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Lorànt Deutsch accusé d'être de "l'extrême droite la plus dure" : nous n'avons pas dû lire le même livre
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Éditorial

Avec son nouveau livre "Hexagone", Lorànt Deutsch semble avoir commis un grave délit selon trois historiens qui lui reprochent de tronquer la réalité à des fins partisanes et dénoncent dans une tribune publiée par le Huffington Post "une étrange corrélation entre le discours et le vocabulaire de Deutsch (…) et celui de l'extrême droite la plus dure".

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Après l’immense réussite de son  Métronome,  Lorànt Deutsch récidive avec un nouveau livre, Hexagone.  "Récidive", parce que le comédien et écrivain passionné d’Histoire conserve le procédé narratif qui a fait son succès : après nous avoir raconté Paris à travers les siècles par le truchement d’un voyage dans le métro de la capitale, Lorànt Deutsch propose cette fois d’emprunter les grandes routes et les voies navigables pour narrer l’Histoire de France. "Récidive" encore, parce que Lorànt Deutsch semble avoir commis une nouvelle fois un grave délit selon trois historiens qui lui reprochent de tronquer la réalité historique à des fins partisanes et dénoncent dans une tribune publiée par le Huffington Post "une étrange corrélation entre le discours et le vocabulaire de Deutsch (…) et celui de l'extrême droite la plus dure".

Je fais tout de suite une pause dans cet éditorial pour clarifier les choses et éviter d’être accusé ultérieurement de dissimulation, d’usurpation et autre manipulation. Comme Lorànt Deutsch, je ne suis pas historien. En quatrième, j’ai même séché plusieurs fois le cours de Madame Fabre. Tout de même, cela ne m’a pas empêché de lire avec grand intérêt l’exposé des reproches faits au comédien-écrivain, classés par ses détracteurs en trois grandes familles : manque de rigueur historique, adhésion de Lorànt Deutsch à la théorie du choc des civilisations lorsqu’il écrit à propos de la bataille de Poitiers que "pour nier ce choc des civilisations, certains historiens ont limité la portée de la bataille remportée par Charles Martel" et, enfin, utilisation d’un vocabulaire qui provoque "un sentiment de malaise" pour décrire cette même bataille de Poitiers, "référence des groupes identitaires et de l'extrême droite".

En ce qui concerne le manque de rigueur historique, il est vrai qu’il existe dans les bouquins de Lorànt Deutsch des inexactitudes ou des raccourcis. Ceci dit, il n’y a pas de contresens historique grave et Lorànt Deutsch ne revendique à aucun moment d’être plus qu’un conteur passionné ou de proposer autre chose que des histoires de Paris ou de France vulgarisées et attrayantes.

Le comédien adhère-t-il à la théorie du choc des civilisations ? Je n’en sais rien. Les quelques lignes consacrées à la bataille de Poitiers (il n’est pas inutile de rappeler que cette polémique porte sur quelques lignes dans un bouquin de plus de 450 pages) semblent montrer que oui. Dans plusieurs interviews, le comédien n’a jamais caché ses convictions royalistes. Rien d’étonnant alors que les analyses d’historien comme Jean Sévilla, auteur de la théorie de "d’historiquement correct" ou de Dimitri Casalli, contributeur régulier d’Atlantico, l’intéressent et le séduisent. Que redécouvrent donc soudainement ces trois historiens qui accusent Lorànt Deutsch ? Que l’histoire est une science humaine et donc pas exacte ? Qu’elle est notre mémoire commune et donc souvent passionnelle ? Les trois auteurs de la diatribe contre l’auteur d’Hexagone ont eux-mêmes une sensibilité politique marquée (manifestement pas la même que celle de Lorànt Deutsch). Cela n’entache pas automatiquement le sérieux de leurs travaux…

Reste l’utilisation d’un vocabulaire qui provoquerait "un sentiment de malaise" pour décrire l’arrivée des Sarrasins au 8e siècle dans ce qui deviendra plus tard le sud-ouest de la France. J’invite toutes et tous à relire les pages de Métronome dans lesquelles Lorànt Deutsch décrivait avec force détails peu ragoûtants la façon dont les premiers rois francs se sont massacrés entre eux, assassinant frères, neveux et nièces, bébés compris. Il y avait là largement de quoi démontrer que Lorànt Deutsch est profondément hostile à la royauté ou aux représentants des "peuples du Nord".

L’ultime argument contre ce nouveau livre qui mettrait en lumière une "référence de l’extrême droite" en évoquant la bataille de Poitiers ne tient pas plus. D’abord parce qu’il est évident que les historiens, quelles que soient leurs convictions politiques, ne peuvent admettre d’abandonner un sujet et un terrain de recherche au prétexte que des extrémistes auraient déjà tenté de se l’accaparer, au contraire ! Ensuite parce que la tribune des trois historiens se conclut sur une idée déjà largement traitée dans leur précédent ouvrage écrit à six mains, Les Historiens de garde, et selon laquelle le vrai danger vient de ce que Lorànt Deutsch, contrairement à eux, a un accès aux médias de masse (et peut donc influencer le grand public) et que les médias ne font pas correctement leur boulot en publiant davantage les historiens "sérieux" (comprenez les auteurs de ce raisonnement). Mais, ce ne serait pas un raisonnement et une revendication d’extrême droite, ça ?

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