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Attentat de New York : ce monde où Donald Trump choque plus en parlant de peine de mort que Sayfullo Saipov se disant "fier de son acte"
©JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

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Le typique islamo-terroriste de la "troisième génération".

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Les leçons de l’attentat de Manhattan : les propos de Donald Trump sur l’auteur de l’attentat choquent plus que ceux de Sayfullo Saipov « fier de son acte »..

L’auteur de la tuerie de New York, l’ouzbèke Saipov, 29 ans, qui a massacré avec son véhicule huit personnes à Manhattan mardi soir dernier, a été présenté comme un « soldat » de l’organisation Etat islamique, a déclaré officiellement jeudi le site internet de l’Etat islamique, par ailleurs en nette perte de vitesse en Syrie depuis la perte de Raqqa. « Un des soldats de l’État islamique a attaqué des croisés dans une rue de New York », au nom du Califat, a assuré l’organe de presse de Daesh (Al-Naba ou « les News »). « Par la grâce d’Allah, l’opération a instillé la peur dans le cœur de l’Amérique croisée en la poussant à accroître les mesures de sécurité et à intensifier les dispositifs contre les immigrants en Amérique », atteste le texte d’Al-Naba. Sayfullo Saipov aurait ainsi appliqué très précisément les « instructions » de Daech dans la façon de perpétrer l’attentat. On se rappelle que le mois dernier, l’EI avait également revendiqué (plus rapidement d’ailleurs) la tuerie de Las Vegas, perpétrée par un retraité américain soi-disant converti à l’islam contre les spectateurs d’un concert (58 morts). Toutefois, à la différence de Paddock, tueur de La Vegas, qualifié à tort de « soldat du Califat», la revendication de l’attentat perpétré mardi soir à New York par le jeune ouzbèke a été attestée par les professionnels du renseignement. Sayfullo Saipov a donc vraisemblablement prêté allégeance à l’Etat islamique, même s’il est vrai que l’EI a tendance ces derniers temps à revendiquer le maximum d’attentats et à rechercher les « franchisés », comme jadis Al-Qaïda après les guerres d’Afghanistan et d’Irak, afin de sembler ainsi compenser ses défaites et pertes territoriales croissantes en Irak et en Syrie face à la double coalition américano-kurde et russo-syro-iranienne. 

Le typique islamo-terroriste de la « troisième génération »

A peine après avoir été blessé puis transféré dans un hôpital de New York à la suite de sa neutralisation par la police, Saipov, auteur du plus grave attentat commis à New York depuis septembre 2001, a été rapidement inculpé, mercredi, par le procureur fédéral de Manhattan de deux chefs d'accusation « fédéraux » : violence/ destruction de véhicules puis soutien à une organisation terroriste étrangère. Normalement, aux Etats-Unis, pareils chefs d’accusation exposent à la prison à perpétuité, voire même à la peine de mort. Toutefois, il faut préciser que dans l’Etat de New York, où elle n’est pas en vigueur, la peine suprême ne pourrait être appliquée à Sayfullo que dans le cas, peu probable, dans lequel le gouvernement fédéral utiliserait une loi d'exception. 

Interrogé par la police, Sayfullo Saipov, qui a suivi à la lettre les directives et le modus operandi préconisés par les cerveaux de l’Etat islamique en massacrant des cyclistes/passants de Manhattan à l’aide d’un véhicule-bélier, a avoué avoir préparé son acte depuis plus d’un an. Il a reconnu fièrement avoir fait allégeance à l'Etat islamique et ne rien regretter. Totalement déculpabilisé - comme les idéologues extrémistes déshumanisés et les psychopathes -, l’homme qui a tué 8 personnes dont cinq Argentins, puis blessé 12 autres aux cris désormais habituels d’"Allah Akbar", a par ailleurs laissé près de son camion des écrits en arabe à la gloire de Da’ech puis a reconnu avec fierté avoir été inspiré par une centaine de vidéos de Da’ech visionnées sur son portable. Ironique, et apparemment ravi de pouvoir narguer en direct l’Amérique et les familles des victimes, il s’est déclaré « fier » de ses actes et a même poussé la provocation jusqu’à demander l’autorisation de déployer un drapeau de l’Etat islamique dans sa chambre d'hôpital... Il a également avoué avoir sciemment choisi le jour d'Halloween afin « d’être sûr qu'il y aurait beaucoup de gens dans les rues dans le but de tuer le maximum de victimes « mécréantes ».  En fait, on sait qu’il prévoyait de faucher des piétons jusqu’au pont de Brooklyn reliant Manhattan à Brooklyn.

