La lettre du salarié de France Telecom qui s'est immolé

"Continuons tous, employeur, Etat actionnaire et décideur, syndicats, salariés, à ignorer les vraies causes profondes : dans dix ans on sera encore à traiter de ce même sujet.... enfin non... une certaine catégorie du personnel aura disparu par départ en retraite ou par suicide: et le problème sera réglé, enfin ! (...) Cette situation est endémique du fait que rien n'est fait pour y faire face: le suicide reste comme étant LA SOLUTION!".

C'est sur ce ton sans équivoque que Rémy L., qui s'est immolé par le feu ce mardi 26 avril devant son ancien lieu de travail de Mérignac, s'exprimait en septembre 2009 dans une lettre de six pages envoyée à sa direction et que s'est procurée le site de Mediapart FrenchLeaks.

Ce cadre de France Télécom-Orange y décrit le mal-être professionnel des fonctionnaires de plus de 50 ans, malmenés comme lui par les restructurations incessantes et les "mobilités imposées" par un management déconnecté de la base de l'entreprise. Il décrit des missions dépourvues de sens et sans rapport évident avec ses compétences.

Rémy L. avait obtenu un poste plus conforme à son profil avec l'arrivée de la nouvelle direction fin 2010, mais se plaignait à nouveau de ses conditions de travail dans un e-mail resté sans réponse en février 2011.

Sa lettre de 2009 dépeint le climat social qui règne au sein de France Télécom et qui pousserait certains salariés à se suicider. Il évoque son "harcèlement" puis sa "mise à la poubelle" et estime "être de trop". Il explique comment le management reste sourd aux préoccupations des salariés en charge de postes plus technique avant de conclure, implacable sur la cause des suicides qui affectent l'entreprise : "Indigence managériale dès qu'il s'agit de l'humain, par manque de compréhension et de respect humain, par peur des actions à engager ou des responsabilités à prendre ! Les cadres supérieurs (...) ont compris qu'il vaut mieux vivre au jour le jour, prendre du gâteau tant que le plat est posé devant soi ! Le restant, ce ne sont que des emmerdes qui ne peuvent que nuire à la carrière. On vit, on cueille la rémunération et l'on oublie sa lâcheté managériale ! Lâcheté, indigence, manque de responsabilité managériale".