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Peut-on encore parler de Dieu à un athée aujourd'hui ?
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Bonnes feuilles

Dieu peut-il être un sujet de conversation ? Au moins deux espèces de personnes ne s'embarrassent pas de ces difficultés : le fondamentaliste et l'athée. Tous deux parlent de Dieu à tort et à travers. Si bien que deux autres types vont s'insurger contre une telle arrogance : l'agnostique et le chrétien enfoui. Extrait de "Comment parler de Dieu aujourd'hui ?" (2/2).

Fabrice Hadjadj

Fabrice Hadjadj

Fabrice Hadjadj, essayiste et dramaturge, dirige Philanthropos (Institu européen d’études anthropologiques à Fribourg, Suisse). Il collabore aussi au Figaro littéraire et à Art press, ainsi qu’à Panorama et à Prier.

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Dieu est donc déjà présent dans le plus antichrétien, peut-être pas de sa présence de grâce, du moins de sa présence de création, de sa présence d’immensité, si bien qu’au moment où je parle de Dieu à mon ennemi je dois être conscient que Dieu s’applique entièrement à créer cet ennemi avec amour. Position assez déstabilisante, je dois dire : il me faut lui parler de Dieu en étant d’abord interloqué par lui, rejeter son ignorance en accueillant sa présence, contester son inimitié en attestant sa bonté d’origine. C’est cet émerveillement devant sa bonté d’origine, surmontant notre antipathie première, qui seul peut me donner de dominer jusqu’au cœur de l’ennemi. J’extrais cette expression du psaume 109, lequel se chante toujours à l’office des dimanches et des solennités : Le Seigneur te présente le sceptre de ta force : Domine jusqu’au cœur de l’ennemi. Quelle est la vraie force ? Celle qui domine jusqu’au cœur. Or la violence peut mater le corps, elle ne saurait dominer le cœur. Une séduction raffinée extorquera une adhésion qui peut être passionnelle. Elle n’attirera pas les profondeurs de l’intelligence et de la volonté.

Le messager de Dieu n’a pas peur de témoigner devant celui qui a l’air le plus éloigné de la foi. Premièrement, parce que ce messager lui-même fut d’abord très éloigné de la foi (rien de mieux, pour suivre les pas de saint Paul, que d’avoir commencé par lapider quelques saints). Secondement, puisqu’il a fait lui-même l’expérience du retournement, il sait qu’il a dans son adversaire un allié de taille : son propre cœur, parce que le cœur du pire ennemi de Dieu, malgré tout, a été fait par Dieu et pour Dieu. Je dis bien : « par et pour Dieu », et non pas « par et pour moi ». Ce n’est pas parce que mon interlocuteur s’oppose à moi (témoin misérable, et traînant par ma médiocrité de nombreux contre-témoignages) qu’il s’oppose à Dieu. Proclamant la Nouvelle, je dois savoir que la personne en apparence la plus hostile peut être au fond plus proche de Dieu que moi, et ne claironner son hostilité que par une ignorance invincible, par un embrigadement qui l’a formatée depuis l’enfance. Voilà pourquoi l’envoyé n’est pas seulement sujet de la proclamation : il est d’abord en situation d’écoute, de réceptivité, prêt à discerner ce qui est déjà du Christ dans le non-chrétien ou le pseudo-chrétien, prompt à recevoir des leçons plutôt qu’à en donner, c’est-à-dire, selon le mot de Paul, disposé à éprouver toutes choses et à retenir ce qui est bien (1 Th 5, 21).

En dépit de sa grimace hargneuse, le cœur de l’ennemi reste l’ami de l’apôtre. Il faut être assuré de cette alliance secrète, de cette intelligence avec un espion déjà dans la place forte, et qui n’est autre que l’âme du frère adverse. Si notre parole ne jaillit pas de cet émerveillement devant le coeur naturellement fraternel de notre pire adversaire, nous ne parlons pas de Dieu, nous parlons d’un à côté, d’une idéologie intrusive.

Extrait de "Comment parler de Dieu aujourd'hui ?", Fabrice Hadjadj (Editions Salvator), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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