Comme nombre de terroristes de la « troisième génération », ce jeune ouzbèke pro-Da’ech s'est apparemment radicalisé sur le sol américain, notamment au contact d’autres immigrés musulmans d’Asie centrale qui ont été sévèrement réprimés en Ouzbékistan, mais aussi d’islamistes arabes locaux, c’est-à-dire pas seulement sur des sites internet islamistes-jihadistes qui n’ont fait que parachever son franchissement du rubicon et son adhésion à Daech. On sait qu’à l’instar de nombreux autres islamistes avant lui, Sayfullo Saipov est devenu anti-occidental à force de vivre dans cet Occident, et qu’il a acquis dans son pays d’accueil, les Etats-Unis, un ressentiment croissant qui l’a amené à devenir de plus en plus vindicatif et agressif selon son entourage et même selon certains imams qu’il a fréquentés. Au départ routier et errant de jobs en jobs plus ou moins précaires, passant de l’Ohio, à la Floride, il s’est paradoxalement radicalisé depuis qu’il a acquis une relative stabilité, notamment depuis qu’il s’est installé avec sa femme et ses trois enfants à Paterson (New Jersey) et est devenu chauffeur pour Uber après avoir réussi des tests. Il a d’ailleurs rencontré sa femme, elle-même ouzbèke, épousée en 2013, sur le sol américain. Des témoins s’accordent à dire que sa radicalisation a commencé durant son séjour dans l'Ohio, devenant plus violemment prosélyte et portant une longue barbe typique des salafistes, et qu’elle est arrivée à son paroxysme à Paterson au contact de ses compatriotes et autres militants islamistes remontés contre la « répression des forces jihadistes » en Asie centrale, en Irak et en Syrie. 

Sayfullo Saipov, issu d’une famille musulmane de Tachkent apparemment non-extrémiste. Même si il a été fanatisé sur le sol américain, son pays d’origone, l’Ouzbékistan, est historiquement l’un des pires foyers jihadistes en zone ex-soviétique, à égalité avec la Tchétchénie et l’Ingouchie. C’est en effet en Ouzbekistan qu’Al-Qaïda s’est implantée depuis longtemps, notamment dans la Vallée de la Ferghana, et c’est dans ce pays que sévit depuis des décennies le plus puissant groupe jihadiste de l’aire post-soviétique, basé dans l’incontrôlable Vallée de Ferghana frontalière d’autres pays d’Asie centrale et liée au jihad afghan. Rappelons que le Mouvement islamique de l’Ouzbékistan (MIO), principale organisation islamiste-jihadiste d’Asie centrale, est lié aux Talibans afghans, puis au jihad syro-irakien. L’Ouzbékistan aurait ainsi « envoyé » entre 2000 et 4000 jihadistes en Syrie et en Irak, qu'il s'agisse de l'EI ou de la branche syrienne d'Al Qaïda (500 à 1500 dans les seuls rangs de Da’ech). Des milliers d’autres moujahidines ont également été envoyés auprès des Talibans ou d’Al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan. Les islamistes ouzbeks ont d'ailleurs souvent fait parler d'eux à l'étranger : ainsi, le MIO a pris part à la sanglante attaque contre l'aéroport pakistanais de Karachi, qui fit 37 morts en juin 2014 ; il est derrière l’auteur de l’attentat contre la boîte de nuit La Reina, à Istanbul, qui fit 39 morts le 31 décembre 2016, et il est à l’origine de l'attentat perpétré dans le métro de Saint-Pétersbourg en avril dernier qui fit 14 morts et dont l’auteur était un russo-ouzbèke, Akbarjon Djalilov, né au Kirghizstan voisin. Quelques jours après, c’est un autre Ouzbèke ayant fait allégeance à Da’ech qui perpétra l’attaque au camion sur des piétons à Stockholm (cinq morts) et le 27 octobre, c’est encore un Ouzbek ayant prêté allégeance à l’EI qui menaça de tuer l’ex-président américain Barack Obama. Condamné à quinze ans de prison, cet autre jihadiste ouzbèk faisait partie d'un groupe de sympathisants de Da’ech arrêtés à New York en février 2015. Enfin, à la fin de la même année, une autre « filière ouzbèke » a été démantelée à New York. Rappelons en outre que le double attentat du marathon de Boston de 2013 avait été perpétré par d’autres ressortissants de l’Ex-URSS, tchétchènes ceux-là, les fameux frères Tsarnaïev. Cette importance de la zone post-soviétique au sein de la nébuleuse terroriste mondiale explique en partie l’intervention militaire russe en Syrie, dont l’un des buts, au-delà du maintien des bases russes et du régime pro-russe en Syrie, était justement de frapper les jihadistes russophones dans leur base terroriste « califale » avant qu’ils ne reviennent contaminer leurs pays d’origine et fassent des petits en Russie ou dans les pays de la région liés à Moscou. Si l’on sait que la Russie est, en tant que nation-cible « mécréante » le pays les plus frappé par les attentats en nombre de victimes, ceci depuis les années 1990, cela permet de rappeler l’évidence selon laquelle l’Occident et la Russie ont le même ennemi géocivilisationnel panislamiste et devraient plus que jamais coordonnée leurs stratégies sécuritaires et nationales en Syrie, en Irak ou ailleurs plutôt que de se livrer une « néo-guerre froide par procuration » comme on le voit en Syrie, en Crimée, en ex-Yougoslavie, en Géorgie ou ailleurs. Telle est la thèse que l’auteur de ces lignes développe inlassablement depuis les années 1990, notamment dans « islamisme-Etats-Unis, une alliance contre l’Europe (1997, L’Age d’Homme) et dans « Les vrais ennemis de l’Occident, du rejet de la Russie à l’islamisation des sociétés ouvertes » (édition l’Artilleur, 2017). Mais étant donnée la virulence des attaques du lobby russophobe américain et atlantiste qui sont lancées contre les proches de Donald Trump adeptes d’un reset avec Moscou, il est à craindre que la perspective d’une grande alliance pan-occidentale russo-américaine demeure encore largement une utopie…

L’islamiquement correct toujours plus virulent

Malgré la nature monstrueuse de l’acte commis par le jeune terroriste ouzbèke, il est intéressant de constater que, juste après l’attentat de Manhattan, mardi soir, lorsque Donald Trump a posté des commentaires sur tweeter qualifiant Sayfullo d'"animal" et lorsqu’il a suggéré de lui infliger la peine de mort, les propos de Trump ont semblé suscité encore plus de commentaires et même d’indignations que ceux du terroriste lui-même qui a pourtant osé aller jusqu’à se déclarer « fier » de sa geste barbare. Trump a certes cherché les coups une fois de plus en s’en prenant frontalement à la bien-pensance et aux démocrates, allant jusqu’à accuser l’auteur de l’initiative de loi sur les green cards accordées au nom de la « diversité », ce qui a déclenché une avalanche de critiques indignées : « un terroriste est entré dans notre pays grâce à ce qu'on appelle le 'programme de loterie des visas de diversité'. Une beauté initiée par Chuck Schumer », a-t-il lâché. Le véritable tollé ainsi déclenché a été tel qu’il a presque fait de l’ombre à l’indignation face à l’horreur de l’attaque terroriste elle-même et à la nécessaire compassion envers les victimes. Et cette « indignation » s’est même rapidement diffusée en Europe et en France, où des médias ont relayé le « choc » provoqué » par les tweets politiquement incorrects, « sulfureux » et « islamophobes » de Trump. Même ses propos ultérieurs - un peu plus réfléchis - sur la nécessaire réforme de la politique d’immigration américaine n’a pas plus trouvé grâce aux yeux des partisans de l’ouverture à tout prix de nos sociétés à tous les vents de la diversité et de l’immigration : « je veux que cela soit basé sur le mérite ( …). Nous nous battons pour l'immigration basée sur le mérite, plus de système de loterie démocrate. Nous devons devenir plus durs, nous devons être plus intelligents et nous devons être beaucoup moins politiquement corrects". Puis le président américain a ordonné de renforcer la vérification des profils des étrangers entrant aux Etats-Unis, ce qui a également choqué et a rappelé la levée de bouclier suscitée - il y a un an - par sa loi de Travel ban qui avait été à tort présentée comme une « muslim ban », alors qu’un pays non-musulman y figurait, la Corée du Nord, et que nombre de pays islamiques n’y figuraient point, puisque cette liste était en fait une liste noire de pays plus visés parce qu’ils sont « faillis » que parce qu’ils sont islamiques.  

