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Mais quelle est donc la couleur du gilet jaune ?
©François NASCIMBENI / AFP

Jaunisse

Karl Lagerfeld prétendait que le gilet jaune n’allait avec rien. En fait, il semble plutôt aller avec tout et c’est bien le problème.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je n’aimerais pas beaucoup être à la place de Macron en ce moment. Enfin, c’est surtout une formule pratique pour introduire mon sujet. En réalité, j’aimerais bien être président : c’est plutôt prestigieux comme job, c’est pas mal payé, on voyage régulièrement dans le monde entier, on rencontre plein de gens intéressants et on peut écrire de mauvais bouquins qui deviennent des best-sellers même lorsqu’on est trop impopulaire pour être élu une seconde fois.

Je n’aimerais pas beaucoup être à la place de Macron en ce moment, donc, parce que je n’aurais pas la moindre idée de la manière de me dépêtrer de cette affaire des gilets jaunes. Il faut dire que, sur le sens à donner au mouvement ou sur les réponses à lui apporter, je ne suis pas le seul à me gratter la tête.

Il y a des gilets jaunes très à gauche qui demandent l’augmentation des dépenses publiques ; il y a des gilets jaunes très à droite qui exigent la baisse des impôts ; il y a des gilets jaunes apolitiques qui aiment les bagnoles et voudraient pouvoir rouler sans contraintes ; il y a des gilets jaunes sans permis qui préfèrent les transports en commun mais les trouvent trop mal-fichus ; il y a des gilets jaunes qui expliquent que tout ça n’a rien à voir avec l’essence parce que c’est un ras-le-bol généralisé ; il y a des gilets jaunes qui apprécient la camaraderie bon-enfant d’une fiesta déguisée un samedi après-midi ; il y a des gilets jaunes warholiens qui voulaient juste passer à la téloche...

Bref, il y a des gilets jaunes de toutes les couleurs, si on peut dire. Tenez, il y aurait même des gilets jaunes belges, désormais.

Pour certains analystes, il s’agit d’ailleurs d’un truc classique de Gaulois qui râlent pour tout et pour rien par nature et veulent régulièrement couper la tête de leurs élites. Une fronde, une jacquerie, presque une révolution en gestation. Mais pour d’autres, pourtant pas moins calés en francologie, c’est au contraire totalement inédit, le fruit pourri de la mondialisation ultra-libérale qui balaye tout sur son passage. On n’aurait carrément jamais vu ça, ils disent.

Mais ce n’est pas tout —ça serait trop simple— car il y a aussi les anti-gilets jaunes. Les anti-gilets jaunes de droite qui demandent le rétablissement immédiat de la loi et l’ordre et la fin de la chienlit. Les anti-gilets jaunes de gauche qui se bouchent le nez devant une telle débauche de poujadisme éhonté. Les anti-gilets jaunes écolos qui interdiraient bien carrément le pétrole sous toutes ses formes. Les anti-gilets jaunes fashion qui pensent que c’est effectivement un vêtement particulièrement moche. Et ils votent aussi, ces anti-gilets jaunes. Un président peut difficilement les laisser voir rouge sans réagir. Même un bleu comme Macron.

Alors, va-t-il s’en tirer sans trop d’encombres, imaginant une nouvelle usine gaz bien de chez nous qui satisfera vaguement tout le monde et son frère jusqu’à la prochaine crise d’eczéma nationale ? Ou des gilets jaunes sans culottes réussiront-ils à prendre la place de la Bastille (d’ailleurs bientôt piétonne, ils ne pourront pas y aller en voiture) sous la bannière d’un nouveau Robespierre fluorescent ? Mystère et boule de gomme mais on souhaite bon courage à Jupiter.

La semaine prochaine, je vous expliquerai pourquoi je n’aimerais pas non plus être premier ministre britannique en ce moment.

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