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Et si et si et si... La Troisième Guerre mondiale avait débuté mercredi 30 septembre 2015 ? Nos intellectuels (Onfray, Furet, Debray, ou Finkielkraut) avaient raison d'être en colère ?
©relay

Revue de presse des hebdos

Et aussi : en 2016, 1% de la population mondiale possédera autant que les 99% restants ; Charlie Hebdo : "la fille trisomique cachée de De Gaulle". C'est la revue de presse des hebdos, par Sandra Freeman.

Sandra Freeman

Sandra Freeman

Journaliste et productrice, Sandra Freeman a animé des émissions sur France Inter, LCI, TF1, Europe 1, LCP et Public Sénat. Coautrice de L'École vide son sac (Éditions du Moment, 2009), elle est la fondatrice du média internet MatriochK.

 

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Et si la Troisième Guerre mondiale avait débuté ce mercredi 30 septembre 2015 ?

"L'Histoire retiendra peut-être que la Troisième Guerre mondiale a commencé le mercredi 30 septembre 2015. En 1914, la Première a débuté un 28 janvier par l'assassinat à Sarajevo de l'archiduc d'Autriche. À l'époque, personne évidemment n’a imaginé que cet attentat perpétré loin des grandes capitales allait conduire à la boucherie de la Grande Guerre".

L’Obs cette semaine propose une Une, portée par des photos de Poutine-en-chapka, de Obama-avec-salut-militaire, et de Bachar-el-assad (sans artifice supplémentaire pour montrer qu’il veut servir son pays) et s’interroge : "La troisième Guerre mondiale a-t-elle commencé ?"

L’Obs cette semaine suppute. Et si ! Et si on y était ! Et si c’était la guerre, alors qu’on croyait au 21ème siècle que ce ne serait plus possible, qu’on est désormais trop puissant et que ce serait trop dangereux.

Et si, aujourd’hui, on assistait "avec les premiers bombardements russe en Syrie la semaine dernière, aux prémices d’une déflagration planétaire ?". De fait, si on poursuit le parallèle avec 1914-Sarajevo, poursuit l’hebdomadaire, "Damas a beau être loin de Washington, Moscou ou Pékin, les frappes de Poutine pourraient-elles, si les opinions publiques de leur leaders ni prennent pas garde, être le déclencheur d’un conflit régional puis mondial ?"

Et au delà de poser la question, le journal donne quelques exemples de ceux qui y répondent par une sorte de positive. La preuve par trois (exemples) :

Chez nous en France, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, lundi dernier sur Europe 1, a évoqué "les risques d’une conflagration" mondiale "extrêmement dangereuse".

La veille, aux Etats-Unis, le grand spécialiste américain de géopolitique Zbigniew Brzeziński, le "Kissinger de gauche", a lui aussi "tiré la sonnette d'alarme dans le très sérieux Financial Times (…). Nous savons tous comment la Première Guerre mondiale a commencé !"

Et chez les russes, ça se murmure aussi : L’Obs rapporte que "selon le quotidien russe Kommersant proche de l’aile libérale du pouvoir, Poutine a raconté aux membres de son cabinet, mercredi 30 septembre, pourquoi la Russie est entrée dans une Troisième Guerre mondiale. Et à notre hebdomadaire français de compléter que "ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le patriarche de Moscou a dit que l'action militaire russe en Syrie était une « guerre sainte » employant le même vocabulaire religieux que Staline en 1941 pour inciter ses compatriotes à chasser les nazis de la terre russe".

Mais, au-delà des parallèles et des scénarios catastrophes, l’Obs avance tout de même quelques différences majeures avec les Première et la Deuxième Guerres :

1.     On n’a pas la même vision du monde qu’avant : "les dirigeants d'aujourd'hui ne sont pas les somnambules de 1914".

2.     On a un peu d’expérience : "l’Utilisation de l'arme nucléaire est devenue tabou".

Cela suffira-t-il ? Sans doute que certains autres arguments (moins vertueux, mais bien humains) peuvent aider comme le fait que "les alliances Américano-sunnites et Russo-chiites ne sont pas aussi solides qu'il n'y paraît".

Alors 3GM ou pas 3GM ? "La menace d'une Troisième Guerre mondiale est faible mais reconnaissons qu'elle n'est plus tout à fait nulle".

Intellectuels en colère : "nous avons des démons c’est vrai. Mais nous avons aussi des ennemis"

Et pendant ce temps-là, en France, se relance activement depuis quelques mois la guerre des mots, la guerre des idées. Sans doute que l’attentat de Charlie Hebdo a remué toutes les neurones. Et qu’est qu’on pense de tout ça ? L’Express met justement en avant cette semaine "La grande colère des intellectuels" et recadre : "Tout indiquait leur déclin. Depuis des décennies, l’influence des intellectuels dans le débat politique battait de l’aile. Elle se mesurait aux liens directs qu’ils entretenaient avec les hommes de pouvoir, auxquels ils apportaient éventuellement leur soutien ou les criblaient de critiques".

