Pourquoi l'acharnement du gouvernement dans l'affaire Tapie pourrait bien finir par nous coûter plus cher que ce que nous avons d'ores et déjà payé en indemnités<!-- --> | Atlantico.fr
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Bernard Tapie.
Bernard Tapie.
©Reuters

Mauvais calcul

Nouveau rebondissement dans l'affaire Tapie. L’État attaque l'homme d'affaires. Mais cette décision prise au nom de la morale pourrait se révéler coûteuse pour le contribuable.

Romain  Dupeyré

Romain Dupeyré

Romain Dupeyré est associé au cabinet BOPS, avocat aux barreaux de Paris et New York et co-auteur de l’ouvrage « Règles et pratiques du droit français de l’arbitrage » aux éditions Lextenso. Son compte Twitter : @romaindupeyre

 

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Atlantico : Par le biais du Consortium de Réalisation, l'État attaque l'homme d'affaires pour faute au civil et souhaite obtenir réparation après l'arbitrage qui lui a accordé plus de 400 millions d'euros. S'il obtient gain de cause, quel montant l'Etat peut-il espérer percevoir en net ?

Romain Dupeyré : Pour obtenir gain de cause devant le juge civil, l’État doit apporter la preuve que les personnes visées (Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne et M. Pierre Estoup) ont commis une faute qui a conduit à obtenir, dans le cadre de l’arbitrage, une décision qui n’aurait pas été adoptée dans le cas contraire. Si l’Etat, via le CDR, peut apporter cette preuve, il pourra obtenir le remboursement de l’intégralité de son préjudice. Il ressort de récents articles que l’Etat réclame un montant de 400 millions d’euros, qu’il considère être le montant indument payé dans le cadre de l’arbitrage.

Le calcul est sans doute plus compliqué que cela puisque Bernard Tapie a, en réalité, personnellement touché 180 m€ et que l’Etat a récupéré une partie des 400 m€ sous forme d’impôt. Il faudra également que l’Etat apporte la preuve qu’en l’absence de la faute alléguée, Bernard Tapie n’aurait rien obtenu ou obtenu une somme inférieure du tribunal arbitral, ce qui suppose de démontrer que le Crédit Lyonnais ne s’est pas rendu coupable du portage dénoncé. Le montant exact du préjudice reste donc « à parfaire ». La procédure civile sera sans doute très longue car elle dépend de l’aboutissement de la procédure pénale.

Si on compte le montant des frais de justice, l’État peut-il vraiment être bénéficiaire dans cette opération ?

En France, les frais de justice ne sont pas considérables au point de remettre en cause l’intérêt financier d’une telle action. Dans les affaires les plus importantes et les plus délicates, les frais de justice (frais d’avocat, dépens…) représentent au maximum quelques millions d’euros, qu’il faut mettre en balance avec le montant de la somme réclamée, qui est très importante (400m€).

Cette décision prise au nom de la justice risque-t-elle finalement d'être coûteuse pour le contribuable ?

Le fait d’ouvrir un nouveau front judiciaire a nécessairement un coût, qui reste toutefois modéré au regard des enjeux. Une autre question se pose toutefois : la multiplication de ces procédures n’expose-t-elle pas l’Etat à un risque pour l’avenir ? Bernard Tapie ne demandera-t-il pas à nouveau des dommages et intérêts pour préjudice moral si toutes ces procédures très médiatiques échouent ?


L'arbitrage n'était-il pas finalement la solution la plus adaptée dans ce dossier ?

L’arbitrage présentait de nombreux avantages dans le cadre de cette affaire. Il permettait de centraliser devant trois personnalités choisies par les parties des procédures qui étaient pendantes devant de nombreuses juridictions depuis des années. Ces trois arbitres pouvaient accorder le temps nécessaire pour analyser ce volumineux dossier et rendre une décision définitive dans un délai raisonnable. Il existait donc des raisons objectives pour que le CDR ait recours à l’arbitrage dans cette affaire (comme il l’a fait dans 7 autres affaires depuis sa création).

Au-delà du principe même du recours à l’arbitrage, qui se justifie à de nombreux égards, il convient de s’interroger sur les modalités selon lesquelles la procédure d’arbitrage s’est déroulée. Reste donc à faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles cet arbitrage a été conduit et s’assurer que l’intégrité du processus n’a pas été affectée par une entente entre l’une des parties et l’un des arbitres, ce qui est formellement prohibé. L’ensemble des protagonistes est cependant présumé innocent à ce stade.

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