Le cœur de l'Europe ne bat pas à Bruxelles mais à Kiev<!-- --> | Atlantico.fr
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Le cœur de l'Europe bat à Kiev.
Le cœur de l'Europe bat à Kiev.
©Reuters

C'est quoi Bruxelles ?

En ce moment, un sommet européen se tient à Bruxelles. De quoi y parle-t-on ? Peu importe. C’est à Kiev et non pas à Bruxelles que bat le cœur de l’Europe.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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L’Europe est morte une première fois pendant la guerre mondiale de 1914-1918. Une abominable boucherie qui la laissa pantelante, vidée de son sang. Son plus beau requiem fut écrit par Stefan Zweig dans "Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen". Le grand écrivain visionnaire prit pour toujours le deuil de l’empire austro-hongrois. Une Europe miniature où Allemands, Hongrois, Juifs, Tchèques, Slovaques, Polonais, Ukrainiens et Bosniaques cohabitaient sous le règne du débonnaire François-Joseph.

L'Europe est morte une deuxième fois pendant la guerre mondiale de 1939-1945. Elle fut assassinée par Adolf Hitler qui voulut une Europe de l'Atlantique à Auschwitz. Des dizaines de millions de morts. Et parmi eux le seul peuple qui avait l’Europe chevillée à l’âme. Le peuple juif massacré, humilié, opprimé dans des patries qui le considéraient comme un intrus ou un ennemi. Et qui, en raison de cette souffrance, rêvait d’une autre patrie, d’un continent sans frontières. Plus de Juifs, plus de Polonais, plus d'Allemands, plus de Tchèques, plus de Russes... Tous des Européens.

De cette perte l’Europe ne se releva pas. Et Stefan Zweig, qui savait tout, se donna la mort. Puis, après la guerre et la Shoah, l’Europe tenta de se refaire une jeunesse. Maladroitement. De façon besogneuse. Avec des dosages d'apothicaires. Car il n’y avait plus d’âme. De là d'âpres négociations tarifaires, des compromis laborieux sur les subventions, des discussions techniques et interminables sur la monnaie et sur les banques. Cela s’appelle aujourd'hui l’Union européenne. Elle est ce qu’elle est. Et elle n’est que ce qu’elle est. Ce qu’elle a de mieux, c’est l’Hymne à la joie de Beethoven.

Depuis hier se tient à Bruxelles un sommet européen qualifié de "crucial" comme tous ceux qui l’ont précédé et comme tout ceux qui lui succéderont. Bruxelles est, paraît-il, la capitale de l’Europe. C’est ce qui nous est dit. Et c’est ce que nous sommes fermement invités à croire. Eh bien - et en tout cas ces jours ci - telle n’est pas la vérité. Aujourd’hui la vraie capitale de l’Europe c’est Kiev, où des centaines de milliers d’Ukrainiens se rassemblent pour crier "Europe, Europe !".

Non il ne manifestent pas juste pour avoir l’euro. Pas plus que pour avoir une TVA à tant et tant de pour cent. Pas plus que pour bénéficier de la PAC pour leur blé. Et encore moins pour connaître les règlements tatillons qui prétendent homologuer les taxes sur le diesel.

Ils manifestent contre le passé communiste qu’ils ont subi et dont ils craignent, même si c’est sous une autre forme, le retour. Ils manifestent contre la Russie de Poutine dont ils redoutent les ambitions impériales. Ils manifestent contre l'arriération dont ils veulent se libérer. Ils manifestent contre... C’est à dire pour quelque chose d’autre. En cela ils partagent la même passion, le même désir que tous les autres citoyens de l’ex bloc soviétique. Polonais, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Ukrainiens mais pas les Juifs qui ont disparu... Le rêve d’un retour de la monarchie des Habsbourg dont la fin laissa Stefan Zweig inconsolable à jamais ?

Bien sur que non. Car ils savent tous instinctivement que les rivages de l'Atlantique ne sont pas les frontières du continent européen. Ils comprennent que l’Europe ce n’est ni l’Afrique noire ni le monde arabe. Ils voient loin. Large. Le grand large. C’est à dire les Etats-Unis, modèle admiré, le Canada, tout le continent latino-américain. Des centaines et des centaines de millions d’Européens. Des frères, des cousins, des proches. Géographiquement et politiquement cela ne s’appelle pas l’Europe et encore moins l’Union européenne. Cela s’appelle l’Occident. Et c’est bien ainsi. Et c’est même mieux.

A lire du même auteur : Le gauchisme, maladie sénile du communisme, Benoît Rayski, (Atlantico éditions), 2013. Vous pouvez acheter ce livre sur Atlantico Editions.

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