Chute des constructions de logements : la facture Duflot-Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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On observe une chute de l’ordre de 9,2 % des constructions de logements neufs sur un an.
On observe une chute de l’ordre de 9,2 % des constructions de logements neufs sur un an.
©Reuters

Toi mon toit

D'après les chiffres publiés par le ministère de l’Egalité des territoires et du Logement, on observe une chute de l’ordre de 9,2 % des constructions de logements neufs sur un an. En cause : la crise mais pas que... Les mesures Duflot en tous genres sont un bel exemple des conséquences des petites habiletés politiques de François Hollande sur le quotidien des Français.

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan

Patrice de Moncan est économiste et historien de la ville. Il est titulaire d'un Doctorat d’économie et d'une licence d’Histoire.

Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont Le Paris d’HaussmannLes passages couverts de ParisVilles utopiques et villes rêvéesÀ qui appartient la France, Il vient de publier avec Gilles Ricour de Bourgies Que vaut Paris ?, Histoire et analyse de la propriété immobilière aux Éditions du Mécène.

Il prépare actuellement une série d’ouvrages sur la propriété immobilière dans les grandes villes de France et leur valeur financière.

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Atlantico : L'année 2013 mais aussi ce début 2014 sont marqués par une chute des constructions de logements neufs. En cause : la crise, bien-sûr, mais pas seulement. La loi Duflot est venue remplacer le dispositif Scellier pour relancer les constructions mais les investisseurs sont toujours aussi frileux. Comment l'expliquer ?

Patrice de Moncan : La chute de la construction du logement est certainement due, pour partie, à la crise économique qui frappe notre pays depuis quelques années. Mais il faut se souvenir que dans les années fastes aussi, on ne construisait pas assez de logements en France. Cela fait des années que cela dure… et l’on traîne ainsi, depuis la fin des années 1970, un déficit de logements permanent qui oscille entre 300.000 et 500.000 logements.

La Loi Duflot est une nouvelle tentative der remédier partiellement à ce déficit en proposant un système de défiscalisation, après celles de Robien, Perissol, Borloo et Scellier. Les tentatives différentes de défiscalisation n’ont pourtant pas permis de palier à ce problème. Pire, les villes « éligibles » par la loi Scellier connaissent aujourd’hui des problèmes évidents de surproduction, les immeubles construits ainsi ne trouvant pas de locataires… Ce qui a pour effet de décourager bon nombre d’investisseurs particuliers. La loi Scellier, mise en place le 1er janvier 2009, avait pour objectif de soutenir l’investissement locatif privé. Il a pris fin le 31 décembre 2012 pour être remplacé par la loi Duflot qui garde le même objectif. Mais cette dernière se veut plus sociale… et moins "défiscalisante". En effet, le dispositif Scellier permettait au départ une réduction d'impôt équivalente à 25 % du montant du prix du bien immobilier, dans la limite de 300 000 € et d'un engagement de location de 9 ans. Il a été réduit récemment à 13 % pour le dispositif classique sur 9 ans, 17 % sur 12 ans et 21 % sur 15 ans pour le dispositif intermédiaire. Le dispositif Duflot avec un aspect social plus prononcé, cible des locations inférieures à 20 % du marché, sous conditions de ressources. En contrepartie, l'incitation fiscale n’est plus que de 18 % de l'investissement (plafonné à 300 000 euros). Elle étalée sur 9 ans. Nous voyons mal en quoi elle serait plus incitatrice que les précédentes ?

D’autant que les investisseurs sont de plus en plus "frileux" compte tenu des résultats constatés avec le Scellier.   

La toute récente loi ALUR présente des intérêts mais d'aucuns avancent qu'elle pose également plusieurs contraintes au niveau de la location. Quelles sont ces contraintes et comment peuvent-elles réduire la construction de logements neufs ?

L'encadrement des loyers, mesure forte de cette nouvelle loi, a pour objet de prévoir dans certaines zones "tendues" une fourchette de loyers dans laquelle ces derniers devraient être contenus. Autrement dit, pour prés d’un tiers des locations en région parisienne, ceci aura pour effet d'imposer une baisse du loyer. Difficile d’imaginer qu’une telle mesure motive les investisseurs et les pousse à investir davantage dans l’immobilier. Il y a fort à parier au contraire qu’ils se contenteront d’ "avaler" ce qui entraînera une diminution de la rentabilité de leur patrimoine actuel en attendant des perspectives meilleures avant d’acheter à nouveau des logements à des fins locatives. 

Par ailleurs la garantie de loyer, dite "GUL" convainc peu de monde. En effet, si un locataire ne paye pas ses loyers, est-on certain que l’organisme qui sera en charge de payer à sa place le fera dans des délais corrects, et peut-on être même sûr qu’il le fera ? Les petits investisseurs privés étaient très attachés aux garanties signées directement par les locataires eux-mêmes ou par leurs représentants. Cela avait l’avantage de les engager personnellement. 

Il y va de même pour le bail type imposé par cette loi. Des députés et sénateurs ont tout récemment porté recours contre lui, pensant que "le bail est un acte négocié entre deux parties, libres d'en arrêter le contenu. L'existence d'un bail type est donc incompatible avec la liberté contractuelle".

Les petits propriétaires, comme les plus importants, tiennent beaucoup à cette liberté contractuelle.

Toutes ces mesures semblent bien démotivantes pour les investisseurs. Pourtant, sans eux, la construction ne pourra plus s’appuyer que sur les seuls acquéreurs de résidences principales, ce qui risque fort de ne pas être  suffisant quand on sait les difficultés croissantes qu’ont les candidats à l’accession dans les conditions économiques actuelles, et tout particulièrement les "primo-accédants". Le chômage, la baisse du niveau de vie, le manque de confiance en l’avenir,… tout cela s’additionnant.

Pour relancer les constructions de logements neufs le gouvernement entend favoriser la construction de 500 000 logement d'ici la fin du quinquennat : ce sont les "Objectifs 500 000". Comment cela peut-il aider les constructions de logements neufs ? Quels sont les failles de ces "Objectifs" ?

Toutes les promesses entendues depuis plus de trente ans sur les prévisions de construction nous laissent bien sceptiques. 

Pour aider les constructions neuves il faudrait laisser beaucoup de liberté (au lieu de plafonner les loyers et d’imposer des baux), il faudrait moins fiscaliser les mutations (plutôt que de défiscaliser un seul type d’acquisition), il faudrait limiter vraiment les recours et cesser d’interdire la construction de logements pour des raisons abusives au nom, par exemple de l’écologie, il faudrait cesser de voir dans les propriétaires de logements locatifs des parias de la société, tout juste bons à payer des taxes et impôts, même s’il est vrai que ce sont des proies faciles. A-t-on jamais vu un propriétaire s’enfuir à l’étranger avec son logement locatif sous le bras ? 

La démarche "Objectifs 500.000" se veut capable d’accélérer la construction et la rénovation de logements sur le moyen et le long terme pour atteindre, d'ici à 2017, les objectifs de construction de 500.000 logements et de rénovation de 500.000 logements par an !

Alors attendons de voir ! Mais tout ceci semble bien optimiste quand on se retourne sur les trente dernières années. Espérons que, pour une fois, l’histoire récente ne se répètera pas.

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