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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’Afrique du Sud et qu’on ne vous a jamais dit
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Après Mandela...

La stature du champion de la lutte anti apartheid cachait la réalité sud-africaine. Et ce n’est pas toujours très beau à voir.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Il arrive que les flots tranquilles de la mer recouvrent les terres sur des surfaces immenses. Tout est alors bleu, d’un beau bleu qu’on ne se lasse pas d’admirer. Et puis quand les flots refluent les terres réapparaissent dans leur plus cruelle nudité. Un rêve d’abord. Un cauchemar ensuite.

Nelson Mandela fut cette mer pour l’Afrique du Sud. Un personnage emblématique, une icône pour certains, un saint pour beaucoup. De son petit corps frêle il avait réussi à recouvrir, tel un manteau protecteur, un gigantesque pays de plus de 50 millions d’habitants. La planète entière le regardait avec les yeux de Chimène pour le Cid. Et ce faisant elle demeurait aveugle aux réalités sud-africaines. Mandela est parti. L’Afrique du Sud est restée. Nue. Il y a des nudités qui ne sont pas belles à voir.

L’Afrique du Sud détient le record mondial des viols. Selon les statistiques de la police sud-africaine environ 50 000 femmes sont, là bas, violées chaque année. Les ONG estiment qu’il faut en réalité multiplier ce chiffre par 4 puisqu’il ne concerne que celles qui ont osé déposer plainte. Ces viols sont fréquemment collectifs et ont, presque toujours, pour théâtre les Township où vit la population noire la plus pauvre. En avez-vous entendu parler du vivant de Mandela ?

En Afrique du Sud près de 6 millions de personnes sont atteintes du sida (17,3 % de la population). Combien de morts du sida ? Les statistiques sont muettes sur cette question. Mais l’Unicef estime à plus de 2 millions le nombre d’enfants qui sont devenus orphelins parce que leurs parents étaient morts à cause du VIH. Mais qui aurait osé évoquer ces chiffres affreux tant que vivait Madiba, le père de la Nation sud-africaine ?

En Afrique du Sud 33 personnes sont assassinées chaque jour selon l’Institut des Études de Sécurité de Pretoria. Multipliez 33 par 365 et vous arrivez là aussi à un chiffre record et insupportable. Mais il est vrai que là-bas on meurt beaucoup plus de sida et que les femmes violées sont, de loin, bien plus nombreuses que les assassinés. Vous l’a-t-on dit du temps où Mandela vivait encore ?

De ces statistiques on ne déduira rien qui concerne l’apartheid dénoncé, à raison, comme un scandale raciste. Il se peut d’ailleurs qu’à l'époque de la domination blanche viols, sida et meurtres faisaient déjà beaucoup de ravages. Mais rien de cela n'était comptabilisé car la police raciste sud-africaine n’allait quand même pas s'intéresser à ce qui se passait « chez eux » , chez les Noirs, dans les Township. Vingt ans ont passé depuis la fin de l'apartheid. Et quoi de neuf ?

Mandela était grand. Assez grand pour à lui tout seul, ou presque, ébranler l’édifice du régime raciste sud-africain. Assez grand pour prôner la réconciliation et empêcher tout vengeance contre la population blanche. Celle ci, bien protégée, vit dans des quartiers éloignés des Township où se déroulent des abominations qui n'intéressent personne.

Nicolas Sarkozy fut agoni d’injures quand à Dakar il déclara que « l’homme africain n’était pas encore entré dans l’Histoire ». C’était une erreur. Au moins pour le cas de Mandela. Pour les autres ...  Impossible de ne pas citer, en conclusion, le très beau livre d’Alan Paton « Pleure, ô pays bien-aimé ». Écrit en 1948, il évoquait, avec talent et émotion, les drames de la ségrégation raciale. « Pleure, ô mon pays bien-aimé » ça vaut sans doute aussi pour 2013. La France a mis ses drapeaux en berne pour honorer Mandela. Elle devrait aussi les mettre en berne pour porter le deuil de l’Afrique du Sud.

PS : Parmi les hommages rendus à Mandela il y a celui, particulièrement mal venu et écœurant, de Lilian Thuram. L’ancien footballeur devenu le capitaine de l’équipe de l’ARFC (Anti Raciste Football Club) exige des hommes politiques français qu’ils s’inspirent de l'exemple de Mandela. Ce dernier prônait la réconciliation et le vivre ensemble après la plaie, toute fraiche et encore ouverte, de l’apartheid. Thuram demande vengeance et réclame expiation pour des histoires anciennes, très anciennes : l’esclavage et la colonisation. Monsieur Thuram qui, à votre avis, devrait vraiment s'inspirer de l’exemple de Mandela ?

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