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Le mythe de la "dette européenne" vis-à-vis de la science arabo-musulmane, carburant du totalitarisme islamiste et de la repentance
©Reuters

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Après avoir évoqué les fondements théologiques du totalitarisme islamiste et le phénomène de la dhimmitude, Alexandre del Valle aborde le thème central du politiquement correct qu’est le mythe "d’Al-Andalous". D’après l’auteur, le fait que ce mythe de la "supériorité morale" et scientifique de l’Espagne alors dominée par le Califat islamique soit également l’un des thèmes mobilisateurs favoris des islamistes - terroristes ou propagandistes - devrait rendre prudent.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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L’origine du mythe de la supériorité de la civilisation arabo-musulmane et de celui, parallèle, d’Al-Andalous n’est pas uniquement un mythe cher aux islamistes irrédentistes ou aux partisans du dialogue des civilisations, mais également un mythe promu par des chercheurs et intellectuels nationaux-socialistes liés de façon structurelle aux instances universitaires et de recherche du Troisième Reich. Nous avons rappelé notamment l’importance du rôle rempli par Ludwig Ferdinand Klauss[1] (1891-1974), intellectuel nazi spécialiste de philologie germanique et indo-européenne, chercheur en « science des races » (Rassenseelekunde)[2]. Après avoir connu la célébrité en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale pour avoir séjourné comme un bédouin[3], Klauss avait publié sur ce sujet une série de livres qui firent connaître au public allemand leurs vie et coutumes : Als Beduine unter Beduinen (1931), Semiten der Wüste unter sich (1937), Araber des Ostens (1943) »[4]. Cette influence philo-arabe marquera profondément l’une de ses disciples zélées, Sigrid Hunke (1913-1999) qui, dans les années 60 va consacrer l’essentiel de son travail à une exaltation idéologique de l’islam et du monde arabe. C’est elle qui, faisant oublier ses origines nazies, sera l’une des principales propagatrices du mythe de la supériorité scientifique islamique, de la corrélative dette européenne vis-à-vis du monde arabe et de celui, également corrélatif, de l’âge d’or d’Al-Andalous.

En 1960, Sigrid Hunke publie son livre le plus connu : Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident, notre héritage arabe[5] qui lui vaut une renommée internationale immédiate, se vendant à plus d’un demi-million d’exemplaires et traduit dans onze pays étrangers dont la France, le Japon, l’Italie, l’Iran, le Pakistan... Hunke y démontre que la civilisation européenne doit énormément à la culture arabe - l’auteur assimilant d’ailleurs à tort civilisation islamique et civilisation arabe - notamment dans le domaine des sciences, des mathématiques, de la médecine et de la philosophie, accréditant par là même le lieu commun de la dette occidentale vis-à-vis de la culture arabo-islamique et de la supériorité de la culture arabe sur la culture judéo-chrétienne. Animée d’un antichristianisme et d’un antijudaïsme profonds, Hunke explique que c’est essentiellement la science arabe qui, au XIIème siècle, en affranchissant l’esprit européen de la mentalité théologique chrétienne, a rendu possible une véritable Renaissance scientifique. « Opposant l’esprit expérimental des chercheurs arabes au dogmatisme chrétien [...] et soulignant l’ancienneté des relations entre le monde arabe et le monde européen, elle évoque aussi la grandeur et le raffinement de la civilisation andalouse durant le règne d’Abd ar-Rahman le Grand (912-961), l’Etat normand de Sicile, et la haute figure de Frédéric II de Hohenstaufen, qui attira auprès de lui des érudits arabes au mépris des interdictions de l’Eglise romaine »[6]. Thèmes d’ailleurs constamment développés par la propagande du Troisième Reich, littéralement obsédé par Charlemagne et l’empereur romain germanique Frédéric II. Dans « Le soleil d’Allah brille sur l’Occident : notre héritage arabe », Hunke reprend, à partir de l’objectif louable consistant à mieux connaître un monde différent de la civilisation européenne, la méthodologie mystificatrice de l’épistémè nazie, dans le but de trouver une nouvelle légitimation au rejet de la tradition judéo-chrétienne-helléniste, ceci dans le but d’assouvir une haine nouvelle du monde juif et chrétien puis, indirectement, de l’Etat d’Israël.

Le résultat de l’œuvre de Sigrid Hunke est de passer du mythe des Aryens, inventé par les nazis, au mythe des Arabes, créateurs de l’islam conforme à la forma mentis européenne : l’islam.[7]. Elle est rarement présentée en France comme une chercheuse idéologisée membre d'une structure de recherches du Troisième Reich, alors que de nombreux chercheurs ont révélé cet aspect en Allemagne où ses écrits sont présentés avec plus de recul et de distance[8]. En effet, les chercheurs allemands ont montré dans le cadre d’études approfondies sur l’œuvre de Hunke que le mythe de la dette vis-à-vis de la science arabe et de l’Andalousie islamique havre de tolérance et de paix avait été en partie promu dans le cadre d’une volonté de minimiser par antichristianisme et antijudaïsme les mérites de la civilisation occidentales, dans la mesure où le Troisième Reich a toujours entretenu de bonnes relations avec le monde arabo-musulman qui était jugé par les Nazis paganisant comme plus proche de la forma mentis européenne païenne que la pensée juive ou chrétienne[9].