Alors oui, ils ont défendu certaines causes, rappelle le journal, comme celle des boat people (Sartres, Aron, Glucksmann en 1979) ou la guerre de Yougoslavie (dans les années 90), mais aujourd’hui, le magazine met en avant une "grande colère" de penseurs comme Michel Onfray, François Furet, Régis Debray, ou Alain Finkelkraut.

Quoi de commun ? Ils sont « décomplexés » et illustrent aujourd’hui cette « parfaite synthèse qui allie succès de librairie et colères médiatiques », ils « utilisent les plateaux de télévision » et « font le ravissement de leurs éditeurs ».

Alain Finkielkraut "figure de proue des intellectuels réfractaires à la bien-pensance" est mis en avant dans ce numéro de l’Express. Il est, selon le magazine, celui qui "s’évertue à proclamer des vérités qui dérangent" et souligne le fait que "la France se désintègre". Il déclare d’ailleurs dans un entretien au journal que selon lui "la paresse de pensée  a pour nom aujourd’hui mémoire ". A lui de préciser : "Entendons-nous bien, je ne milite pas contre le devoir de mémoire et le droit à l’oubli. La civilisation de l’Europe a été frappée à  mort par les armes d’un des peuples les plus civilisés d’Europe (…) Nous avons des démons c’est vrai. Mais nous avons aussi des ennemis, alors qu’au sortir de la seconde guerre mondiale nous avions décidé de ne pas en avoir. Si nous nous laissons accaparer par nos démons au détriment de l’attention qu’il faut porter à l’ennemi, nous courons à la catastrophe. Notre temps ne ressemble à aucun autre, il faut l’admettre".

L’ennemi dont parle Alain Finkielkraut n’est pas forcément celui qu’on a choisi : "ce n’est pas nous qui désignons l’ennemi, c’est lui qui nous désigne", dit-il en citant Julien Freund. "L’islamisme radical a déclaré la guerre « aux juifs et aux croisés. Il faut en prendre acte. Cela signifie peut être que le multiculturalisme dans lequel nous avons cru  est une illusion", dixit Finkie.

Et si c’était la Troisième Guerre mondiale…

Yanis Varoufakis : l’Europe, Montebourg, Sapin

S’il y en a un qui a pu sembler activement en colère, contre le système, contre l’Europe telle qu’elle est. C’est bien lui. "Un excellent économiste mais un piètre politique " tel l’avait décrit Alexis Tsipras à son départ du gouvernement grec : Yanis Varoufakis "accueilli à Paris en rock-star" est interviewé dans Les inrockuptibles cette semaine. Il y parle de "son éducation politique en Grande Bretagne, de ses vacances avec Arnaud Montebourg et de sa vision de l’Europe" mais aussi "de la duplicité de Michel Sapin".  Et voilà ce qu’il en dit : "J’ai eu beaucoup de discussions privées avec lui, il était d'accord sur tout, la France, la Grèce, l'Europe. Et puis, nous avons fait une conférence de presse et il a dit tout l’inverse, je suis sorti sonné, je lui ai dit « mais qu'est-ce qui t'a pris Michel » ? Il m'a fait comprendre que la France n’était plus ce qu’elle était, en Europe notamment, et qu’il n'avait pas les mêmes latitudes en privé qu’en public… notamment à l’égard de Berlin. Tout ça m’a déçu".

Si "la France n’est plus ce qu’elle est", c’est peut-être un peu pour ça que les intellectuels sont en colère…

Le pape François : "l’homme le plus influent du monde" ?

Et si. Et si. Et si.

La Une du Point résonne avec cette lever de bouclier, cette volonté de rester debout, de ne pas s’avouer vaincu : "l’homme le plus influent du monde", c’est le pape François. "Depuis les années 80, écrit Nicolas Baverez, les papes ne se contentent plus d'être des témoins spirituels. Ils font l’Histoire".

Et le pape François, comment la "fait-il", l’Histoire ? A en lire Le Point, son pontificat "s'ordonne autour de trois priorités : la réforme de l'église, le changement du capitalisme, la fin de la guerre de religion mondiale promue pas les djihadistes".

On notera qu’ici, on envisage déjà "la fin" de la guerre de religion mondiale.

Mais concentrons-nous sur cet autre élément, qu’il a soumis l’église à une thérapie de choc pour surmonter ces blocages, elle "n’est pas un but en soi mais doit servir la liberté et la dignité des Hommes". Ce qui nous mène au troisième point fondamental.

