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"La retraite de nos enfants est garantie" : faux, même pour ceux de Marisol Touraine, alors pour les générations suivantes...
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Péril jeune

Marisol Touraine a déclaré mercredi dans "Le Parisien" que la retraite de "nos enfants" était assurée. Pourtant, la réforme version 2013 garantit surtout la sauvegarde du système pour les générations déjà à la retraite ou qui y arrivent aujourd'hui.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Mercredi, dans Le Parisien, Marisol Touraine a assuré que "la retraite de nos enfants est garantie". Grâce, selon elle, à la réforme des retraites initiée par le gouvernement Ayrault, "notre système est consolidé". Êtes-vous d'accord avec cette vision ?

Philippe Crevel :En aucun cas la réforme, version 2013 – qui n'est pas une réforme –, ne garantit le système des retraites et le montant des pensions des futures générations. Au mieux le gouvernement a-t-il respecté l'adage mitterrandien "il faut laisser du temps au temps". Là, on a surtout essayé de gagner du temps par rapport au calendrier électoral

Qu'en est-il concrètement pour "nos enfants" ? Leur retraite n'est donc pas garantie ?

Il y a deux aspects à prendre en compte dans la réforme de 2013. Il y a d'abord l'augmentation des charges sur les entreprises à partir du 1er janvier 2014, qui contribue à la diminution de la compétitivité des entreprises, ce qui va pénaliser l'emploi et notamment l'emploi des jeunes. Il y a aussi un deuxième élément qui impacter les générations à venir : l'allongement de la durée de cotisation à 43 ans n'interviendra qu'après 2020. On fait donc supporter cette réforme à des générations qui sont aujourd'hui à 20 ou 30 ans de l'âge de la retraite et on essaye plutôt de préserver le système actuel pour les générations qui sont déjà à la retraite ou qui y arrivent.

Surtout, on sait que les mesures prises sont insuffisantes et qu'il faudra y revenir d'ici 3 ou 4 ans, surtout si la croissance n'est pas de retour, surtout si le chômage ne diminue pas. Et qui peut croire aujourd'hui à un retour du plein emploi à moyen terme ?

Quelles mesures les prochains gouvernements devront obligatoirement prendre s'ils souhaitent préserver le système par répartition ?

Le système actuel, pour essayer d'équilibrer les comptes, nécessite un report de l'âge légal de départ à la retraite. Cet âge légal devra être repoussé de 62 à 65 ans. Le pari du gouvernement est de tenir jusqu'en 2014, 2015, voire 2017. La question se posera, au mieux, en 2017. S'il y a mauvaise fortune, ce sera en 2014 ou 2015.

En outre, l'OCDE comme la Commission européenne ont maintes fois indiqué que la France pouvait faire plus de place à la capitalisation pour financement des retraites, afin que tous les salariés puissent y avoir accès et en profiter. Cela a été fait en Allemagne avec Gerard Schröder, pour faciliter l'accès de tous les actifs au système par capitalisation.

Sommes-nous condamnés à cotiser de plus en plus longtemps – et donc à travailler de plus en plus vieux ?

L'allongement de la vie, combiné avec la bulle démographique des babys boomers, aboutit à 20 millions de retraités en 2030, 25 millions en 2040. Il faut trouver les moyens financiers pour assurer une retraite convenable à un nombre croissant de retraités. A défaut de croissance, à défaut d'un plein emploi, d'une économie très compétitive, nous sommes condamnés à gérer une relative pauvreté, et donc soit à diminuer le montant des  pensions - ce que l'on fait déjà de manière détournée -, soit à allonger le temps de cotisations. Soit les deux, ce qui est également fait.

Le montant des pensions augmente d'année en année, mais c'est par un effet des générations : ceux qui arrivent a la retraite ont eu de meilleures carrières que ceux qui décèdent, mais le taux de remplacement diminue d'année en année, du fait, entre autres, du mode de calcul (25 meilleures années prise en compte) et de la baisse du rendement des régimes complémentaires. Après l'âge d'or des retraites, on risque d'avoir un âge sombre. 

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