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François, personnalité de l'année de Time magazine : ce qu'a déjà changé le nouveau Pape, ce qu'il projette de faire
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Papamania

Le pape François a été désigné personnalité de l'année par le Time magazine. Ce choix n'a pas surpris, au regard de la popularité acquise par le successeur de Benoît XVI.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Le Pape François a été désigné personnalité de l'année 2013 par le Time magazine. Mais qu'a-t-il fait effectivement depuis son élection ? 

Nicolas Diat : L'année 2013 du pape François, c'est d’abord l'année d'une personne qui ne pensait pas devenir pape un jour ! Il est passé sans transition de Buenos Aires à Rome. Il a donc été obligé de prendre le temps de comprendre dans quel univers il s'installait. Le cardinal Bergoglio venant peu à Rome, le fonctionnement de la Curie lui était, dans une certaine mesure, étranger.

En quelque sorte, le fait qu'il soit élu personnalité de l'année par le Time était prévisible. Rarement, un homme aura donné le sentiment de changer si profondément l’image de l'institution qu'il représente. C'est évidemment très injuste vis-à-vis de son prédécesseur Benoît XVI.

Qu'a-t-il fait pour l'instant ? Il a choisi d’ouvrir un grand nombre de chantiers, car il considère que le temps lui est compté – François aura effectivement 77 ans en décembre prochain. Mais il reste difficile de dire si ces dossiers arriveront à bon port. Ce pape a relancé la transformation de la banque du Vatican, en s'appuyant sur ce qui avait déjà été initié par Benoît XVI ; il a nommé un groupe de cardinaux pour le conseiller sur la réforme de la Curie - il y a fort à parier que ce "G8", qui s'est déjà réuni deux fois continuera de le faire tous les deux mois; il a commencé à renouveler ses équipes, en douceur, à commencer par son secrétaire d'Etat. C'est un travail difficile car tous les acteurs curiaux ne voient pas forcément d’un bon œil les évolutions à venir...

L'image qu'en ont les médias est-elle juste ? En a-t-il trop fait ?

A travers un certain nombre d'interviews, en particulier avec la revue italienne La Civiltà cattolica, mode de communication peu utilisé par les pontifes jusqu'alors, François a donné l'image d'une Eglise plus ouverte, notamment sur les questions morales et familiales. Nous savons, entre autres, que l'une des priorités sera de se pencher sur la question de l’accès à la communion des divorcés-remariés. En fait, le pape François, depuis son élection, a mené le plan de communication que n'importe quelle agence de communication internationale aurait rêvé de lui vendre.

Le Time en prend acte, mais avait-il le choix, d'ailleurs ? Ce qui demeure intéressant, c'est la présentation qu'en fait le magazine. Car il existe toujours un décalage important entre les projections médiatiques et la réalité de ce pape. L'Eglise ne se retrouve que peu dans le "plaquage" politiquement correct : "Voilà un Pape qui a sorti l'Eglise de ses palais pour la remettre dans la rue", écrit le Time. Que François ait l'audace d'un discours courageux et incisif sur le rapport de notre monde à la pauvreté, qu’il ait appelé avec vigueur le clergé et les épiscopats à prendre garde à toutes les formes possibles de "mondanités spirituelles", c'est un fait, mais de là à dire qu'il a mis la papauté dans la rue, dans une forme de joyeuse kermesse indistincte, cela n'a pas vraiment de signification !

Pourtant, entre d'un côté un pape qui ne voulait pas maîtriser l'outil médiatique et qui a traversé les années de son règne en volant de difficulté en difficulté dans une grande injustice, car Benoît XVI était fondamentalement un doux, et de l'autre, François, qui, sans rentrer pour autant dans une logique marketing, prend incontestablement acte de la nécessité de maîtriser les logiques de communication, il y a presque un abîme. Quand le pape s'entretient avec le directeur de La Repubblica, quotidien traditionnellement anticlérical, ou qu'il publie une longue tribune dans ce même journal, il est difficile de ne pas voir un virage très important dans la "stratégie" de communication.

En fait, ce pape a le grand mérite d'avoir donné un autre visage à l'Eglise, tout particulièrement pour les non-croyants. Plutôt qu'une Eglise qui retrouve la rue, selon l’expression du Time, il faut comprendre combien beaucoup d’hommes qui ont perdu la foi ne regardent plus l’Eglise comme une citadelle austère dont il n’y aurait plus rien à attendre.

Alors, en fait-il trop ? Sous cape, certes, des prélats s’inquiètent. Ils redoutent que la logique médiatique ne conduise à une forme de religieusement correct. Ces hommes de Dieu n’ont pas tort, d’ailleurs. Le discours de l’Eglise ne doit pas se trouver indexé sur le cours de la bourse médiatique. Mais avec ce pape, il y a peu à parier le moindre discours aseptisé. Le miracle François réside plutôt dans l’étrange phénomène où les journaux acceptent de lui ce qu’ils refusaient à Jean-Paul II ou Benoît XVI. En outre, il y a les foules ; les Italiens ont une véritable passion pour ce pape. Un tel phénomène est difficilement imaginable en France, mais il faut comprendre qu'en Italie toutes les églises se remplissent à vue d'œil...

Peut-on parler de révolution par rapport au pontificat précédent, que ce soit en termes de gouvernance, de théologie ou de rapport à la foi ? 

François n'est absolument pas un révolutionnaire. Une fois encore, il ne faut pas confondre révolution et réforme institutionnelle... Ainsi, il a opéré un certain nombre d'inflexions majeures - et d’autres sont à venir - dans le mode de gouvernement du pape. La simple création d’un conseil de cardinaux du monde entier pour l’aider à réformer la curie est le meilleur exemple de son désir de voir évoluer la gestion du Saint-Siège.

Mais il suffit de regarder le parcours et les décisions de François du temps où il était cardinal pour se rendre compte qu’une grande partie de sa pensée s'inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs : il est proche de son peuple, ne veut pas s'enfermer dans un carcan, et en même temps il maintient les grands acquis des pontificats de Paul VI, sur la morale, de Jean-Paul II, sur la mission, et de Benoît XVI, sur l’intelligence de la foi.

Que lui reste-t-il à faire pour réussir son pontificat ?

Il doit absolument réussir la réforme de la Curie. C'est en partie sur ce programme que les cardinaux l'ont élu. Dans une certaine mesure, c’est même la première fois qu'un conclave a donné une forme de programme au successeur de Pierre ; à la suite des heures sombres de Vatileaks, l’urgence se faisait sentir de toute part. Le cardinal Maradiaga, qui possède une grande proximité avec le pape, a clairement expliqué que le chantier serait long mais qu’il était indépassable. François en a parfaitement conscience.

Comment va Benoit XVI ? Quels rapports les deux hommes entretiennent-ils ?

Benoît XVI se porte bien. Il s'est beaucoup reposé car il a quitté sa charge épuisé, au bord de l'anéantissement physique. Sa santé est meilleure, même s’il ne fait pas oublier qu’il a eu 86 ans en avril dernier. Dans son monastère, il a organisé sa vie autour de l'étude, de la lecture et de l'écriture. Il reçoit un certain nombre d'invités, parmi ses plus proches. Son fidèle secrétaire particulier, Monseigneur Georg Gänswein, continue d'être présent à ses côtés, et ses relations avec le successeur de Benoît XVI sont très sereines, quoi qu'en disent les différentes rumeurs et les vipères habituelles. Le pape émérite et le pape se parlent régulièrement, souvent à la demande de François.

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