Il se bat contre les "dérives du capitalisme de la finance (…) avec une vigueur peu commune, puisqu’il a qualifié en Bolivie l’avidité sans limite de « fumier du diable »", rappelle le journal.

"Mais attention", insiste Nicolas Baverez, "sa critique du capitalisme et son plaidoyer pour un développement durable ne cède nullement aux illusions du marxisme, du malthusianisme ou du populisme (…) Sa théologie du peuple - et non de la libération -  s’inscrit dans le droit-fil de la doctrine sociale de l'Eglise, qui accepte l'économie de marché mais la soumet aux principes de respect de la personne humaine, du primat du bien-commun, et de l’exigence de solidarité".

En 2016, 1% de la population mondiale possédera autant que les 99% restants : tous également responsables de nos inégalités ?

Au sujet de la solidarité et du partage, Télérama propose en couverture un gâteau (attirant) rose (très attirant) dont une micro part est orange ! C’est celle qui est sensée être la plus attirante, puisque c’est la part du gâteau qui représente ceux qui ont beaucoup plus que les autres, les plus riches. Face aux "Inégalités : pourquoi nous sommes tous responsables ?" interroge l’hebdo en redonnant quelques repères chiffrés : "En 2016, 1% de la population mondiale possédera autant que les 99% restants. Si les faits sont connus, pourquoi les choses ne changent-elles pas ?"

Pour y répondre, Télérama s’appuie sur les travaux du philosophe Patrick Savidan pour qui "nous crions à la justice mais la plupart d’entre nous contribue à aggraver la situation". Et pourquoi donc ?

Suivons la réflexion progressive du philosophe que nous relate le magazine :

Au départ, en 2002, "quand Jospin est éliminé au premier tour de la présidentielle et qu’on attribue cette échec à l’insuffisance du diagnostic social du candidat de la gauche.»), on s’est dit qu’une fois « les gens informés, les choses aller bouger !"

On croit encore, rappelle Télérama, que "la diffusion de la connaissance peut faciliter la transformation sociale" comme le disait Pierre Bourdieu.

Pas si évident. Rien ne bouge. Alors, en 2012, Patrick Savidan pose l’envers de la question : "se pourrait-il que la diffusion d’informations sur les inégalités contribue à l’aggravation de la situation ?"

Et dans ce cas, serions-nous "hypocrites" ?

Non répond-il. "Si nous l'étions, nous chercherions des arguments pour justifier les inégalités".

"Inconséquents" alors ?

Non. "Les gens ne résonnent pas à partir de toutes les informations qu’ils détiennent. Au moment d’agir, ils font abstraction de certaines d’entre elles. Ils peuvent manquer de volonté, mais ne sont pas inconséquents", selon Savidan.

Bon ben "Immoraux" ?

Non. Les gens "pratiquent en réalité une solidarité élective".  Aujourd’hui, ils "ont un rapport stratégique à la solidarité (…) Ils désinvestissent la solidarité publique et réorganisent leurs priorités".

Charlie Hebdo : "la fille trisomique cachée de De Gaulle"

En une, dessinée par Riss… c’est Morano, "la fille trisomique". Son édito un peu plus loin, commence par ces mots : "Nadine Morano est morte (…) fauchée par la mitraille. Pas celle de l’ennemi, celle de son camp (…) On l’aimait bien Morano avec ses bonnes joues roses, ses petits yeux porcins et ses châles en peau de panthère. C’est aussi ça l’élégance française". L’élégance française ! Et si (la preuve) on ne savait plus trop ce que c’était.

Dans Charlie Hebdo, on retrouve ainsi, en page 2, une proposition de cette élégance française prônée par Nadine Morano (tout en blanc, pour faire échos à ses positions affirmées et réaffirmées dans les médias ces derniers temps). Ainsi "Morano blanchit la France". On retrouve une série de situations proposées en dessin, des françaises en tenue de dame de compagnie, de soubrette ou autre personnel à l’ancienne, nez pointus et mines de pimbeches, aux postes des éboueurs d’Arles, des ouvriers d’Alsace, des vendeurs de souvenirs de sac Vuitton de Franche-Comté, des agents d’entretien de Lorraine, des chambres d’hôtel de la Champagne, des balayeurs du Poitou ou des rappeurs de Bretagne.

Mais revenons à Charlie Hebdo. Et si le journal faisait preuve ici de réelle inélégance (qui n’a rien à voir avec l’insolence)… si se moquer de la trisomie de la fille de De Gaulle était inélégant, voire méchant ? La Une fait une nouvelle fois polémique. Qu’en penserait Wolinski ? Sa fille Elsa réagit sur les réseaux sociaux et cite son père qui disait toujours: ''un humoriste ne doit rien s'interdire, sauf la méchanceté. Nous sommes féroces, mais nous ne sommes pas méchants''.

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