Unité de l'Europe ? La bataille que les Allemands célèbrent en grande pompe et que les Français oublient totalement <!-- --> | Atlantico.fr
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Reconstitution de la bataille de Leipzig.
Reconstitution de la bataille de Leipzig.
©Historiatravel.com

Bicentenaire

La bataille de Leipzig fut le plus grand affrontement des temps modernes jusqu'à la Première Guerre mondiale. Il s'y est joué l'avenir politique de l'Europe.

Dimitri  Casali

Dimitri Casali

Dimitri Casali est Historien, spécialiste du 1er Empire et ancien professeur d’Histoire en ZEP, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio et la télévision. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages notamment : La France Napoléonienne (Albin Michel 2021), le Grand Procès de l’Histoire de France, lauréat du prix des écrivains combattants 2020 (Robert Laffont 2019), du Nouveau Manuel d’Histoire préface de J-P Chevènement (La Martinière 2016), de l'Altermanuel d'Histoire de France (Perrin), lauréat du prix du Guesclin 2011 ; l'Histoire de France Interdite (Lattès 2012). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon l’Opéra rock » et de l’« l’Histoire de France l’Opéra rock », spectacles musicaux historiques et éducatifs.

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Célébrée Outre-Rhin le 18 octobre la bataille de Leipzig est passée à la postérité sous le nom de « la bataille des peuples », Die Völkerschlacht en allemand, ou bien « bataille des Nations » en France puisque plus de dix nations s’y affrontent, durant trois jours, du 16 au 19 octobre 1813.

C’est toute l’Europe qui est en arme contre Napoléon, rassemblant Russes, Prussiens, Autrichiens, Allemands et Suédois, 320 000 soldats coalisés affrontent 175 000 combattants français : le plus grand affrontement des temps modernes jusqu’à la Première Guerre mondiale... Pendant quatre jours, la Grande Armée de Napoléon tient tête à la coalition des monarchies européennes. La supériorité numérique des coalisés est écrasante et malgré une incroyable résistance française, l’Empereur ne peut empêcher la défaite provoquée par la trahison des troupes suédoises de Bernadotte et de la défection des divisons saxonnes en pleine bataille… Au soir du 19 octobre, on compte 100 000 hommes hors de combat. La défaite de Leipzig anéantit ses derniers espoirs.

Il s’agit là du moment crucial du reflux de la Révolution française et de ses idéaux après 20 ans de guerre contre la vieille Europe féodale. C’est le début de la fin du grand empire, la fin de la « Grande Nation » comme on appelait alors la France. Cette bataille est aussi « une sorte de jugement dernier où se venge le passé, où se mêlent les vivants et les morts, où apparaît ce qui était caché, la faiblesse du Grand Empire construit sur du prestige et des illusions. »  comme dit si bien le grand historien Jacques Bainville. Ce qui s’écroule aussi à Leipzig c’est  l’idée d’un « empire européen français ». Même si ce rêve survivra avec l’empire colonial, la vocation impériale de la France s’achève sur les rives de l’Elster. Désormais, elle n’en n’aura plus véritablement ni les moyens ni la capacité…

Enfin, cette défaite marque la fin de la carte allemande que Napoléon n’a pas su exploiter, qu’il a gâché, ivre d’ambition et de pouvoir. L’enjeu de cette gigantesque mêlée était pourtant l’équilibre européen. Cette bataille marque la défection des troupes allemandes alliées à Napoléon et leur ralliement à la Prusse, c’est-à-dire au principe d’une défense unitaire du sol allemand. C’est à Leipzig que naît le sentiment d’appartenance à une nation allemande. Guerre de libération de la nation allemande ou d’un patriotisme allemand créé par Napoléon et qui s’est retourné contre lui.

Mais quelle place conserve cette bataille titanesque dans les imaginaires collectifs français ? Si Napoléon est de plus en plus critiqué en France tout au long de son bicentenaire 1999-2015, et spécialement depuis 2001 avec la loi Taubira, l’influent hebdomadaire allemand « Der Spiegel » lui a consacré sa couverture.

Les Français, eux, oublient leur histoire et ne se souviennent même pas de l’invasion du territoire de 1814, conséquence de la défaite de Leipzig qui avait tant marqué les esprits de « trois générations » (Bainville)

Pourtant, c’est bien Napoléon qui jette les bases d’un système fédératif européen même si c’est une vision très centralisée de la construction communautaire, autour de la France et de Paris dont il faut faire la capitale de l’Occident. Mais, il entrevoit tout de même une Europe bâtie sur les acquis de 1789, sur la diffusion du Code Civil et délivrée du système féodal. Napoléon est pleinement conscient que l’Europe forme un espace particulier, avec son histoire, ses traditions et ses mœurs : « Une de mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu’ont dissous, morcelés les révolutions et la politique. Ainsi, l’on compte en Europe, bien qu’épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d’Espagnols, trente millions d’Allemands : j’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation… »

Napoléon l’a rêvé, il a failli la réussir mais il faut y croire plus que jamais. Un jour viendra où l’Europe déjà unie se donnera de véritables liens politiques. Dans le monde d’aujourd’hui, cette Europe forte parviendra à préserver le sentiment patriotique des différents peuples qui la composent. Napoléon reste bien le précurseur de l’Europe...

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