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Conservateurs, cathos et cie : de Sens Commun à Christine Boutin, combien de divisions dans l’électorat ?
©Reuters

Fractures

Depuis quelques mois, la famille du parti Les Républicains a tendance à se rétrécir, avec diverses franges "conservatrices".

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Atlantico : Christophe Billan, président de sens commun, mouvement intégré au parti LR depuis 2014 a déclaré dans l'hebdomadaire l'Incorrect "​Désormais, nous sommes des acteurs majeurs du parti (…). La force de Sens commun, c’est que les derniers militants de droite, c’est chez nous.". Alors que les LR sont régulièrement accusés d'une dérive droitière", ​comment peut-on distinguer les différentes tendances conservatrices qui composent le parti ? Quelles sont les différentes familles représentées, des conservateurs aux "très" conservateurs" ?

Jean-Philippe Moinet : La famille du parti LR a tendance, depuis quelques mois, à se rétrécir, avec diverses franges conservatrices, qui vont des classiquement conservateurs (en ce qui concerne notamment les sujets dits "de société") aux ultras conservateurs, tendance catholiques traditionalistes, qui traversent les rangs de Sens Commun et qui ne verraient rien à redire d'un rapprochement avec le courant FN de Marion Maréchal-Le Pen.

Les déclarations de Christophe Billan, Président de Sens Commun, relèvent d'une provocation doublée d'une injonction à Laurent Wauquiez, l'invitant à suivre ces troupes ultra-conservatrices qui appréciaient tant "la radicalité" de François Fillon. Si le Président de la région Rhônes-Alpes glisse du conservatisme classique à l'ultra-conservatisme du leader de Sens Commun, si Wauquiez pactise avec ceux qui veulent pactiser avec le FN, je pense que sa trajectoire ira droit à l'échec. Beaucoup de militants, et surtout de sympathisants, quitteront définitivement cette "maison LR", qui risquerait de n'apparaître que comme une succursale, ou une roue de secours, du FN. La ligne des ultra-conservateurs, qui caractérise le Président de Sens Commun, n'est pas forcément la plus représentative, en nombre, chez les adhérents LR. Elle est en revanche très active et pèse fortement, de ce fait, sur certains dirigeants de LR, qui n'ont peut-être pas totalement conscience d'être eux-mêmes instrumentalisés et embarqués dans une aventure politiquement douteuse et électoralement hasardeuse. Ils n'ont pas tous compris qu'en termes de radicalité, la concurrence avec le FN sera perdante, pour eux.

Ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Christine Boutin a mis fin à sa carrière politique en cette fin octobre. L'ex présidente du parti chrétien démocrate avait appelé à voter Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle dans le cadre d'un "vote révolutionnaire" pour affaiblir Emmanuel Macron. Quelles sont les familles conservatrices existantes à la jonction du Front national et des LR ? 

Il y en a peu, actuellement. Nicolas Dupont-Aignan a embarqué son parti "Debout la France", entre les deux tours de la présidentielle, dans cette aventure personnelle d'alliance avec le parti de Marine Le Pen. Il en est rapidement revenu. Mais trop tard : le mal était fait, lui et en grande partie son mouvement, se sont déconsidérés, durablement. Il aura du mal à s'en remettre.

Laurent Wauquiez n'a pas commis cette erreur fatale. Il veut "prendre le parti" LR à partir d'un positionnement idéologique certes très à droite, les conseils de "l'identitaire" Patrick Buisson l'ont manifestement convaincu durablement... Mais il ne va pas jusqu'à souhaiter, en tout cas officiellement, un rapprochement avec le parti lepéniste, même si des dirigeants de Sens Commun rêvent de cette "jonction". 

Christine Boutin avait, comme vous le rappelez, dérivé d'un conservatisme catholique classique (du temps où elle siégeait à l'UDF) à un ultra-conservatisme réactif (pour ne pas dire réactionnaire), motivé notamment par une résistance devenue militante à loi du "mariage pour tous". Son successeur, Jean-Frédéric Poisson est aussi de ceux, il ne s'en était pas caché lors des primaires de la droite et du centre il y a an, qui veulent un rapprochement avec le parti lepéniste. On se demande juste pourquoi ce choix stratégique, qui contredit les options fondamentales de tous les dirigeants de LR (de l'UMP et du RPR auparavant), de Nicolas Sarkozy à Jacques Chirac en passant par Alain Juppé ou François Fillon, pourquoi ce choix du pro-FN Poisson n'a pas provoqué de discussion interne sur son maintien dans le mouvement LR. N'y a-t-il pas là une incompatibilité de principe avec tout dirigeant LR ? Et pourquoi la question de l'exclusion est maniée avec célérité par Laurent Wauquiez et ses proches, quand il s'agit de ceux qui participe au gouvernement d'Edouard Philippe, et qu'il n'en est manifestement pas question quand il s'agit des partisans, comme Jean-Frédéric Poisson, d'un rapprochement avec le FN ? Il serait plus déshonorant pour un LR d'être "constructif" avec Emmanuel Macron que d'être complice avec le parti d'extrême droite ? Le Général de Gaulle doit se retourner au moins trois fois dans sa tombe !

Dans l'optique de la prochaine élection à la présidence LR, comment estimer le rapport de force, entre les effectifs de ces composantes conservatrices et leur propension à aller voter à ce scrutin du mois de décembre ?

C'est la question. Que pèsent les composantes ultra-conservatrices dans l'ensemble des adhérents LR appelés à élire le prochain Président du parti LR ? 

Le piège, pour le grand favori Laurent Wauquiez, est de se laisser entraîner par des effets de tribunes et des salles très partisanes mais de se retrouver dans un scrutin qui ne motive pas grand monde. Comme une série de poids lourds LR restés hors du gouvernement (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Bruno Retailleau, Christian Estrosi, tous quatre Présidents ou anciens Présidents de région) ont fait carrément l'impasse sur cette élection, le risque pour le favori est que ce scrutin sans grand enjeu, ni grande compétition, provoque in fine un mouvement de... désintéressement, où les adhérents abstentionnistes seraient nombreux.

L'ultra-conservatisme rimerait alors avec faible légitimité électorale. Cela précipiterait le malaise, voire une crise ouverte, au sein d'un mouvement qui ne serait plus que l'ombre de lui-même.

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