Pourquoi il vaut mieux rire des pauvres que des riches<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pourquoi il vaut mieux rire des pauvres que des riches
©

Bonnes feuilles

Peut-on rire... du physique des gens, du malheur des autres, des pauvres, des riches, des vieux, des jeunes, des arabes, des juifs, des politiques, des autres, de soi-même, du pape... ? Extrait de "Peut-on rire de tout ?" (2/2).

Philippe  Geluck

Philippe Geluck

Philippe Geluck est l’héritier de l’humour noir et iconoclaste de ses maîtres (Siné, Cavanna, Choron, Gébé, Chaval…). Il a créé Le Chat en 1983, mais aussi Lollipop, Docteur G, Le Jeu des Dictionnaires et La Minute du Chat. Ses derniers livres, Geluck enfonce le clou (2011) et Le Chat erectus (2012) ont été des best-sellers.

Voir la bio »

«Avouons-le sans mollir, les sans-abri feraient bien de balayer devant leur porte avant de nous jeter la pierre, à nous autres, couches aisées de la population.»

Oui, il faut rire des pauvres comme de tout autre moins chanceux que soi. D’abord parce que s’ils étaient à notre place, ils feraient pareil. Les pauvres ne sont pas des anges. Le pauvre est souvent envieux et geignard (comme je l’explique si bien dans un texte limpide intitulé « Faut-il sauver le monde ? », in Geluck enfonce le clou, éditions Casterman, 2011). La motivation du pauvre est de devenir riche et si ce n’est l’appât du gain qui le guide, c'est en tout cas l’envie de pouvoir rire de plus pauvre que lui.

Sans a priori et sans vouloir dire du mal de lui, avouons que le pauvre est souvent ridicule.

Le pauvre ne s’attife jamais à son avantage : chaussures bon marché et pulls même pas en cachemire (je pouffe). Le pauvre boit tellement qu’il est régulièrement obligé, tant il est ivre, de dormir sur du carton en pleine rue car il ne retrouve pas les clés de sa demeure.

Mais, me diront certains communistes aux cheveux longs, ce que vous dites est antisocial et carrément inhumain. Pourquoi les riches auraient-ils seuls le droit de péter dans la soie et de se moquer des défavorisés en buvant du champagne sans que les autres finissent par venir leur foutre leur poing dans la gueule et la main dans le coffre ?

Eh bien, si les pauvres trouvent cela tellement inadmissible qu’on rie d’eux, qu’ils se fassent payer pour le service, ça les rendra un peu moins pauvres. Je suis certain que les nantis n’hésiteront pas à verser une obole aux impécunieux pour les avoir divertis. Driiiing… Driiing…

– Excusez-moi un instant. Allô ?

– […]

– Oui, c’est moi.

– […]

– Quoi, c’est déjà le cas ? Les riches donnent de l’argent ?

– […] – Sous forme d’impôts ? Ah oui, mais pas de leur plein gré, quand même. OK , je comprends mieux ce que vous voulez dire. Merci d’avoir appelé.

On me signale que, dans nos sociétés, les personnes les plus fortunées versent de l’argent à l’état sous forme d'impôt pour pouvoir continuer à se moquer des pauvres en toute tranquillité (contrairement aux Basques qui, eux, versent de l’argent à l’ET A parce que s’ils ne le font pas, on viendra incendier leur maison).

Le système a l’air d’être bien rôdé, mais en réalité il y a plusieurs couilles dans le potage, ce qui le rend un peu dur à avaler. Contrairement au show business où plus on rit plus on paie et où la cote des amuseurs ne cesse de grimper selon le taux d’hilarité du public, ici, plus il y a des pauvres, moins les riches qui rient sont prêts à les subsidier.

Alors, on ponctionne l’épargne des moyennement riches pour pouvoir continuer à rire. Et ça fonctionne : les classes moyennes s'appauvrissent et ça augmente le nombre de fauchés et du coup, les riches, de plus en plus riches, se roulent par terre en essuyant leurs larmes dans des mouchoirs précieux.

Cependant, même s'ils croulent sous le pognon, les nantis répugnent à débourser plus que leur quote-part, alors, ils placent leurs avoirs à l’étranger pour aller rigoler dans des paradis fiscaux. Et là-bas, ça les éclate pareil.

Comme quoi le riche arrive toujours à voir le bon côté des choses. Et c’est ça qui rend le riche si sympathique : il a toujours envie de rire. Et quand il voit ça, le pauvre, il fait une tête jusque par terre. Ah, il a de ces mimiques, le pauvre, il est impayable !

Et pour conclure sur ce chapitre, disons-nous simplement que se moquer des pauvres nous offrira de bien plus nombreuses occasions de nous marrer que de railler les riches (qui sont sensiblement moins nombreux sur cette terre que leurs homologues démunis).

Extrait de "Peut-on rire de tout ?", Philippe Geluck (JC Lattès éditions), 2013. Pour acheter ce livre,cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !