Gravity : le problème des débris spatiaux est loin de n'être que du cinéma <!-- --> | Atlantico.fr
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Les débris spatiaux sont une pollution générée par l’exploration de l’espace.
Les débris spatiaux sont une pollution générée par l’exploration de l’espace.
©Reuters

Tri sélectif

Déjà annoncé comme un chef-d'oeuvre, le film d’Alfonso Cuaron, Gravity, sort ce mercredi dans les salles. Il retrace l’histoire de deux astronautes américains menacés par un nuage de débris spatiaux. L’occasion de revenir sur un sujet polémique.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico: Le film Gravity, d’Alfonso Cuaron sort ce mercredi dans les salles françaises. Cette histoire des deux astronautes américains menacés par un nuage de débris spatiaux est à la première place du box-office depuis trois semaines aux États-Unis. L’occasion justement de se pencher sur l’origine de cette pollution spatiale. Qu’appelle-t-on les « débris spatiaux » ? De quoi sont-ils composés ? Comment sont-ils crées ?

Olivier Sanguy : Les débris spatiaux sont une pollution générée par l’exploration de l’espace par l’envoi de satellites et de sondes. Il existe deux catégories de débris : ceux qu’éjecte une fusée en orbite, les fusées ont ainsi des morceaux d’étages qui se détachent, des boulons, des sangles. Ce sont ensuite les satellites eux-mêmes qui deviennent des débris, lorsqu’ils entrent en collision, mais c’est très rare, ou lorsqu’ils deviennent incontrôlables. Ce danger est pris en compte aujourd’hui.

Ces dernières années les grandes agences spatiales ont établies des politiques de propreté spatiale. Désormais, quand on lance un satellite, on le fait de façon propre, on évite l’éjection des boulons et des sangles, on fait redescendre les étages de fusée dans l’atmosphère pour qu’ils brûlent… Reste que l’on estime qu’il y a au moins 16 000 objets de plus de 10 cm sur orbite autour de la Terre et les 2/3 sont des débris. L’exemple de création de débris que l’on cite souvent, est celui de la mission chinoise antisatellite de 2007. Les Chinois ont fait un essai de destruction de satellites qui a généré des dizaines de milliers de débris. Les Chinois ne sont pas les seuls à avoir fait ce genre d’expérience bien entendu. Mais aujourd’hui, on essaie de ne plus trop le faire, une éthique de l’espace est en train de se construire.

Quels sont les risques liés à cette pollution spatiale en orbite pour les missions spatiales et pour la Terre ? Comment peut-on s’en prémunir ?

Il y a souvent une mauvaise compréhension de la dangerosité des débris. Les objets autour de la terre tournent tous dans le même sens, quand ils sont sur la même orbite ils tournent à la même vitesse, dans ce cas, et en théorie il n'y a pas de danger. Mais ce n'est pas si simple, des satellites et des débris ont des orbites irrégulières, le point haut et bas n’ont pas la même altitude et l’inclinaison de l’orbite par rapport à l’équateur terrestre n’est pas la même. S’il y a collision, il y aura un différentiel de vitesse. Le débris est dangereux par la vitesse relative qu’il a. La station internationale, par exemple, pèse 400 tonnes, elle a 300 à 400 km autour de la terre, elle tourne à 28 000 km/heure, si sur sa même orbite il y a un débris à la même vitesse, il n’y aura pas de conséquence, mais si le débris n’est pas sur le même plan d’orbite, si les deux orbites se recoupent, on a l’équivalent de la vitesse d’une balle de fusil qui atteint quelqu’un.

La station spatiale internationale a deux stratégies pour éviter les collisions. Jusqu’à 1 cm le vaisseau spatial peut résister aux débris même à très haute vitesse. Il possède un blindage qui protège l’équipage. Vers les 10 cm de possible collision, on surveille depuis des stations radars au sol et on fait de l’évitement, la station peut alors légèrement changer son orbite pour éviter ce débris. Qu’est qui se passe entre 1 et 10 cm ? Le débris est trop gros pour le blindage, ou s’il est en dessous de 10 cm les radars sont moins efficaces pour les identifier. Il y a une faiblesse dans la cuirasse, mais comme l’espace est vaste, la chance - ou malchance - que la station internationale soit touchée par de tels débris serait d’une fois tous les 200 à 300 ans.

Il y a une prise de conscience internationale autour des débris, le risque c’est d’avoir beaucoup de pertes de débris et donc de matériel. Une stratégie est donc mise en place pour se prémunir contre ces débris. On lance aujourd'hui des satellites proprement dans l’espace et nous mettons à la retraite quelques satellites. Puisque ces derniers sont remplis de réservoirs et de batteries, on procède à une politique de passivation du satellite. Le CNES le fait très bien. Ils sont vidés leur carburant puis sont amenés sur une orbite cimetière où ils ne gênent pas ou bien sur une orbite basse où ils se consumeront et seront détruits. La vrai dangerosité reste la possible collision entre deux satellites. Ce fut le cas entre l’Iridium 33, un satellite de téléphonie mobile, et le vieux satellite russe qui n’était plus contrôlable Kosmos 2251 en 2009. Cette collision a généré des milliers de débris.

Pour les gens sur terre, un satellite de taille imposante rentrant dans l’atmosphère de façon incontrôlée représenterait un danger. La plupart du temps on les contrôle mais malheureusement certains satellites tombent en panne, et ne sont pas contrôlables, mais il y a peu de risques pour que ce genre de satellite puisse, en tombant - s’il tombe - touche un endroit habité. En Europe, nous avons un problème. Nous avons perdu en 2012 le contrôle du satellite Envisat, un bijou de technologie. Il tourne désormais autour de la terre, sans contrôle, alors qu’il a toutes ses batteries et son carburant. Le mauvais scénario par excellence. Nous réfléchissons à le mettre en retraite. Les agents pensent mettre au point des petits satellites qui s’accrocheront à celui-ci pour le ramener, en contrôler sa descente, nous le ferions rentrer dans l’atmosphère pour le détruire. Pour l’instant les ramener dans l’atmosphère est la stratégie la plus pratique.

L’information quant aux dangers de ces débris est-elle relayée ? Le film Gravity sert-il justement à éclairer les individus à propos de cette pollution spatiale ?

Les gens ne s’y intéressent  pas forcement, pourtant les informations à ce sujet ne sont pas cachées. Les documents sont rendus publics via le site web des agences, certains sites sont dédiés aux débris orbitaux (celui du CNES par exemple). Il y a une véritable transparence sur ce sujet, mais le spatial est tellement inclus dans notre vie qu’on ne le voit plus. GPS, Météo, transmission internationale : le spatial est partout. Le film Gravity va certainement relancer l’intérêt pour l’espace et la conquête, bien sûr mais surtout il éclaire sur les dangers que les astronautes prennent lors de chaque mission, pour le bien de l’humanité. Statistiquement 2 expéditions sur 135 entraînent la perte totale d’un équipage. Si l’on progresse pour éviter cela, reste que ce chiffre est toujours impressionnant. Prendriez-vous l’avion si 2 vols sur 135 étaient voués au crash ?

Propos recueillis par Clémence Guinard

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