[1] Les écrits de Klauss circulent encore sous forme polycopiés dans les milieux d’extrême-droite. Pour bibliographie : L’âme nordique. Introduction à la psychologie raciale);  Les sémites entre-eux : note à partir de l’expérience d’un chercheur en science des races). Etc…

[2] Il inventera la “ méthode mimique ”, classification raciale des types humains de l’Europe à l’aide de photographies d’expressions topiques de différents sujets, en fait un catalogue de clichés racistes sur des stéréotypes raciaux.

[3] Après 1945, il recevra une distinction pour avoir « sauvé » son assistante juive. Mais il ne l’avait gardé à ses côtés, de son propre aveu, qu’aux fins d’avoir près de lui un « sujet expérimental » commode.

[4] Mutti, Claudio, Le Nazisme et l’Islam, Ibidem, p, 129.

[5]Allahs Sonne über dem Abendland. Unser arabisches Erbe, deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart, 1960, 2e édition.rév. : Le Soleil d’Allah brille sur l’Occident, Notre héritage arabe, Albin Michel, 1963, 2è édition, 1984, 3è éd. 1997.

[6] De Herte, Robert (Alain de Benoist), « Sigrid Hunke : elle avait retrouvé la vraie religion de l’Europe », Eléments (pour la civilisation européenne), N° 96, novembre 1999.

[7] Le marqueur de la méthodologie de type nazi apparaît dans le titre lui-même, à travers le mot « ERBE », qui signifie en allemand, « héritage ». Or « Erbe » est lourdement connoté III ème Reich. L’organisation « Ahnenerbe », qui signifie « l’héritage des ancêtres », auquel a collaboré Hunke, et rattachée à la SS, visait à promouvoir le rétablissement d’une religion nordique[7]. Horst Jünginger note que le but était de « germaniser » et « aryaniser », par des méthodes génocidaires, les nouveaux territoires conquis à l’Est, usurpés par les Slaves, et les Juifs ! Ainsi, lorsque Sigrid Hunke utilise l’expression « … unser Arabisches Erbe », elle utilise les mêmes stéréotypes que durant le période nazie où « l’héritage » revendiqué était celui des « aryens ». Les « Arabes », parés de toutes les vertus civilisationnelles, ont ici remplacé les « aryens » « SS » dont le but était d’aryaniser les terres conquises sur les peuples non-aryens, avec les mêmes méthodes que les conquérants arabes détruisirent les civilisations non-musulmanes de l’Algérie à l’Indonésie.

[8] Née le 26 avril 1913 à Kiel, Sigrid Hunke étudia la philosophie, la sociologie, l’histoire des religions, la germanistique et la psychologie des peuples à Kiel, Frieburg et Berlin. Elève de Martin Heidegger et de Ludwig Ferdinand Clauss, elle écrira dans revue nazie Germanien et soutiendra en 1941 sa thèse à l'université de Berlin sous la direction du spécialiste de la « psychologie des races » Eduard Spranger. Elle écrira plus tard pour le magazine Rasse, vitrine idéologique du régime nazi. Puis elle fonde le DUR, un mouvement païen prônant l’unitarisme qui rejette certains principes chrétiens et récupère des symboles de l’histoire celtique et nord-européenne tels que les symboles runiques. En 1942, Hunke épouse Peter H. Schulze, alors membre du Consulat général d’Allemagne à Tanger, ce qui l’amène à vivre deux années au Maroc et à approfondir sa passion pour le monde arabo-musulman. Elle travailla dans ce cadre activement pour le Thule Seminar en 1986, institution néo-païenne défendant un nazisme ésotériste, et rédigera plusieurs articles pour la revue Elemente publiée par le Thule Seminar. D’où sa collaboration avec le pendant français, Elements. Elle mourra en 1999 à l’âge de 86 ans.

[9] Cf Horst Jüngiger, Sigrid Hunke : new religion and old stereotypes, université de Tübingen, 1998. ( trad : Sigrid Hunke : une nouvelle religion fondée sur des vieux stéréotypes ». Texte de la conférence "Neo-Paganism, 'voelkische Religion' and Antisemitism II: The Religious Roots of Stereotypes" ; université de Tübingen, October 1997 ; Voir aussi la thèse (université de Kiel) Reinfandt, Stephanie, Selbstbild rechter Frauen. (s.d.), Les femmes de droite par elles-mêmes, qui étudie le féminisme nazi de l’entre-deux guerre.

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