Municipales : ce qui pourrait empêcher la droite de profiter du climat national<!-- --> | Atlantico.fr
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L'UMP table sur la démobilisation à gauche pour gagner des voix aux prochaines élections municipales.
L'UMP table sur la démobilisation à gauche pour gagner des voix aux prochaines élections municipales.
©Reuters

Grain de sable

Profitant des couacs de la gauche et de la crainte du PS face à certains sujets à l'approche des municipales, la droite table sur une démobilisation de l'électorat de la majorité présidentielle pour gagner des voix aux prochaines élections.

Atlantico : A presque un mois des élections municipales, l'UMP table sur la démobilisation à gauche pour gagner des voix. La droite peut-elle profiter du climat national ?

Jean Petaux : Le jeu électoral étant un jeu à "somme nulle", par définition ce que perd un bloc politique, l’autre le gagne. À cette réserve près désormais que la présence du Front National complexifie la situation en créant une forme de triangulation. Heureusement pour l’UMP, le Front National ne va pas être présent partout en France et, en dehors des grandes villes et de son territoire de prédilection (le sud-est de la France), le parti de Marine Le Pen rencontre des difficultés pour former des listes. Autrement dit, bien que sans voix aujourd’hui, bien que sans programme, bien que dans l’attente paralysée du retour (ou non) de son "grand homme", l’UMP est en position de remporter un nombre significatif de villes qui vont basculer de gauche à droite. Tout porte à croire que l’on s’oriente vers un "1977 inversé" avec une réelle démobilisation de l’électorat de gauche qui va, mécaniquement, favoriser les listes UMP et ses alliés (UDI et MODEM).

Xavier Chinaud : La droite peut profiter du climat national car la démobilisation de l'électorat socialiste peut permettre à l'opposition de réaliser de bons scores au 1er tour et au cas par cas de générer une dynamique gagnante pour le second tour. Au-delà des bascules "évidentes", une vingtaine de villes de plus de 30.000 habitants sont aujourd'hui "sur le fil", l'abstention à gauche  et un tassement du FN (ou qui ne parviendrait pas à constituer de listes) peut profiter à l'UMP et au Centre.

Quelles pourraient être concrètement les raisons qui pourraient l'en empêcher ? Des divisions à droite ? Des dynamiques locales qui dépassent la logique droite / gauche ?

Jean Petaux : Les élections municipales sont autant de "micro-présidentielles". Bien que la consultation s’organise par un scrutin de liste ("bloquée" désormais dans les villes et villages de plus de 1000 habitants), la personnalisation de l’élection en faveur du maire sortant pèse énormément. Il y a donc, traditionnellement, une sorte de résistance locale aux enjeux nationaux lesquels forment le "bruit de fond" de l’élection. C’est ainsi, par exemple, qu’Alain Juppé a pu conserver sa mairie de Bordeaux en 2008, en dépit de la forte dépression qu’ont rencontrée les listes UMP à Périgueux, Rouen, Caen, Toulouse ; autant de villes qui sont passées à gauche cette même année. Mais il arrive aussi que la vague du rejet de la majorité présidentielle et parlementaire en place soit tellement forte qu’elle emporte tout sur son passage, y compris les maires pourtant bien implantés, disposant d’une forte popularité personnelle. C’est un peu comme lorsqu’un bloc de la banquise antarctique se détache d’un coup du "pôle Sud" : tout part en même temps… Les équipes municipales fragiles ou désavouées comme celles qui ont plutôt un bilan apprécié : elles sont littéralement balayées. Tout simplement parce qu’elles portent le mauvais maillot, celui sur lequel est cousue "la marque" du président de la République ou celle du premier Ministre. Je pense donc que même les divisions à droite ne sauveront pas un nombre important de mairies socialistes.

Xavier Chinaud : Les causes d'un espoir déçu seraient triples : un FN plus haut que mesuré aujourd'hui, une mobilisation de la gauche au 2eme tour, un réflexe de vote local bien supérieur à celui d'une sanction nationale.

