De l'absurdité de vouloir empêcher les gens de gagner de l'argent tout en prônant les vertus de l'ascenseur social <!-- --> | Atlantico.fr
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Il est absurde de proner les vertus de l'ascenseur social tout en taxant les revenus à 75%.
Il est absurde de proner les vertus de l'ascenseur social tout en taxant les revenus à 75%.
©Reuters

Les riches, entre fantasmes et réalité

La taxe à 75% de François Hollande cherche désespérément une façon de survivre à son incohérence et son inconstitutionnalité et c'est désormais sur les clubs de foot qu'elle a jeté son dévolu. Cinquième épisode de notre série "Les riches, entre fantasmes et réalité".

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : La taxe à 75% refait parler d'elle, cette fois-ci dans le milieu des clubs de foot, qui dénoncent un impôt confiscatoire et fortement dissuasif. Sachant qu'elle revient à taxer le processus d'enrichissement, comment cette mesure peut-elle être compatible avec l'objectif d'ascension sociale ?

Erwan Le Noan : Le projet de taxe à 75 % est un "serpent de mer" de la présidence de François Hollande. Il part de l’idée qu’il existerait un niveau de richesse, pas bien déterminé mais commençant autour d’un revenu d’un million d’euros, qui serait par nature indécent et qui ne saurait être justifié même par le travail ou le mérite. Il s’agit, en somme, d’un pur jugement de valeur, sans lien avec le moindre raisonnement économique…

Pour en savoir plus, retrouvez notre dossier spécial Les riches, entre fantasmes et réalité.

La France accepte mal l’ascension sociale, parce qu’elle vit dans l’obsession erronée qu’elle e a besoin d’une chasse aux inégalités alors qu’elle devrait rechercher plus de mobilité. Elle a besoin que les plus défavorisés croient à l’idée qu’ils peuvent devenir riches. Or, ils se disent (non sans raison puisque la société est sclérosée) que ce n’est pas possible. Du coup, comme le montre bien l’économiste Alesina, la France a recours à la taxe de façon compulsive.

On peut ne pas aimer le football – c’est mon cas, on peut même considérer que taper dans un ballon ne mérite pas d’être payé autant d’argent. Mais, outre que c’est un raisonnement un peu court comme le montre Frédéric Thiriez dans son dernier livre, on ne peut pas nier que les footballeurs (certains venant de milieux peu favorisés) sont rémunérés pour ce que des millions de personnes considèrent être un talent rare. Ce que le gouvernement se propose de faire, c’est de tuer d’un coup de poignard violent le marché du football, pour éviter au président de la République de déjuger une bravade de campagne absurde et inconstitutionnelle. J’avais déjà eu l’occasion de montrer, sur Atlantico, les effets négatifs de ce projet fiscal suicidaire.

Par quels moyens le gouvernement envisage-t-il que l'on puisse améliorer sa condition matérielle sans s'enrichir ? N'y a-t-il que la loterie qui ait grâce à ses yeux ?

Les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, considèrent que les inégalités sont inacceptables, qu’elles ne devraient pas exister et que leur mission est de les restreindre au maximum. Ils ne croient à l’enrichissement de tous que dans la mesure où celui-ci pourrait se faire de manière égalitaire. Sinon pourquoi prétendre toujours qu’il serait "juste" de taxer les riches ? Plutôt tous pauvres et similaires qu’inégaux.

Empêcher les prétendants à la richesse de devenir riches a-t-il jamais permis aux pauvres d'être moins pauvres ?

Économiquement, taxer les plus riches ne rend pas forcément les pauvres moins pauvres (les taxer moins peut au contraire relancer la croissance parfois et augmenter les revenus de l’Etat). En pratique, en dépit d’une fiscalité record (51 % du PIB est prélevé par les autorités publiques) et d’une dépense publique non maitrisée (56 % du PIB), les pauvres n’en profitent pas vraiment : la pauvreté croît ! A l’inverse, les plus riches sont parfois bénéficiaires de rentes.

Et pourtant, nos gouvernants estiment trop que la taxe est le meilleur instrument de redistribution qui soit, que l’Etat doit organiser la répartition des richesses. Dans leur esprit, l’Etat est le grand égalisateur. S’il ne peut faire monter tout le monde, il empêche ceux qui le tentent de monter trop haut, en faisant intervenir la "grande faucheuse" fiscale.

A contrario, l'accroissement des hauts revenus finit-il par bénéficier mécaniquement aux couches populaires ? Par quels mécanismes ?

L’accroissement des hauts revenus ne bénéficie pas forcément aux couches populaires – notamment s’ils bénéficient de rente comme c’est souvent le cas en France. Si la France avait un peu plus confiance en elle, elle laisserait faire le marché. Et on verrait les talents émerger, remettre en cause les capitalistes rentiers (et leurs acolytes administratifs). Il faut se rappeler que le but de la concurrence est de redistribuer la richesse des rentiers vers la multitude ! Que quelqu’un soit très riche peut être justifié, dès lors qu’il est soumis à la stimulation concurrentielle.

Regardez l’exemple de la téléphonie. Ce n’est pas le fisc qui a fait baissé le prix des abonnements… mais la concurrence ! Au passage, Xavier Niel s’est enrichi. Tant mieux pour lui. Demain, s’il n’innove pas, s’il ne satisfait plus les consommateurs, un autre entrepreneur prendra sa place. C’est la dynamique saine du marché. Alors que quand l’Etat s’en charge, il contraint et taxe les VTC et Amazon qui répondent aux demandes des clients, pour mieux protéger les rentiers (taxis et libraires) qui pratiquent des prix indécents ou reçoivent des pluies de subventions.

Le gouvernement a-t-il conscience que la France se situe dans un monde ouvert dans lequel ce genre de logique de taxation trouve de moins en moins de défenseurs ? Quels types de risque de telles mesures nous font-elles prendre dans un contexte globalisé ?

Le gouvernement en a d’autant moins conscience qu’il se nourrit des analyses de Thomas Piketty qui a fait de la taxation des plus riches son cheval de bataille. Or, il se trouve que les plus riches sont sensibles (comme tout le monde) à la fiscalité. La différence avec d’autres est que, quand vous et moi pouvons être tenté de ne pas déclarer quelques activités, eux ont les moyens de mettre les voiles à l’étranger. Il suffit de lire la presse pour constater qu’en France, les plus riches s’en vont à cause de la fiscalité. C’est aussi vrai en Grande Bretagne d’ailleurs.

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