus permettront de payer exactement les coûts de la réforme.

Lien vers la feuille de calcul

*Cet article a précédemment été publié sur le blog d'Acrithène

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