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Bijoutier, le retour : la réponse que doit apporter l'Etat pour éviter toute contagion à court et à long terme
©Reuters

Histoire sans fin

Jeudi, un bijoutier de la Marne a abattu un homme qui tentait de le braquer, relançant ainsi le débat sur la légitime défense en France.

Alain Bauer

Alain Bauer

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai. Il est responsable du pôle Sécurité Défense Renseignement Criminologie Cybermenaces et Crises (PSDR3C).
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Atlantico : Un bijoutier de Sézanne, dans la Marne, a tué un malfaiteur par arme à feu, jeudi 28 novembre, relançant du même coup le débat sur la légitime défense. Sur les réseaux sociaux, les soutiens au bijoutier se multiplient. Quelle peut être la réponse immédiate de l'État sur ce sujet entre la colère d'une profession de plus en plus visée par les braquages et la prohibition, dans un État de droit, de la justice personnelle ?

Alain Bauer : Nul ne sait, aujourd'hui, ce qu'il en est dans cette affaire précisément. Paradoxalement, d'ailleurs, le nombre d'agressions dans ce secteur est plutôt en baisse et le côté spectaculaire des braquages ne peut pas modifier cet état de fait. Les commerçants ont eux-mêmes un outil de décompte qui démontre la baisse de ces agressions.

La vraie question concerne plutôt la légitime défense dont la notion en France diffère de celle d'autres pays. Il est normal que le bijoutier de Sézanne reçoive des soutiens puisqu'il est simplement mis en examen. La justice n'est qu'un pourvoir délégué, le citoyen a transmis son droit de vengeance à la justice. Ces soutiens ne soutiennent aucunement le droit à se faire justice soi-même mais le droit à la légitime défense, qui est inscrit dans le droit français. Ensuite, ce sera aux magistrats de déterminer s'il a agi ou non dans cette affaire-là. Pour se faire faire justice soi-même, on se transforme en juge et bourreau. La légitime défense n'a rien à voir, comme elle n'a rien à voir avec l'auto-défense.

Il est d'autant plus normal que le bijoutier ait des soutiens car tout le monde a droit, dans une démocratie, d'avoir une opinion.

Quelle réponse peut ou doit apporter l'État à court terme sur ce type d'agressions ?

L'État a déjà apporté une réponse qui est la loi. Si l'État veut changer la loi, il le peut en modifiant le concept de légitime défense qui, aujourd'hui en France, ne fonctionne que pour les attaques aux personnes et non aux biens. Il n'a aucune réponse à apporter sur le court-terme, ce n'est pas son rôle.

Et à long terme ? Comment l'État peut-il agir pour lutter contre la recrudescence des braquages de commerces ? Surtout, comment réinstaurer la confiance des citoyens dans la capacité de l'État à les protéger ? Comment réinstaurer l'autorité de l'État ?

Déjà en réduisant la capacité d'attaque des commerces et en démantelant les bandes. Après, c'est l'art et la manière dont les personnes poursuivies sont condamnées – et comment on peut faire pour éviter qu'elles ne se retrouvent trop rapidement en état de nuire à nouveau – qui ont une influence. Il faut donc une réponse à ces braquages.

Il y a une cohérence générale à avoir : la réponse pénale doit exister et elle doit être claire, précise, immédiate et cohérente, ce qui n'est le cas aujourd'hui car on s'occupe plus des préoccupations des auteurs que des problématiques inhérentes aux victimes. On est passé du tout au rien. Si la prison n'est pas la réponse à tout, elle n'est pas non plus la réponse à rien. Cette réponse doit être adaptée.

Rendre le port d'arme encore plus contraignant qu'il ne l'est aujourd'hui est-il envisageable ?  Est-ce souhaitable ?

Le port d'armes est déjà extrêmement contraignant en France. On peut interdire totalement le port des armes mais je vous rappelle que la Révolution française a commencé comme ça, avec le droit de chasse (jusqu'en 1789, le droit de chasse faisait partie des privilèges féodaux, ndlr). Le contrôle des armes est nécessaire et le fait de lutter contre le trafic des armes est essentiel. D'ailleurs, de leur côté, les syndicats de commerçants ne recommandent pas à leurs adhérents de s'armer.

Propos recueillis par Sylvain Chazot

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