Que réserve à l'Europe la déferlante populiste en vue ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Geert Wilders, fondateur du PVV.
Marine Le Pen et Geert Wilders, fondateur du PVV.
©Reuters

Lame de fond

UKIP, PVV, FN... nombreux sont les partis populistes européens qui se présenteront aux élections européennes de mai 2014, ce qui suscite l'inquiétude de certains observateurs. Ces derniers verront leurs craintes se confirmer si les différents mouvements parviennent à se fédérer.

Philippe Braud

Philippe Braud

Philippe Braud est un politologue français, spécialiste de sociologie politique. Il est Visiting Professor à l'Université de Princeton et professeur émérite à Sciences-Po Paris.

Il est notamment l'auteur de Petit traité des émotions, sentiments et passions politiques, (Armand Colin, 2007) et du Dictionnaire de de Gaulle (Le grand livre du mois, 2006).

 

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Atlantico : A l'horizon des élections européennes, de nombreux commentateurs s'interrogent sur le potentiel croissant de plusieurs formations populistes européenne, du parti UKIP de Nigel Farage au Front National de Marine Le Pen en passant par le PVV du néerlandais Geert Wilders. Au-delà des fausses impressions et du sensationnalisme, peut-on vraiment parier sur une "vague populiste" en mai prochain ?

Philippe Braud : Effectivement, par nature les élections européennes se prêtent fort bien à l’enregistrement d’une vague populiste. Pour de nombreuses raisons. Il n’y a pas, comme aux législatives ou aux municipales, des élus sortants dont la notoriété fait barrage à l’affirmation des extrêmes. Dans ce type de scrutin, l’Europe y apparaît comme un bouc émissaire commode, alors même que les candidats parlent rarement des vrais enjeux européens. La déception, le mécontentement, la grogne vont pouvoir se donner libre cours. Avec un bémol cependant. La moitié de l’électorat "oubliera" probablement d’aller voter, tant l’ignorance est grande autour du rôle du Parlement de Strasbourg. Ce qui, d’ailleurs, gonflera artificiellement le poids des formations populistes car leurs sympathisants les plus "remontés" iront tous, eux, déposer leur bulletin.

Au delà d'un relatif consensus autour de l'euroscepticisme, ces partis sont extrêmement divisés sur des questions comme la place de l'Islam, le rôle de l'Etat et les droits des minorités (fortement revendiquées par M. Wilders notamment). Peut-on imaginer en conséquence que cette offre politique soit capable de se fédérer autour d'une logique commune ?

Cela semble en effet improbable. Par définition les partis souverainistes ou nationalistes ont les yeux rivés sur l’horizon étroit de leur pays d’origine. Ils ont donc des sensibilités différentes sur bien des problèmes, y compris sur le terrain de la xénophobie ou de l’hostilité à l’islam. Certes, ils partagent largement un discours hostile à l’immigration comme au pouvoir "technocratique" de Bruxelles. Mais, même sur ce dernier point, de grandes nuances séparent ceux qui veulent simplement des rapatriements de compétences et ceux qui veulent sortir de l’euro, voire tout simplement faire éclater l’Union. En fait, il faudrait qu’ils obtiennent un nombre significatif de sièges sur les 766 du Parlement actuel pour acquérir une capacité de nuisance dans le fonctionnement des institutions européennes. On voit mal comment les partis les plus franchement populistes d’Europe pourraient obtenir cinquante à soixante sièges, un seuil au-dessous duquel ils sont condamnés à l’impuissance, du moins au sein du Parlement. En revanche, le simple constat d’une forte poussée de voix en leur faveur devrait être considéré comme un signal sérieux par les dirigeants européens, même si les causes sont souvent d’ordre intérieur. Les réponses à la crise économique passent, en fait, par un approfondissement toujours croissant de l’intégration européenne. Les gouvernants doivent donc s’efforcer d’agir avec un souci accru d’explication pédagogique du bien fondé de cette politique, en balayant les facilités démagogiques qui consistent à faire de l’UE le bouc émissaire de leurs propres insuffisances.

Que peut nous enseigner à ce titre l'émergence de ce que l'on appelait la "troisième vague populiste" dans les années 1980 ?

La vague populiste de cette période a durablement donné pignon sur rue à un euroscepticisme jusque là marginal. Mais elle a prouvé aussi son impuissance. La marche en avant vers plus d’intégration n’en a pas été stoppée ; simplement elle a perdu sa "légitimité naturelle", pourrait-on dire. D’où le devoir des gouvernants de mieux gérer les angoisses de ceux qui vivent mal les transitions de notre époque.

Plus largement, faut-il en déduire que les partis populistes sont voués de fait, par leurs ancrage nationaux, à un isolement sur le plan européen ?

Oui, je le pense. Ils seront, toutes choses égales par ailleurs, dans la même situation que les partis communistes occidentaux dans leur pays respectifs, après 1947, avec le choix de l’alliance atlantique par les pays européens. A la marge, des empêcheurs de tourner en rond mais, surtout, des témoins impuissants d’une alternative impossible.

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