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59% des Français favorables à une restriction des conditions de circulation et d’installation des Européens dans le cadre des accords de Schengen
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Europe sous le choc

Les Français de disent majoritairement favorables à une limitation de la circulation des immigrés européens en France, et donc à une remise en cause du traité de Schengen. C'est un des piliers de la construction européenne qui est ainsi contesté par l'opinion publique.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Les Français et les accords de Schengen, un sondage Ifop pour Atlantico

Question ifop : Dans le cadre des accords de Schengen, les citoyens des différents pays-membres de l’Union Européenne peuvent rentrer et circuler librement sur notre territoire. Ils ont également le droit de s’y installer s’ils ont un emploi, s’ils sont étudiants ou s’ils peuvent disposer de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins. De la même façon, les citoyens français peuvent circuler librement et s’installer dans les mêmes conditions dans tous les pays de l’Union Européenne. Vous personnellement, êtes-vous favorable ou opposé à ce que la France remette en cause les accords de Schengen et restreigne les conditions de circulation et d’installation des citoyens européens sur son territoire ?

Atlantico : Selon une enquête Ifop pour Atlantico, quasiment 6 Français sur 10 (59 %) sont favorables à une limitation des immigrés européens en France et donc à une remise en cause des accords de Schengen. De quoi ce chiffre est-il la marque ?

Jérôme Fourquet : C'est un score très élevé qui fait suite à la votation suisse du week-end dernier. Ce chiffre montre deux choses. D'une part, il marque une défiance très forte vis-à-vis de la construction européenne telle qu'elle a été menée ces dernières années avec une ouverture à tout-va des frontières, ou en tous cas perçue comme telle. D'autre part, on a une tension très forte dans la société française vis-à-vis de tout ce qui touche à l'immigration alors même que la question posée dans le sondage ne portait pas sur l'immigration extra-européenne mais bien de libre circulation ou d'immigration à l'intérieur de l'Europe. Comme en Suisse, donc, on a une demande de contrôle et de fermeture qui est majoritaire.

Il est intéressant de constater que l'on avait posé une question plus ou moins similaire en mars 2012, après le meeting de Villepinte de Nicolas Sarkozy, où il avait parlé d'une réforme du traité de Schengen sur la libre-circulation des personnes. A l'époque, 59 % des Français étaient favorables à une réforme du traité de Schengen afin de mieux contrôler l'immigration clandestine. Le fait que l'on ait exactement le même chiffre aujourd'hui laisse à penser que lorsque les Français se prononcent pour une réforme du traité de Schengen, c'est moins sur l'immigration des frontaliers qu'ils se positionnent que sur la question des Roms ou l'arrivée sur le territoire de populations venues d'Europe de l'Est. Le défaut Schengen est perçu à travers le prisme d'une maîtrise insuffisante des flux migratoires et de circulation de populations, notamment de populations "à problème". Sauf, comme dans le cas de la Suisse, ce faisant, on est prêt à entraver la libre circulation des Français vers les autres pays européens ou l'arrivée de personnes qui peuvent avoir le même niveau de vie que nous.  

Ce chiffre doit faire réfléchir, d'autant plus à 100 jours des élections européennes. L'un des piliers fondamentaux de la construction européenne est la libre circulation des personnes. Or, une large majorité de Français est pour une remise en cause de ce pilier. Même au sein des départements frontaliers, où l'on vit pourtant l'Europe au quotidien et où l'on pourrait penser que la construction européenne est importante, on a des résultats un peu plus élevés qu'au niveau national.

A lire également : Le camouflet anti-Europe : et maintenant les Français veulent réformer les frontières aux autres citoyens de l'Unions... à qui la faute ?

Est-ce que les résultats de ce sondage montrent qu'il n'y a finalement pas de solidarité européenne ?

C'est une façon de voir les choses. On peut aussi interpréter cela comme une très forte demande de maîtrise des frontières et de retour, d'une certaine façon, à un cadre national, sans doute exacerbé par la crise économique. Quand on dit que les eurosceptiques vont faire un malheur aux élections européennes, on en a aujourd'hui une nouvelle illustration. Même quand, dans la question, on ne fait pas référence à la circulation des Roms ou autres, 6 Français sur 10 disent qu'il faut fermer les frontières.

Quand on regarde dans le détail par sensibilité politique, on s'aperçoit qu'il y a un clivage : 44 %  des électeurs PS sont favorables à une limitation des immigrés européens en France, contre 68 % pour l'UMP et 75 % au Front National. Il y a quand même un électeur sur deux à gauche qui est favorable. L'électorat le plus hostile à cela est celui de l'UDI (37 % favorable) et du Modem (46 %). Il y a donc un doute très profond qui saisit l'électorat, y compris à gauche.

Comment faire la part des choses entre le rejet de l'Europe et les difficultés conjoncturelles ?

Les deux sujets commencent à faire système. Il y a, par exemple, tout un débat sur le fait que l'euro soit surévalué. On parle aussi de dumping fiscal avec certains géants d'internet qui partent en Irlande. On voit donc que la crise peut être aggravée ou accentuée aux yeux de certains par un certain nombre de dysfonctionnement liés à la construction européenne. On est sur la même démarche que ce qui s'est passé en Suisse : nous sommes plus à dire qu'il faut mettre des quotas et gérer les flux migratoires aux portes de l'Europe, on parle de l'immigration au sein même de l'Europe. Cela peut être une focalisation sur la question Rom. Mais cela dit beaucoup de choses sur l'idée d'une reprise en main du destin national. Pour une majorité de Français, il faut remettre des contrôles parce que l'on ne fait que subir, et cela passe par une remise en place des frontières internes.

Il y a 5 ou 6  ans, la problématique de l'Europe était de savoir si la Turquie devait intégrer ou non l'Union. On n'en est plus là.

Détail du sondage : Les Français et les accords de Schengen

Méthodologie du sondage

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