Lutte contre « l’islamophobie » et « syndrome de Stockholm » occidental : aboutissement de la guerre psychologique des Jihadisme

Sans surprise, et comme à chaque attentat terroriste-islamiste, lorsque la presse et certains représentants de la droite américaine ont largement relayé le fait que Saipov a crié Allah Akbar en tuant ses victimes puis qu’il fréquentait la mosquée de Paterson depuis qu’il habitait dans un quartier à majorité islamique, cela a suscité la colère dans cette commune où nombre d'habitants immigrants de première génération comme lui ont exprimé bien plus violemment leur « colère » face au risque de « stigmatisation » de l’islam que leur honte ou compassion quant au sort tragique des familles des victimes. 

Comme à chaque attentat, les responsables d’organisations islamiques, à commencer par le plus puissant lobby musulman d’Amérique, le CAIR (Council of American Islamic Relations) ont alerté quant au « risque de progression de l’islamophobie », puis ont présenté les musulmans « stigmatisés » comme les « vraies victimes » de l’acte commis par Sayfullo. Les lobbies islamistes américains du Cair ou autres mouvances proches des milieux wahhabites saoudiens, pakistanais fondamentalistes et frères musulmans, pourtant loin d’incarner un islam de tolérance et d’intégration, se sont ainsi plaints une fois de plus de voir les musulmans « associés au djihadisme » et ont plus parlé de leur victimologie que du sort des innocents tués au nom de leur religion, rejetant ainsi toute auto-critique et toute interpellation ou révision de la violence légale de la Sharià revendiquée par les jihadistes. C’est ainsi que Bill de Blasio, le maire de la Ville, et d'autres responsables de New York, ont « mis en garde contre toute « stigmatisation de la communauté musulmane », regrettant les propos du président américain qui avait appelé dès mardi soir à renforcer les contrôles des immigrés entrés aux Etats-Unis et avait appelé à empêcher "l'EI de revenir ou d'entrer dans notre pays", alors que le thème de la lutte contre l’immigration ne vise pas que les musulmans et alors que les deux dossiers sont distincts. Quant au gouverneur démocrate de New York, Andrew Cuomo, qui participe lui aussi de la sorte à cet amalgame entre les thèmes de la lutte contre la stigmatisation des musulmans et du contrôle des flux migratoires, il a accusé Donald Trump de « faire le jeu des terroristes » en essayant de « diviser et d’effrayer ». 

Une fois de plus, les buts médiatiques des islamo-terroristes ont été atteints : déclencher un carnage pour attirer les médias, relayer une « publicité gratuite » en faveur de l’idéologie islamiste, puis provoquer une forme de syndrome de « Stockholm collectif » en transformant une formidable occasion de critiquer la violence légale de la Sharià, du Coran (jihad/Qital) et de la doctrine du salafiste et des Frères musulmans, qui ont pignon sur rue aux Etats-Unis, en un prétexte orwellien pour stigmatiser la supposée « l’islamophobie » des mécréants » occidentaux, véritable obsession des islamistes du monde entier, qu’il s’agisse des « coupeurs de têtes » (jihadistes), ou des coupeurs de langues, adeptes du « jihad by courts » …

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