La mer s'agite
Houle géante sur l'Atlantique : l'explication d'un phénomène qui se joue loin de nos côtes
De "Dirk" à "Petra", les tempêtes qui frappent la côte atlantique surprennent par leur récurrence. D'autres vents sont encore attendus samedi prochain.
Atlantico : Pour tous ceux qui ne vivent pas au bord de la mer, pouvez-vous expliquer ce qu'est la houle et comment se forme-t-elle ?
Luc Hamm : La houle observée sur la côte atlantique actuellement est constituée d’une série de plusieurs centaines (voire milliers) de vagues générée au milieu de l’océan Atlantique par le vent soufflant dans une même direction avec une intensité forte sur plusieurs centaines de kilomètres. Ces vagues se propagent ensuite vers nos côtes même lorsque le vent se calme. Elles viennent déferler sur les plages provoquant des érosions côtières et sur les digues de protection des ports et de submersions lorsqu’elles sont en concomittance avec des pleines mers de fortes marées.
Cet hiver est particulièrement rude pour les côtes bretonnes, ravagées par différentes tempêtes. Celles-ci sont elles vraiment plus violentes qu'usuellement ?
Un système permanent de bouées de mesure diffuse des informations en temps réel soit au large (bouées Gascogne et Brittany de météo-France voir ici) soit près des côtes (réseau CANDHIS voir ici) Ces bouées ont mesuré les pics lors des trois tempêtes qui ont touché nos côtes. Les mesures de CANDHIS à la bouée Les Pierres Noires à l’extrémité de la Bretagne donnent les valeurs brutes suivantes (temps réel avant validation pour les services de l’état) : la tempête Dirk des 23 et 24 décembre 2013 a connu pic en hauteur significative de 9m environ, et une vague maximale d’environ 16 m. La tempête, sans nom, du 6 janvier 2014 a, pour sa part, connu un pic en hauteur significative de 10m environ, et vague maximale d’environ 17,5 m. Quant à la tempête Petra du 5 février 2014 ; un pic en hauteur significative de 12m environ, et vague maximale comprise entre 19 et 23 m. La hauteur significative de la houle correspond à la moyenne du tiers supérieur des vagues, mesurées pendant 30 minutes.
Le catalogue des tempêtes précédentes à cette bouée disponible sur le site CANDHIS indique que l’on est comparable à la tempête du 10 mars 2008 : pic en hauteur significative de 11m environ, vague maximale d’environ 16 m, avec même un léger dépassement pour Petra à qui on peut attribuer une probabilité annuelle de l’ordre de 0,1 à 0,05 soit un temps de retour compris entre 10 et 20 ans. La pic annuel de tempête est estimé à 8m de hauteur significative sur ce site.
Si les tempêtes hivernales ne sont pas si surprenantes en soi, Joël Hoffman, chef du service des prévisions marines à Météo France, explique au Monde que "c'est la fréquence à laquelle elles se suivent qui interpelle." Pourquoi ? N'a-t-on jamais vécu de situation semblable ? Comment interpréter cette augmentation du nombre de dépressions météorologique ?
A ma connaissance, une succession exceptionnelles de tempêtes a déjà été observée lors de l’hiver 1989-1990. Il faudra attendre la fin de la période hivernale (fin avril) pour faire des comparaisons quantitatives précises.
Ce phénomène risque-t-il de se reproduire de façon régulière, ou s'agit-il d'un évènement isolé ?
La variabilité des tempêtes en Atlantique nord est bien connue. Il existe en effet un cycle pluri-annuel pour les tempêtes connu sous le nom d’oscillation nord-Atlantique (north Atlantic oscillation NAO) qui fait osciller la trajectoires des dépressions entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Cette oscillation est lente et irrégulière. Elle conduit à des séries d’hivers doux puis difficiles comme actuellement. Il n’existe pas actuellement de méthode de prévision de cette oscillation pour les années qui viennent. Les variations de cette oscillation au 20eme siècle est encore peu comprise même si elle est observée depuis longtemps.
Existe-t-il un lien entre ces tempêtes et le dérèglement climatique que connait la planète actuellement ? Si oui, quel est-il ?
Comment se protéger efficacement contre de telles catastrophes météorologiques ?
La prévention doit jouer un rôle clé dans ce domaine. Les moyens de prévision doivent aussi être renforcés car les pics de tempête ont été sous-estimés (voir graphiques joints). Cela ne suffira cependant pas car il y a déjà trop d’habitations situées dans des zones à risques. La récente stratégie nationale de gestion du trait de côte mise en place par le ministère vise à envisager en particulier une relocalisation des personnes et des services vers l’intérieur des terres sur des zones moins exposées.
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