Pas de Rafale pour le Brésil : les raisons (y compris inavouables) derrière les échecs en cascade de la France sur ses grands contrats<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le groupe français Dassault est passé à côté d’un contrat à 5 milliards d’euros.
Le groupe français Dassault est passé à côté d’un contrat à 5 milliards d’euros.
©Reuters

Caramba, encore raté !

Dans l’appel d’offre portant sur l’achat de 36 appareils, le Brésil a préféré l'avion de chasse suédois du groupe Saabet au Rafale du groupe français Dassault, qui passe à côté d’un contrat à 5 milliards d’euros.

Ali Laidi

Ali Laidi

photo

Ali Laidi est chercheur à l'IRIS, docteur en science politique (relations internationales) de l'université Paris 2 et diplômé de l'Ecole de journalisme de Paris. 

Il est notamment l'auteur de "Aux sources de la guerre économique" (Armand Collin) paru en décembre 2012. 

Voir la bio »

Atlantico : Ces dernières années, la signature de plusieurs contrats a été annoncée avant d’être annulés. Pourquoi la France a autant de mal à finaliser ses contrats ?

Ali Laidi : La France n'a pas de stratégie particulière, elle ne cible pas suffisamment les secteurs et les marchés clés. Il faut faire un travail en amont par le biais d'études de marchés, et de lobbying, plutôt que d'attendre que les appels d'offres se manifestent d'eux-même et qu'ils ne soient déjà trop tard par rapport à nos concurrents anglo-saxons qui auront déjà préparé le travail bien en amont.

Il semblerait que les choses changent un peu puisque le 28 août dernier, Laurent Fabius a dédié sa conférence des Ambassadeurs à la diplomatie économique : le business n'est pas seulement le problème des entreprises, mais aussi celui de l’État qui doit les aider. C'est important car aujourd'hui, les pays émergents peuvent eux-aussi nous concurrencer sur des marchés en pointe de la technologie.

Cela est-il seulement lié au coût du Rafale ?

Il faut faire attention à ne pas généraliser la question. Celle du Rafale n'est pas seulement relative à la qualité du produit puisque cet avion de chasse est réputé comme excellent au niveau international, sans doute l'un des meilleurs avion au monde, au dessus du F16 et légèrement en dessous du F22 qui sera probablement dépassé bientôt par le F35.

Il éprouve des difficultés à se vendre car son prix a été très élevé durant une période significative de même que la France a longtemps été réticente à procéder à des transferts de technologies. Enfin, il faisait face à une forte concurrence de la part de l'Eurofighter où les avions britanniques qui ont remporté de nombreux marchés face à leurs homologues français.

Les Américains quant à eux n'ont jamais hésité à casser l'industrie militaire européenne et tout faire pour éviter que la France parvienne à vendre son Rafale. Pour cela, ils ont fortement baissé les tarifs du F16 qui étaient déjà très vendus. Ils voulaient être les seuls présents sur ce segment de marché.

C’est une difficulté que l’on retrouve dans d’autres domaines que dans l’armement, notamment dans le nucléaire. Comment l’expliquez-vous ?

Il n'y a pas de véritable vision stratégique pour les exportations françaises. C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques des entrepreneurs français qui préfèrent "chasser" seuls. Or, lors des appels d'offres internationaux, les clients ont besoin d'une visibilité sur l'ensemble de la palettes des services qu'ils exigent, ce que savent parfaitement faire les Américains et les Britanniques. Les Allemands ont également l'habitude de chasser en "meute" en proposant en plus de produits un ensemble de PME qui pourraient répondre aux différents besoins. Les entreprises françaises ne jouent pas collectifs.

En quoi la difficulté actuelle à conclure des contrats avec les pays étrangers peut-elle être liée à la pratique française des rétro-commissions ?

Si la question est : "Est-ce que vous pensez aujourd'hui que les rétro-commissions et que la corruption ont disparu et que ce n'est plus un moyen de faire du business ?" La réponse est clairement non. Cette pratique n'a pas disparu et reste de manière totalement détournée un levier pour capter des marchés.

Cette méthode peut-être un avantage lorsqu'elle est pratiquée de manière discrète, mais peut aussi devenir un énorme frein lorsqu'elle est révélée. La question est de savoir en amont si vous êtes capables d'avoir un produit qui tient. Si le produit est pourri, il n'ira pas loin. Pour faire de la rétro-commission, il faut avoir un produit qui tient. Ce n'est pas parce que vous êtes corrompu et que vous cherchez les pots-de-vin que vous aurez des marchés. Dans un contexte de concurrence accrue, il n'est plus question pour les éventuelles clients de payer un surcoût lié à la corruption.L'Arabie Saoudite, par exemple, pour un produit de valeur égale, peut désormais se dispenser de la pression de la corruption. 

Propos recueillis par Alexandre Devecchio


Pour en savoir plus, vous pouvez acheter le livre d'Olivier Marteau "L'étrange défaite de la France dans la mondialisation" sur Atlantico Editions

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !