Stress post-traumatique : ce que la science nous a depuis appris sur la réalité du cauchemar des poilus survivants<!-- --> | Atlantico.fr
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Les soldats qui ne sont pas morts au front en 14-18 sont restés marqués à vie par ce qu'ils y ont vu.
Les soldats qui ne sont pas morts au front en 14-18 sont restés marqués à vie par ce qu'ils y ont vu.
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Boucherie

En 1918, les soldats revenus du front plongent dans l'enfer du souvenir. Les psychanalystes étudieront ces victimes et amorceront des recherches sur le syndrome de stress post-traumatique.

François Lebigot

François Lebigot

François Lebigot est psychiatre des armées et professeur agrégé à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce.

Membre de l'association Otages du monde, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le traumatisme psychique (Fabert, 2011).

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Atlantico: Sur 8 millions de partis, 7 millions sont revenus chez eux. Les Gueules cassées, ont vécu après la barbarie du front, l’enfer du retour. Désignés comme « troubles dus au bombardement » ou « souffle boulet », ces hommes souffraient d’une blessure psychologique invisible. Aujourd’hui, qu’est que la science nous a révélé du vécu des poilus ? Peut-on aujourd’hui affirmer que les soldats de la Première Guerre mondiale vivaient un stress post-traumatique ?

François Lebigot : Effectivement, les soldats de la Première Guerre mondiale ont certainement vécu une chose semblable au stress post-traumatique. Si les bombardements ont été intenses, s’il se sont vus morts, ils ont certainement vécu une névrose traumatique. Ce que nous appelons « névrose traumatique » est un syndrome de répétition : ils revivent les événements subis soit la nuit dans leurs cauchemars, soit en état de veille.

Le soldat peut avoir le sentiment d’y être et être dangereux pour lui-même dans un état second, puisqu’il revit la scène exactement comme elle s’est produite. Puis il subit d’autres symptômes, non spécifiques : panique, angoisse, dépression (tous les degrés jusqu’au plus grave : le mélancolique avec un délire de persécution), des troubles des comportements (irritabilité, replis sur soi), de conduite suicidaires, agressives qui peuvent être meurtrières, alcooliques et toxicomaniaques et enfin des maladies psychosomatiques (hypertension, diabète, ulcère)  et des maladies de peau qui font partie de la névrose traumatique. L’une des caractéristiques du traumatisme psychologique est le sentiment d’avoir été souillé par la violence, le sang, l’horreur, qui se traduit par des maladies de peau.



La Première Guerre a-t-elle contribué à la recherche dans le domaine de la psychologie traumatique ? Comment a-t-elle évolué ensuite ?

La Première Guerre a contribué à une recherche essentiellement psychanalytique. Freud a proposé un modèle de la névrose traumatique en 1920, avec des articles comme Au-delà du principe du plaisir et Considération sur la mort, à partir des gens qu’il avait vus. Lui et ses élèves, travaillaient avec des militaires actifs et des anciens soldats. Ils ont travaillé sur l’intime, la complexité du mécanisme intime. Une méthode qui se situe dans l’un des grands principes du traitement des névroses : l’immédiateté (avec la proximité ou la simplicité). Ils demandent simplement au sujet ce qui lui est arrivé, en étant présent.

Ensuite, on s’attache à ce que la victime soit intégrée, au travail des infirmiers et des brancardiers par exemple, dans la collectivité militaire. Les personnes souffrant de névroses traumatiques se sentent exclues, différentes, incapables de communiquer avec leurs semblables. Cette recherche sur la psychopathologie se poursuit toujours. Elle est longue et repose sur des traitements qui ne sont pas psychanalytiques mais psychodynamiques. Par ailleurs, il y a deux autres grands types de recherches : les épidémiologiques, qui concernent la recherche sur certains types d’individus (l’impact sur les femmes par exemple). Et les recherches neurophysiologiques. Dans ce cas, nous étudions ce qui se passe dans le cerveau, quelles sont les zones impactées. En comprenant les mécanismes sollicités, les métabolismes cérébraux, sollicités dans la déviance traumatique, cela peut déboucher sur des traitements spécifiques. Si la Première Guerre mondiale a marqué un temps important dans la recherche sur ce sujet, la Seconde également notamment dans la question du traitement. Les Américains ont développé le débriefing en action collective.

En France, on l’a repris et modifié, on permet aux gens, à travers un traitement collectif d’être plus personnel. Il faut qu’ils comprennent qu’ils sont la solution au problème. Enfin, le Vietnam est un troisième temps important. Dix ans après le retour des GI, on a remarqué une hausse importante du nombre de suicides et une plus une grande proportion de ces personnes ne commettait des actes meurtriers. Ils ont créé des centres pour vétérans.

Tous les soldats sont-ils touchés par ce syndrome ?

Les Américains, pour le Vietnam ont montré que sur l’ensemble du contingent américain 5% des soldats étaient concernés par ces traumatismes, sur les contingents confrontés dans la jungle à des accrochages avec les Viet-Minh 15 %, et ceux confrontés à des combats de grande intensité 40%. En France, on ne fait pas d’épidémiologie et nous n’avons pas ce laboratoire qui était le Vietnam, mais les chiffres doivent être semblables.

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