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Un élu FN à la tête de la mairie d’Hénin-Beaumont serait-il différent d'un maire FN du Sud ?
©Reuters

Bière ou pastis

La liste du FN conduite par Steeve Briois arriverait en tête aux deux tours à Henin-Beaumont (Pas-de-Calais) lors des élections municipales de mars, selon un sondage Ifop pour le journal « La Voix du Nord » et Europe 1.

Haydée Sabéran

Haydée Sabéran

Haydée Sabéran est journaliste, correspondante de Libération dans le Nord Pas de Calais. Elle est auteur d'un ouvrage "Bienvenue à Hénin-Beaumont, reportage sur un laboratoire du Front National" (édition La Découverte, à paraître le 27 février 2014).

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Atlantico : La liste du Front national conduite par Steeve Briois arriverait en tête aux deux tours à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), lors des élections municipales de mars, selon un sondage Ifop pour le journal « La Voix du Nord » et Europe 1. Que nous dévoile cette estimation sur la situation politique dans le Nord de la France ? Est-elle révélatrice d'une situation générale ou se cantonne-t-elle à un contexte local ?

Haydée Sabéran : Les maires de gauche craignent partout des progrès du Front national dans le Nord et le Pas-de-Calais. Mais la situation d’Hénin-Beaumont est à part. Ici, le chômage est un des plus élevés de France, à presque 18 % dans l’agglomération. Par ailleurs, la gauche a déserté le terrain, et il n’y a pas de figure qui rassemble. Le maire actuel, âgé de 74, part, certes, avec l’avantage de la « prime au sortant », mais il a démarré la politique à 69 ans, et ne sait pas ce que c’est de faire campagne sur son nom, puisqu’il a été élu maire par le conseil municipal quand son prédécesseur est tombé malade. Il n’a pas la réputation d’être proche des gens. L’autre figure à gauche, Gérard Dalongeville, l’ancien maire socialiste, a été condamné à trois ans de prison pour détournements de fonds. Il a fait appel, et se présente. Il a contribué, par sa gestion dans les années 2000 à faire monter le FN, entre autres parce qu’il a doublé les impôts pour résorber les déficits qu’il a créés, quelque 25 millions d’euros cumulés. Par ailleurs, autre élément du contexte local, Steeve Briois, le candidat Front national, est sur le terrain depuis 1995, date de sa première élection comme conseiller municipal. Ce n’est pas un candidat FN classique, il laboure le terrain, et dit s’inspirer des méthodes du Parti communiste, à l’époque où il était une force d’opposition puissante face aux socialistes.

Le sondage, lui, est à manier avec précaution, car il est annoncé avec une marge d’erreur de 4,5 points. Les sondages ne tapent pas toujours juste, à Hénin-Beaumont comme ailleurs. Parfois ils ont minimisé le score du FN, parfois c'était l’inverse. En revanche, l'IFOP a prédit au demi point près le résultat du second tour de 2009, à l'élection partielle qui a suivi l'incarcération de Gérard Dalongeville, 47,6% pour le FN. Ce qui me frappe, et qui n’est pas sujet à caution, c’est le score élevé de Marine Le Pen dans la ville aux législatives de 2012, plus de 55 %. Aux législatives de 2007, elle était à 44 % dans la ville.

La plupart des villes ayant déjà été gérées par le FN sont des villes du sud de la France. Or, la sociologie de l’électorat et la stratégie de conquête du parti ne sont pas les mêmes au nord et au sud. La situation d'Hénin-Beaumont peut-elle être comparée avec celle d'Orange, Toulon, Vitrolles ou encore Marignane ou se rapproche-t-elle davantage de la situation qu'avait connue la ville de Dreux dans les années 1990 ?

Haydée Sabéran : La situation d’Hénin-Beaumont est spécifique. Ici, on parle moins d’immigration et d’insécurité que d’insécurité sociale et de chômage. Et la proximité du candidat FN avec la population est une réalité. Par ailleurs, il met tout en œuvre pour gommer son image « FN ». Les mots « Front national » apparaissent rarement sur ses tracts. C’est quelqu’un qui passe des heures à écouter les gens, à danser avec les vieilles dames, à envoyer des courriers pour faire avancer des dossiers de logement social. La plupart des gens qui l’apprécient sont attachés à sa personne, ils sont loin, très loin d’être tous d’extrême droite. Ils n’ont pas l’impression de voter « FN », mais de voter pour « Steeve » le gars du coin. C’est pour ça qu’il y a une probabilité qu’il devienne maire, parce qu’il a presque réussi à gommer cette image « FN », qui est encore un boulet, même à Hénin-Beaumont. 

Lorsque le FN détenait les mairies dans plusieurs villes des bouches-du Rhône, la gestion locale ne différait guère d'une gestion UMP. En raison de la différence entre FN du Sud et FN du Nord, cette situation serait-elle différente à Hénin-Beaumont ?

Haydée Sabéran : Si Steeve Briois gagne, il devra faire du social, et mettre ses pas dans ceux de la gauche pour être réélu. La ville sera une vitrine de la gestion Front National, le laboratoire d’un « frontisme municipal », même s’il s’en défend. Il sait qu’il sera observé. Il n’appliquera pas un vrai programme FN, il s’appliquera à être inoffensif. Il assure qu’il gèrera « sans idéologie », et promet qu’il ne changera pas les noms des rues, la maison de quartier Maurice Thorez gardera son nom. Il ne tentera pas de verser une prime aux parents d’enfants européens comme Bruno Mégret à Vitrolles, puisque c’est illégal. Il a prévenu qu’il ne serait pas dans la provocation. Ceci dit, son programme porte la marque du FN, avec une police municipale renforcée et la mise en place de la vidéo-surveillance, entre autres. Mais ces propositions sont désormais répandues, y compris à gauche. Ce qui me frappe dans le programme de Steeve Briois, c’est son côté nostalgique. Le retour du kiosque à musique, le retour du Corso fleuri, des marches militaires jouées par les enfants de l’école de musique le 11 novembre, du théâtre de boulevard. Et même une statue du Général De Gaulle pour s’y recueillir, chaque 18 juin, un clin d'œil à l'électorat de la droite classique, que le FN a phagocyté.   

Quelle influence aurait la base électorale, plutôt composée d'ouvriers, dans le nord sur la politique du parti frontiste dans cette commune ? Sur quelle thématique les politiques locales menées seraient en revanche similaires à ce qui a été fait dans le sud de la France ? Quels sont, malgré tout, les points de convergences ?

Haydée Sabéran : Il y aurait une obligation d’agir sur le social pour avoir une chance d’être réélu.

Propos recueillis par Marianne Murat

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