Quelle posture devrait-elle alors adopter pour en profiter ?

Xavier Chinaud : Le terrain, le local et la qualité des candidats en campagne, "les postures" nationales sont plus contreproductives qu'utiles.

Pourquoi la droite espère-t-elle gagner des votes sanctions à l'encontre de la gauche plutôt que gagner des votes en sa faveur ?

Jean Petaux :Tout simplement parce que la droite sait pertinemment qu’elle n’a aucun programme alternatif à proposer. Vaguement sur les questions "morales" ou de "société"… Encore que : regardez comment la candidate au fauteuil de maire de Paris ne parvient pas à rejoindre la ligne des opposants au "mariage pour tous". Quant à la partie économique : l’UMP a du mal à aller aussi loin vers le patronat comme le fait François Hollande qui l’a littéralement contourné sur sa "droite libérale". Localement il y a le jeu des oppositions qui proposent de faire mieux que le maire sortant et ses colistiers, mais comme tous les observateurs s’accordent sur le fait qu’en 2016 les finances locales "seront à l’os" et totalement prises dans un "effet de ciseaux", il n’y a plus aucune marge de manœuvre… Donc même le coup de la "médiathèque" pour faire référence à un film amusant d’Eric Rohmer ("L’arbre, le maire et la médiathèque", 1983), ne peut plus être réalisé…

Xavier Chinaud : l'UMP est depuis près de 2 ans plus conditionnée dans ses choix par la montée du FN, l'opposition systématique et le procès en "illégitimité" du Président de la République, que par sa force de proposition et d'incarnation d'une alternative. L'obsession présidentielle a conduit ce parti à délaisser le travail de terrain depuis des années, privilégier des cadres et des candidats fidèles à une "écurie" à tout autre talent se traduit d'avantage par l'espoir de la défaite de l'opposant que par celui de son propre succès, la difficulté à trouver de bons candidats partout en est le révélateur. Les élections municipales ont avant tout une dimension locale, surfer sur les considérations nationales exclusivement est un pari sur le court terme qui pourrait  se révéler dangereux dans des villes fragilisées qui seront difficilement gérables.

Qu'a-t-elle à gagner en tablant sur la démobilisation à gauche ? Et à perdre ?

Jean Petaux : La démobilisation de la gauche va être le "cache-sexe" qui va permettre à l’UMP, dans plusieurs villes entre 20.000 et 100.000 habitants de croire qu’elle aura gagné par la force de son programme, l’originalité de ses propositions et le charisme de ses candidates et candidats. D’une certaine manière cela importe d’ailleurs assez peu qu’il s’agisse là d’un "roman", d’une "mise en intrigue" ou d’une "explication ex-post" de ces victoires locales. En politique, seul le résultat compte. Mais pour l’avenir, la victoire prévisible de l’UMP les 23 et 30 mars 2014 risque d’avoir un goût amer dans la mesure où, dès les Européennes, l’UMP va se retrouver dans le même canot de sauvetage que le PS dans le naufrage des partis de gouvernement, et où, surtout dès la rentrée 2014, se profilera la question, des primaires qui vont être une terrible pomme de discorde au sein du parti "dirigé" par Jean-François Copé.

Xavier Chinaud : L'opposition UMP-Centre "gagnera" des villes, majoritairement parmi celles qu'elle a perdues lors des derniers scrutins. Que l'on choisisse le critère d'analyse des villes de plus de 30.000 habitants ou celui, plus avantageux, des plus de 9 000 habitants ne changera que la cosmétique des choses. La droite a perdu du terrain électoral depuis 20 ans, un rééquilibrage est logique et au-delà, certaines victoires nouvelles méritées localement. Mais cela traduira difficilement une adhésion à ceux qui rèvent d'une ambition présidentielle en 2017, si notoirement le fait d'une démobilisation de l'électorat de gauche et d'une abstention massive. Suivront les élections européennes, et celles ci pourraient rebattre les cartes de ce jeu...

Propos recueillis par Marianne Murat

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