Mauvais diagnostic des maux de l'économie française : l'incompétence et l'impuissance, c'est maintenant et pas qu'à l'Assemblée<!-- --> | Atlantico.fr
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Le diagnostic de Jean-Marc Ayrault sur la crise n'est pas le bon.
Le diagnostic de Jean-Marc Ayrault sur la crise n'est pas le bon.
©Reuters

Cas clinique

Depuis 18 mois, le gouvernement propose un axe de redressement pour notre pays par un objectif de résorption des déficits publics, financé pour la plus large part par la voie de hausses des prélèvements. Et pourtant, ce raisonnement ne tient pas une minute.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Au cours de la séance des questions d’actualités qui se tenait à l’Assemblé nationale le 4 décembre, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault s’en est vivement pris aux représentants de l’opposition. Interrogé sur le pacte pour la Bretagne, le Premier ministre perd doucement son calme et lance : « Arrêtez de nous faire la leçon, l’incompétence et l’impuissance, ça suffit! (...) Ce gouvernement prend les problèmes à bras le corps et en a assez de l’invective et de l’insulte ! ». L’antinomie de la déclaration peut déjà laisser dubitatif, mais le doute apparaît plus largement quant à la « compétence » et à la « puissance » que Jean-Marc Ayrault semble revendiquer. Car le Premier ministre ne parle pas que de la Bretagne.

L’incompétence du gouvernement serait manifeste s’il était établi que le diagnostic posé sur la crise se révélait erroné. Un mauvais diagnostic ne pourrait conduire qu’à un traitement inadapté, des remèdes inutiles, voire dangereux pour le patient. Malheureusement pour Jean-Marc Ayrault, il n’est même plus possible de douter de l’incroyable erreur économique réalisée dès la genèse de sa réflexion.

Depuis 18 mois, le gouvernement propose un axe de redressement pour notre pays par un objectif de résorption des déficits publics, financé pour la plus large part par la voie de hausses des prélèvements. En découle une analyse logique : selon ce gouvernement et le président François Hollande, la crise serait la conséquence de trop larges déficits et d’une trop faible et injuste fiscalité. Sans cela, rien ne saurait justifier de telles mesures.

Et pourtant, ce raisonnement ne tient pas une minute. Alors que la France est frappée par une crise à tendance déflationniste, c’est-à-dire ayant un large caractère monétaire, le gouvernement s’évertue à prôner les réformes fiscales, dans la justice si possible. Le traitement est simplement inadapté et voué à l’échec.

En effet, en observant un modèle des plus basiques, il est possible de se rendre compte de la fausse route prise par l’exécutif.

Le modèle ici exposé (AD/AS) permet de se représenter simplement le croisement de l’offre et de la demande au sein d’une économie. Plus l’économie est compétitive, plus la courbe de l’offre se déplacera vers la droite, permettant un meilleur rendement entre croissance et inflation. Mais cela est aujourd’hui inutile, car selon les dernières données, l’économie française affiche -0.1% de croissance pour le dernier trimestre et une inflation de -0.1% pour le mois d‘octobre, ce qui signifie que le graphique se présente ainsi dans notre réalité :

Dans de telles conditions, la manipulation de la courbe de l’offre (avec le CICE par exemple) ne permettra pas beaucoup de résultats, il est assez clair que le problème vient de la « demande ». Hors, la demande peut être traitée par deux voies principales, soit en la finançant par la dette, soit via la politique monétaire. Le recours à la dette est évidemment contre-indiqué, il ne reste que la seule option valable : la politique monétaire. Que cette voie ait été choisie par les Etats-Unis, par le Royaume-Uni, par le Japon et tant d’autres ne semble pas perturber le Premier ministre. C’est le monde entier qui est incompétent ; Jean-Marc Ayrault est seul avec son diagnostic, il sera seul avec ses résultats.

Reste l’impuissance. Car si Jean-Marc Ayrault suit cette politique insensée, ce n’est peut-être pas par conviction mais par devoir. Devoir face à une Commission européenne soucieuse que les états de la zone euro respectent les règles : 3% de déficits, et 60% d’endettement (cette dernière condition est importante à rappeler tant elle est grotesque dans une zone euro affichant une dette totale de 93.4% du PIB à ce jour).

Le simple fait de rappeler la règle des 3% de déficits et de 60% d’endettement pose une question majeure, quel est le sens de ces règles ? La réponse est presque inavouable. Lors de la conception du corset budgétaire, il a été imaginé que 3% de déficits représentaient 60% d’une croissance nominale (c’est-à-dire de la somme de la croissance et de l’inflation) de 5%. Et cette croissance nominale de 5% était alors la promesse faite par la Banque centrale européenne, qui permettait aux Etats de tenir leurs objectifs. Tout le monde est content. En revenant au modèle présenté plus haut, si la BCE respectait sa « promesse », cela ressemblerait à cela :

Mais la réalité est bien différente. La promesse monétaire est bafouée et les règles n’ont plus lieu d’être et c’est bien là l’impuissance du gouvernement qui se manifeste. Vouloir respecter des règles qui n’ont plus de sens tout en restant parfaitement silencieux sur la cause de désastre en est le cruel aveu.

Il est bien entendu que la tâche n’est pas aisée. Convaincre ses partenaires que la BCE est la cause n’est pas chose facile. Mais jusqu’à preuve du contraire, une telle solution n’a même pas été essayée.

Traiter la grande récession par les voies choisies par le gouvernement revient à agir sur les conséquences de la crise sans en traiter les causes. C’est-à-dire que Jean-Marc Ayrault et François Hollande croient fermement que la tombée de la pluie est provoquée par l’ouverture de leur parapluie. En réalité, c’est bien la pluie qui tombe en premier et qui provoque l’irrépressible envie d’ouvrir le parapluie. Cause et conséquence. Incompétence ? Impuissance ?

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