Terrorisme : scoop, la guerre est terminée <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Obama a officiellement déclaré terminée à la guerre contre le terrorisme.
Le président Obama a officiellement déclaré terminée à la guerre contre le terrorisme.
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Trans-Amérique Express

Devant l’Université de Défense Nationale, le 23 mai, le président américain a déclaré finie la guerre contre le terrorisme. L’annonce n’a déclenché aucune célébration. Parce qu’elle ne traduit pas une réalité mais souligne les contradictions et interrogations du président lui-même.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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La nouvelle n’a eu que peu d’écho en France. Et pourtant elle constitue un tournant majeur. Presque un évènement historique. Le Jeudi 23 mai dans un discours devant l’Université de Défense Nationale, à Fort Mc Nair, le président Obama a officiellement déclaré terminée à la guerre contre le terrorisme ! Cette fameuse guerre commencée le 11 septembre 2001 par les attentats d’Al Qaeda contre le World Trade Center et le Pentagone.  Au nom du simple fait qu’une guerre ne pouvait durer éternellement !

Étonnamment, cette déclaration n’a été saluée par aucune célébration dans les rues de New York ou d’ailleurs. Aucune embrassade et liesse populaire. Au contraire de ce qui s’était passé en 1918 ou en 1945, à la fin de la première et de la seconde guerre mondiale. L’annonce n’a même pas fait les gros titres de la presse internationale.

Pourquoi ? Parce que le terrorisme n’est pas une menace comme les autres et parce que cette guerre n’est pas une guerre comme les autres. Les Américains savent, au fond d’eux même, que quoi qu’en dise leur président, ils ne connaitront  plus de sitôt ce sentiment de sécurité qui existait avant le 11 septembre et que l’on considérait comme le privilège légitime d’une nation puissante et en paix. Pas plus que les Européens d’ailleurs.

Le 11 septembre 2001 a fait basculer le monde dans "l’âge du Djihad". Cet âge ne prendra pas fin tant que les djihadistes n’auront pas renoncé à leur dessein et déposé leurs armes. Le président des Etats-Unis, aussi puissant et épris de paix soit-il, ne peut décréter la fin d’un tel combat. Ce n’est pas le sien. Lui et le monde libre sont la cible, non l’agresseur. Ce n’est pas lui qui a commencé cette guerre. C’est l’ennemi. Seul l’ennemi peut y mettre un terme en y renonçant. Ou en étant anéanti. Or l’ennemi est toujours là. Plus déterminé que jamais.

D’ailleurs, dans les trois jours qui suivaient le discours du président Obama, on assistait à deux attentats sauvages à Londres et Paris, perpétrés au nom d’Allah, en plein jour, en pleine rue, tandis qu’au Niger un attentat suicide était imputé à des islamistes. Aux Etats-Unis même, le souvenir des attentats de Boston est loin d’être effacé.

Plutôt que de déclarer la guerre contre le terrorisme terminée, Obama aurait dû appeler le monde musulman à déclarer le djihad incompatible avec l’islam et à combattre tous les djihadistes et les terroristes en son sein.

Au lieu de cela, le président Obama va demander au Congrès de mettre un terme à l’engagement autorisé en 2001. Aux Etats-Unis, seul le Congrès a le pouvoir de déclarer la Guerre, et d’autoriser son financement. La guerre contre le terrorisme répond à une Autorisation d’utiliser la Force Militaire (AUMF, en anglais) votée dès le 11 septembre 2001. Si Obama obtient ce vote, c’est l’ensemble du financement de la lutte contre le terrorisme qui sera remis en cause…

Pour le reste, le président Obama a déjà décidé, par décret, de changer les règles d’utilisation des drones. Ceux-ci vont passer sous le contrôle du Pentagone et non plus de la CIA. Les procédures et les conditions autorisant leurs recours vont être beaucoup plus sévères.  Autant dire que les frappes de drone vont devenir exceptionnelles. Non qu’elles ne furent pas efficaces jusqu’à présent. Au contraire. Mais il s’agit de limiter les dommages collatéraux, à savoir les victimes civiles. Alors même que la stratégie des terroristes consiste justement  à se mêler aux civils pour en faire des boucliers humains…

Le président Obama a également réitéré son souhait de fermer le centre de détention de Guantanamo. C’était une de ses promesses de campagne de 2007. Il n’y est pas parvenu jusqu’à présent, car les Etats-Unis ne savent pas quoi faire des prisonniers qui s’y trouvent. Ils sont encore plus de cent soixante. Certains vont être renvoyés chez eux,  au Yémen.  Faire venir les autres sur le sol américain, comme le propose Obama, soulèverait des questions constitutionnelles sans fin…

Enfin, Obama a confirmé le retrait total des troupes d’Afghanistan d’ici la fin 2014. Tout en reconnaissant qu’il fallait "finir le travail engagé pour vaincre Al Qaeda et ses forces associées". Car s’il a insisté pour dire que "le cœur d’Al Qaeda est sur la voie de la défaite", il a aussi reconnu que des "affiliés avaient émergé ici et là".

Cette annonce ne constituait pas un "scoop". Pas plus que les deux autres. Les sentiments du président sur ces sujets étaient déjà connus. Mais ce qui a frappé les observateurs américains était plutôt les contradictions internes présentes dans le discours du président Obama. En même temps qu’il souhaitait déclarer la "guerre achevée", il a souligné combien la menace terroriste était toujours présente, combien le combat des djihadistes se poursuivait et énumérés tous les fronts sur lesquels les combats continuaient:   

"Notre nation est toujours sous la menace des terroristes… Le terrorisme est alimenté par une idéologie anti-américaine et anti-occidentale qui persiste encore… Mais après dix ans le moment est venu de poser les questions difficiles sur la nature de ces menaces et la façon de la contrer…  L’Amérique est à la croisée des chemins… Il nous faut avoir en mémoire la mise en garde de James Madison (4e président des Etats-Unis, ndlr) aucune nation ne peut préserver ses libertés si elle est perpétuellement en guerre… Cette guerre, comme toutes les guerres, doit avoir un terme. C’est ce que l’histoire recommande. C’est ce que la démocratie impose."

Par son discours, le président Obama a en fait apporté le dernier élément en date du débat entre sécurité et liberté qui divise les Etats-Unis depuis le lendemain du 11 septembre.  Le problème est que dans sa volonté de redéfinir l’engagement américain, au nom de la défense des libertés, et des valeurs américaines, Obama ferme les yeux sur la réalité du monde. En cela, il prend le risque de mettre à nouveau en danger la sécurité des Etats-Unis. C’est déjà ce qui s’était passé sous la présidence de Bill Clinton et qui avait justement débouché sur le 11 septembre…

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