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Richesses et patrimoine : comment les retraités français ont pris le pouvoir
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Bonnes feuilles

L'auteur Hakim El Karoui démontre que la crise économique et financière que le monde connaît depuis 2008 est en réalité une crise démographique. Extrait de "La lutte des âges" (1/2).

 Hakim El-Karoui

Hakim El-Karoui

Normalien (Fontenay), agrégé de géographie, Hakim El-Karoui a été conseiller technique de Jean-Pierre Raffarin et chargé des « études et prospectives » auprès de Thierry Breton, alors ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. De père tunisien et de mère française, il est passionné par les questions d'intégration et préside le « Cercle du XXIe siècle » dont l'un des objectifs est de permettre une meilleure insertion des Français d'origine. Il est l'auteur de l'essai "Réinventer l'Occident".

 

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Les inactifs sont donc de plus en plus nombreux. Rien de très surprenant en fait, c’est une réalité connue et anticipée depuis de nombreuses années. Ce que l’on sait moins, c’est qu’au pouvoir du nombre, ils ont ajouté le pouvoir de l’argent.

Retraités et rentiers

Aujourd’hui, en France, le patrimoine est concentré chez les plus de 50 ans. Ils détiennent 68 % du patrimoine net alors qu’ils ne représentent que 37 % de la population. Selon l’INSEE, les plus de 65 ans possèdent la moitié de la capitalisation boursière et 75 % des retraités sont propriétaires de leur logement.

Aux États-Unis, les plus de 50 ans sont dans une position encore plus confortable puisqu’ils concentrent 74 % du patrimoine alors qu’ils ne représentent que 32 % de la population.

Surtout, et c’est le plus important, l’évolution du patrimoine a été très favorable ces dernières années aux plus de 60 ans. En France, selon les chiffres de l’INSEE, le patrimoine net d’un ménage dont le chef de famille a 30 ans est de 32 700 euros, soit onze fois moins que celui des Français âgés de 60 à 69 ans, en moyenne de 345 500 euros. Ce chiffre très important pourrait sembler logique de prime abord, les plus âgés ayant travaillé plus longtemps ont pu accumuler du patrimoine à l’inverse des jeunes qui démarrent à peine. Mais si on remonte dans le temps, on se rend compte que les inégalités générationnelles se sont accrues. Il y a vingt ans, en 1992, le patrimoine était seulement sept fois plus grand.

En vingt ans, on note un très net déplacement de la richesse vers les retraités. En 2010, la cohorte la plus riche est celle des 60-69 ans – pratiquement tous retraités – nés entre 1941 et 1950 qui possèdent un patrimoine 1,5 fois plus important que celui du reste de la population, alors que les actifs de 40-49 ans, nés entre 1961 et 1970, ont un patrimoine supérieur de 1,24 fois seulement au niveau médian de la population. En 1992, les mieux dotés étaient les 50-59 ans – presque tous actifs – qui avaient un niveau de vie médian 1,6 fois supérieur au patrimoine médian des ménages français.

Aujourd’hui, mieux vaut être rentier que travailleur acharné. Dans son ouvrage Le Destin des générations, le sociologue Louis Chauvel démontre que les changements sociaux massifs qui affectent la structure sociale (élévation du pourcentage de cadres supérieurs, croissance de la scolarité, des revenus, etc.) concernent moins la société dans son ensemble que certaines cohortes. En 1970, à l’âge de 25 ans, les titulaires du baccalauréat avaient 60 % de chance d’accéder à la catégorie de cadre ou profession intermédiaire. En 2005, le taux n’était plus que de 20 %. Trente ans après, la génération née en 1970 compte toujours 55 % de cadres et professions intermédiaires. La génération de 1970, elle, n’a pas progressé sur l’échelle sociale.

Ainsi, en s’intéressant à l’évolution du revenu disponible 2 des jeunes actifs et des baby-boomers encore actifs sur une période de vingt-six ans entre 1979 et 2005, il démontre que le revenu des 35-39 ans a diminué d’environ 12 % par rapport à la moyenne nationale, tous âges confondus, tandis que celui de la classe d’âge des 55- 59 ans a progressé de 11 % par rapport à la moyenne nationale. Il était 4 % en dessous de la moyenne nationale ; il se situe maintenant 7 % au-dessus. En conséquence, les jeunes actifs qui ont la trentaine ont perdu 23 points relativement à leurs aînés de vingt ans. Autant que les inégalités de revenu entre hommes et femmes ! En 2010, les ménages des personnes âgées de 65 à 74 ans disposaient d’un revenu disponible 1,04 fois supérieur à celui des 25-34 ans. Mais le plus surprenant, c’est que le revenu de cette tranche d’âge inactive progresse plus vite que celui des ménages des jeunes actifs. Situé à 32 560 euros en 2010, il a progressé de 25 % en quinze ans alors que celui des ménages de 25-34 ans n’a augmenté que de 12 % pour atteindre 31 250 euros, les revenus du capital progressant plus vite que les revenus du travail.

La conclusion de Louis Chauvel est limpide sur ce sujet : « Les générations nées dans les années 1940 apparaissent ainsi comme surfant sur une vague montante qui se brise derrière eux . »

Dans le même temps, la pauvreté a changé de camp. Alors qu’hier elle frappait d’abord les plus âgés, la pauvreté est devenue le problème de la jeunesse. Les courbes par âge de la pauvreté se sont renversées. Au début des années 1970, le taux de pauvreté des plus de 60 ans dépassait la barre des 30 %. Nées avant 1925, ces générations frappées de plein fouet par la guerre n’avaient guère pu épargner ni accumuler des droits sociaux. Quarante ans après, le taux de pauvreté des seniors a fortement diminué grâce notamment à la généralisation des systèmes de retraite. Désormais, c’est chez les jeunes que la proportion de pauvres est la plus élevée. En 2008, le taux de pauvreté des 18-29 ans a atteint 15 % contre environ 10 % pour les plus de 60 ans.

Extrait de "La lutte des âges : comment les retraités ont pris le pouvoir", Hakim El Karoui (Editions Flammarion), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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