"Les Français préféreront toujours l’original à la copie"... Sauf que ce cliché signé Jean-Marie Le Pen est complètement faux et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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On oublie un fait capital : l’opposition absolue des programmes du FN et de la droite sur l’économie et l’Europe. La "ressemblance" est ici entre Front national et Front de gauche, sans que cela ne suscite de questions gênantes, ni à l’un, ni à l’autre.
On oublie un fait capital : l’opposition absolue des programmes du FN et de la droite sur l’économie et l’Europe. La "ressemblance" est ici entre Front national et Front de gauche, sans que cela ne suscite de questions gênantes, ni à l’un, ni à l’autre.
©Reuters

Rhétorico-laser

Difficile de passer une journée sans entendre dans les commentaires politiques la fameuse expression : "les Français préféreront toujours l’original à la copie". Qu’en est-il vraiment ?

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Cette prétendue "loi" politique est invoquée de toutes parts, notamment par les sondeurs et les commentateurs, de gauche bien sûr, mais pas seulement. Et toujours pour dénoncer la "dérive" de la droite, supposée, selon les métaphores, "attirée par les sirènes du Front national" ou "braconnant sur ses terres". Le procès s’étend peu à peu à toute la droite républicaine à chacune de ses propositions pour renforcer l’arsenal pénal, restreindre l’immigration ou évoquer l’identité française.

Il est d’abord utile de rappeler que la formule a un auteur précis et pas n’importe lequel : Jean Marie Le Pen soi-même en 1991 après la déclaration de Jacques Chirac sur "les bruits et les odeurs" dans les "quartiers populaires".

Cette origine devrait faire un peu réfléchir avant de prendre pour une vérité générale un propos polémique de l’ancien leader du Front national. D’abord, ceux-là mêmes qui poussent des cris d’orfraie à chaque fois qu’un leader de droite reprend une expression du FN, tombent dans le panneau qu’ils dénoncent : contradiction flagrante qui semble ne gêner personne. Ensuite l’intérêt électoral évident qui sous-tend cette expression devrait la rendre un peu suspecte. Et un raisonnement par l’absurde élémentaire venir à l’esprit : si la "droitisation de la droite" (expression dont on mesure la pertinence) était responsable de la montée du FN, pourquoi donc Marine Le Pen concentre-elle à ce point ses attaques sur ceux qui sont les plus accusés de "copier l’original », à commencer par Nicolas Sarkozy ?

Enfin et surtout, le propos mériterait un minimum de vérification factuelle avant de devenir parole d’évangile de la science politique. Or que constate-t-on ? Dans une tendance de long terme à la hausse (surtout sous la gauche), les résultats électoraux du FN ont stagné ou baissé lorsque la droite républicaine a assumé un discours…de droite : en 1986, en 1993 et bien sûr en 2007. En 2012 même, Marine Le Pen a été très largement distancée par Nicolas Sarkozy au premier tour. Fait largement passé sous silence, son pourcentage est d’ailleurs resté inférieur à ceux cumulés de son père et de Bruno Mégret en 2002. Pourtant, n’avait-on pas entendu auparavant sur tous les tons l’annonce d’un "21 avril à l’envers" ? Et depuis 2012, le FN n’a pas emporté la moindre élection partielle, la moindre ville (sauf Fréjus), ni la moindre région contre la droite, y compris en triangulaire. Les Français préféreraient-ils donc la copie à l’original ?

Il faudrait en fait abandonner cette prétendue "loi" destinée à enfermer la droite dans un étau : soit démobiliser ses électeurs, soit être accusée de "s’aligner sur le FN". Piège tendu par ce dernier et repris par la gauche, dont on connaît l’instrumentalisation électorale du Front national depuis François Mitterrand.

Et qui oublie un fait capital : l’opposition absolue des programmes du FN et de la droite sur l’économie et sur l’Europe. La "ressemblance" est ici entre Front national et Front de gauche, sans que cela ne suscite de questions gênantes, ni à l’un, ni à l’autre. Eric le Boucher avait ainsi montré que le programme de Marine Le Pen en 2012 reprenait des pans entiers du discours et du programme économique mélenchoniste : surtaxation des hauts revenus et du capital, intervention massive de l’Etat et retour à la retraite à 60 ans.

La forte montée actuelle du FN pourrait donc avoir une autre explication que le fait complaisamment imputé, sans le moindre début d’un commencement de preuve, au "dévoiement de la droite". En rompant avec le programme économique et social de son père, et sous l’inspiration de l’ancien chevènementiste Florian Philippot, la fille a ouvert de nouvelles perspectives de conquête de l’électorat populaire et, au-delà, de tous ceux qui redoutent la mondialisation : son résultat aux régionales dans le Nord, terre de gauche s’il en est, et sa percée dans l’électorat des fonctionnaires en disent long à ce sujet. La concentration actuelle du discours de Marine Le Pen contre l’Europe au détriment des thèmes traditionnels du FN la rapproche encore plus de "la gauche de la gauche", frondeurs socialistes compris. Décidément où est "la copie" ? et où "l’original" ?

Les chiffres, eux, sont sans appel : c’est au détriment de la gauche dans son ensemble que le Front national progresse désormais. Le piège de François Mitterrand se retourne désormais contre elle.

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