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Tyrannie fiscale : de l’impossible transparence de l’impôt
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Bonnes feuilles

Progressivité de l’impôt sur le revenu, ISF, impôt sur les successions, fiscalité des entreprises, taxation du capital, financement de la protection sociale : sur toutes ces questions qui font plus que jamais débat, Pascal Salin livre une vision audacieuse pour en finir avec les "réformettes" électoralistes et les "mesurettes" qui prennent aux uns pour donner aux autres. Extrait (1/2) de "La Tyrannie fiscale", (Editions Odile Jacob).

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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L’une des caractéristiques importantes de l’impôt qu’il convient de souligner au début de notre réflexion sur la fiscalité, c’est son impossible transparence. Un exemple permettra de comprendre quel est le phénomène en cause. Imaginons une situation initiale où il n’existe pas d’impôt (par exemple parce que l’État est financé par les produits du domaine public) et prenons le cas d’un contrat de travail par lequel un employeur promet un salaire égal à 100 par journée de travail à un salarié.
Supposons maintenant que l’État décide soudainement d’imposer à l’employeur un impôt égal à 20 sur le salaire journalier. Initialement, le profit de l’employeur va être diminué du même montant puisqu’il a promis 100 à son salarié et qu’il doit payer en outre, de manière imprévue, 20 à l’État. Étant donné que, dans le secteur privé, on respecte ses contrats, il n’est pas possible pour l’employeur de baisser en conséquence le salaire de son salarié. Avec le temps il trouvera divers moyens pour répercuter, au moins partiellement, le poids de ce nouvel impôt sur le salarié. Ainsi, il peut attendre la fin du contrat de travail – ou même la provoquer – afin d’embaucher un autre salarié auquel il promettra, par exemple, un salaire égal à 90 (de telle sorte que l’employeur paiera effectivement 10 en impôts et que le salarié paiera indirectement 10). Ou bien il fera des gains de productivité, mais, au lieu d’en faire profiter son salarié – comme cela aurait été le cas en l’absence de ce nouvel impôt –, il maintiendra le salaire à son niveau de 100 jusqu’à ce qu’il ait retrouvé une rentabilité de son activité suffisante à ses yeux. De manière générale, on peut penser que le poids effectif de l’impôt sera, plus ou moins rapidement, supporté par l’employeur et par le salarié dans des proportions qui dépendent des circonstances et qu’un observateur extérieur est absolument incapable de connaître.

Cette connaissance est impossible puisqu’elle impliquerait de comparer le salaire existant à ce qu’il aurait été en l’absence d’impôt, information que personne ne peut évidemment avoir.

On peut le noter au passage, la plupart des impôts existants sont caractérisés par ce manque de transparence. Un impôt échapperait certainement à cette critique, l’impôt de capitation, que nous avons déjà rencontré, mais qui est malheureusement trop décrié parce qu’il est considéré comme désuet (et peut-être aussi comme incapable d’apporter à l’État les sommes considérables dont il se nourrit à notre époque !). En effet, si chaque citoyen devait payer une somme fixe indépendante de ses activités, chacun supporterait bien le poids de l’impôt qu’il paie, sans possibilité de le transférer à autrui. Tel n’est pas le cas des autres impôts, parce qu’ils sont généralement prélevés à l’occasion de l’exécution de contrats, c’est- à- dire d’activités qui mettent plusieurs personnes en cause. Tel est le cas, par exemple, pour un impôt sur le revenu du travail ou des cotisations sociales perçues à l’occasion de contrats de travail. Et c’est aussi le cas, par exemple, pour un contrat de prêt dont les intérêts sont soumis à l’impôt sur le revenu. Nous aurons bien des occasions, dans le présent livre, de rencontrer des situations de ce genre, par exemple au sujet de l’imposition de l’épargne ou à propos de la TVA. Cela signifie que celui qui paie l’impôt à l’administration fiscale n’est pas nécessairement celui qui en supporte effectivement et intégralement le poids. En d’autres termes, nous ne savons absolument pas par qui sont payés les impôts existants. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le poids de la fiscalité est important, ce qui est particulièrement le cas de la France, l’un des pays du monde où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés ! Ce manque de transparence fait de la fiscalité le système le plus antidémocratique qu’on puisse imaginer, puisque la démocratie est fondée sur l’idée que les citoyens consentent à ce que fait l’État ; mais ils ne savent absolument pas ce que leur coûte l’État. Il y a de ce point de vue une différence supplémentaire essentielle entre l’activité publique et l’activité privée : dans la sphère privée, si j’achète un produit, je supporte intégralement et définitivement le poids du prix qui m’est demandé ; le système est donc parfaitement transparent. Dans le domaine des biens publics et des choix publics, on ne sait pas qui paie quoi. Il y aurait évidemment là une raison très forte de diminuer au maximum la sphère publique et de permettre l’élargissement maximal de la sphère privée. Contrairement à ce qu’on croit bien souvent, le système du contrat privé est le plus respectueux des personnes, tandis que le système des obligations publiques repose sur la dissimulation et la tromperie.

Extrait de "La Tyrannie fiscale", Pascal Salin, (Editions Odile Jacob), 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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