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Mille-feuille administratif : comment la France fait fuir les investisseurs étrangers et étouffe les entrepreneurs
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Bonnes feuilles

Quand la gauche et l'entreprise pourront-elles enfin s'entendre ? Insatisfait des mesures mises en place, Olivier Mathiot invite le gouvernement à réviser le manuel de la petite entreprise. Extrait de "La gauche a mal à son entreprise" (2/2).

Olivier Mathiot

Olivier Mathiot

Olivier Mathiot est cofondateur de PriceMinister, désormais filiale française du groupe japonais Rakuten, et un des porteparole du mouvement des « Pigeons ». Il est également un business angel, accompagnant une quinzaine de start-up innovantes, et corédacteur du « Manifeste des entrepreneurs pour un appel à concertation immédiate » qui a recueilli plus de 3 000 signatures adressées à François Hollande.

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Ni de droite ni de gauche mais bien française, l’inflation législative est une réalité kafkaïenne. On a l’impression d’enfoncer une porte ouverte en rappelant cela.

Le mélange contre nature d’un Etat trop centralisé, au pouvoir parisien omniprésent, et d’une volonté assumée d’égalitarisme absolu produit une recette indigeste. La volonté de tout contrôler, de tout normer, d’écrire des lois est devenue un sport national. Ajoutez à cela la volonté de lutter contre les inégalités suspectes dans le moindre détail et vous obtenez une mixture administrative vomitive et effrayante.

Giscard d’Estaing, puis Mitterrand, Chirac, Sarkozy, et récemment Hollande ont TOUS promis à la télévision, les yeux dans les yeux des Français, le Grand Soir, le big-bang, le « choc de la simplification ».

Quelques chiffres suffisent à montrer que nous sommes des malades paranoïaques administratifs qui faisons peur à tout investisseur étranger. Diriger une société en phase de croissance est un casse-tête en France, car, pour chaque décision, l’entrepreneur n’est jamais certain d’être du bon côté de la norme, de ne pas être hors la loi, même involontairement. Ainsi, une fois atteint le seuil de 50 salariés, l’entrepreneur commence à plonger la main dans un sac de nœuds administratif, dont chacun ressemble à un nœud coulant... Tout acte de gouvernance est freiné, empêché et fait peser des coûts supplémentaires en plus des migraines et du stress. Rappelons que la taille moyenne de l’entreprise française est de 14 employés seulement, à comparer aux 41 en Allemagne, LE pays exemplaire en matière de croissance des PME.

Les deux codes que je dénonce avec la plus grande virulence sont celui du travail et celui des impôts. Le code du travail compte 3 200 pages ! Comment voulez-vous qu’un investisseur étranger ou une PME française s’y attelle ?! Paul Graham, notre bloggeur anglo-saxon, l’énonce franchement : « S’il existe des lois et des règlements sur le commerce, on peut être sûr que la start-up en gestation en contreviendra la plupart parce qu’elle ignore ces lois et n’a pas le temps de se renseigner. »

L’instabilité de notre mille-feuille législatif est largement aussi anxiogène que son épaisseur ou sa complexité : Jacques Attali27 relève que 37 % du code général des impôts et 40 % du code du travail ont été modifiés en seulement deux ans ! Nombre d’investisseurs renoncent par peur des changements fiscaux imprévisibles. Et nous avons déjà relevé que, sur la scène internationale, l’instabilité de nos règles est justement une faiblesse perçue de la « marque France ».

Cette ultrasophistication se retrouve dans le mille-feuille de l’Administration elle-même. Début 2013, à la suite des Pigeons, un manifeste des Autruches a vu le jour, au nom des entrepreneurs, adressant une pétition directement au Président : « Nous sommes des autruches parce que nous ne comprenons rien des administrations qui régissent nos vies. [...] Nous sommes des autruches parce que nous remplissons leurs formulaires en certifiant sur l’honneur l’exactitude d’informations que nous ne comprenons pas et leur adressons des chèques sans savoir d’où en vient le montant ni à qui il va.

« Nous sommes des autruches parce que nous ne comprenons rien des administrations qui régissent nos vies. [...] Nous sommes des autruches parce que nous remplissons leurs formulaires en certifiant sur l’honneur l’exactitude d’informations que nous ne comprenons pas et leur adressons des chèques sans savoir d’où en vient le montant ni à qui il va.

« Nous sommes des autruches, aussi, parce que quand l’Urssaf nous envoie systématiquement une mise en demeure recommandée comme première notification d’échéance, nous ne sommes jamais totalement sûrs que l’erreur ne vienne pas, peut-être, de nous. Parce que parfois nous avons renoncé à exiger le remboursement de pénalités de retard pour des règlements qui n’avaient jamais été réclamés auparavant.

« Nous sommes des autruches parce que c’est le seul moyen d’avancer, de vivre, de travailler... »

Jacques Attali attaquait franchement la France comme restant « très largement une société de connivences et de privilèges » : les privilégiés sont ceux qui maîtrisent les rouages, ceux qui fonctionnent en réseaux, ceux qui jouent le corporatisme. Ainsi, l’entrepreneur déconnecté de cette réalité administrative ne pourra pas bénéficier de passe-droit, et pourra mourir étouffé, la tête dans le sable, comme une autruche...

Extrait de "La gauche a mal à son entreprise", Olivier Mathiot, (Plon éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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