Pourquoi les affaires des "anges blonds" réveillent malencontreusement les préjugés sur les Roms, voleurs d'enfants <!-- --> | Atlantico.fr
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"La famille représente l’une des valeurs cardinales des Roms."
"La famille représente l’une des valeurs cardinales des Roms."
©Reuters

L'exception ne fait pas la règle

Une fillette surnommée "l'Ange blond" a été retrouvée en Grèce la semaine dernière dans un camp de Roms. La justice a inculpé et placé en détention un couple de Roms pour "l'enlèvement" de cette enfant. L'affaire, très médiatisée, fait ressurgir de vieux fantasmes concernant la communauté rom. En Irlande, une fillette supposée être dans un cas similaire à celui de "l'Ange blond" a été rendue à sa famille Rom par les autorités après que des tests ADN prouvent qu'elle était bien leur fille.

Emanuela   Ignatoiu-Sora

Emanuela Ignatoiu-Sora

Emanuela  Ignatoiu-Sora travaille au European University Insitute à l'Université de Forence sur le thème : La construction d'un régime juridique pour la protection des Roms. Ses recherches se concentrent plus généralement sur les droits et la reconnaissance des minorités au sein de l'Union Européenne.

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Voici une affaire qui n’est guère simple. La découverte d’une fillette qui suscite des suspicions parce qu’elle est “blonde à la peau claire et aux yeux bleus” (je cite les médias) conduit les autorités grecques à initier une enquête qui a relevé jusqu’à maintenant que la fillette n’était pas la fille biologique du couple. D’autres questions ont surgi aussi : un enregistrement déficitaire des naissances, une possible fraude à travers les allocations familières, ou le trafic des personnes.

Avant de répondre aux questions qui se posent, je voudrais souligner que je suis contente qu’un enfant, qui paraît avoir été enlevé, soit en mesure maintenant de trouver ses parents biologiques. Je veux souligner que le trafic des personnes est abominable et qu’il doit être puni. Mais, ce qui me trouble vraiment ce sont ces rumeurs"généralisantes" et racistes, selon lesquels, les Roms seraient “des voleurs d’enfants”. Hélas, ce n’est pas une accusation nouvelle, et elle fait partie prenante des fantasmes européens. Mais, il ne faut pas généraliser, tout au contraire, il faut traiter les cas par leurs particularités.

Rappelons qu'un temps, on affirmait que les juifs tuaient des enfants chrétiens pour avoir du sang humain à Pâques pour justifier l’antisémitisme. Cette vieille affirmation s’est bien évidemment avérée pur fantasme. C’est dommage qu’au XXIème siècle, et après avoir affronté les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, il soit toujours nécessaire de souligner qu’il n’y a pas de groupe ou de peuple criminel en soi. Les actes criminels sont individuels.

Pourtant, l’on assiste de plus en plus souvent à la criminalisation de tous les Roms, ce qui est extrêmement dangereux. Et les médias, en effet, alimentent ce processus. Au lieu de présenter des exemples positifs, des Roms qui gagnent leur vie honnetement, et d’éviter les généralisations, les médias nourissent les stéréotypes, comme celui que je viens de mentionner : une fille blonde, aux yeux bleues ne cadre pas avec les clichés sur l’apparence physique des Roms. 

Les cas de maltraitance d’enfant au sein de la communauté rom sont-ils plus répandus que le reste de la société ? Selon les anthropologues qui ont conduit des recherches sur des communautés roms, il ressort que la famille représente l’une des valeurs cardinales des Roms. L’enfant aussi est considéré un élément vital. Ce qui paraît différent des standards européens. Attention, l’enfant n’est pas vu comme source d’exploitation, mais comme contributeur. Egalement, les parents s’appliquent à transmettre leur métier aux garçons, et de marier les filles à un âge plus réduit que la moyenne européenne. Mais cela n’est valable que pour certaines des communautés roms et non pas pour tous les Roms. La question de cette différence des valeurs ne doit pas être criminalisée. Il faut respecter la dignité des personnes, qu’ils soient des enfants, des personnes âgées, etc. mais les valeurs culturelles doivent trouver leur place également.

Pour finir, je voudrais revenir à la question de la criminalisation des Roms. Il ne faut pas oublier qu’avant toute ethnicité, il s’agit d'êtres humains, avec des rêves, des désirs, et surtout avec des droits et porteurs de dignité humaine. Toutes ces questions de la criminalisation, des stereotypes alimentés par les medias, renvoient finalement aux problèmes économiques et aux solutions auxquelles quelques-uns des Roms recourent afin de gagner leur vie. Les Roms, comme tous les autres, affrontent la crise économique. Les activités criminelles ne sont jamais une solution, bien sûr. Et alors, il faut créer des emplois, investir dans l’éducation des nouvelles generations. C’est précisément ce que se propose le Cadre de l’UE pour les strategies nationales d’intégration des Roms pour la période allant jusqu’à 2020, le document adopté par la Commission européenne en 2011.

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