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Changement des rythmes scolaires, premier bilan : ceux qui se plaignent ont-ils raison ?
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Contre la montre

Trois semaines après la rentrée, les nouveaux rythmes scolaires montrent déjà leurs défaillances. Une réforme menée à toute vitesse dont tous les acteurs paient aujourd'hui les pots cassés.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Atlantico : Trois semaines après la rentrée, les critiques fusent autour des nouveaux rythmes scolaires. 68 % des parents membres de la Peep, la deuxième fédération de parents d’élèves, pensent que cette réforme ne permettra pas aux élèves de mieux réussir à l’école. Ses effets sur la réussite scolaire sont-ils nuls, comme le suggère cette étude ? Pourquoi ?

Jean-Rémi Girard : Tout d'abord, il est un peu tôt pour faire le bilan d'une réforme qui n'a que trois semaines d'existence. Cela dit, de nombreux problèmes qui se font jour actuellement avaient été anticipés, notamment par les professeurs des écoles qu'on a accusé un peu vite de corporatisme alors que leurs réticences étaient tout à fait fondées. Enfin, ce qui a un effet réel sur la réussite scolaire, ce sont les heures de cours à l'école. C'est là-dessus qu'il faudrait se focaliser, sur les programmes, sur les horaires disciplinaires, notamment dans les matières fondamentales. Les activités péri-éducatives, c'est bien joli, mais même dans les cas où c'est bien appliqué, cela n'aura qu'un effet très limité.

Jérôme Lambert, du syndicat SNUipp-FSU Paris, estime qu’à partir de 15 heures les effectifs manquent pour encadrer les enfants lors des activités périscolaires. Qu’en est-il dans la réalité ? Les personnes sont-elles suffisamment nombreuses et qualifiées ?

Le SNUipp-FSU était au départ favorable à cette semaine de 4 jours et demi (ce qui a d'ailleurs poussé le gouvernement à se lancer dans l'aventure), mais ses professeurs se sont vite rendu compte qu'entre l'idée et la réalisation sur le terrain, il y avait de sacrées différences (ce qui a entraîné un magnifique retournement de veste de la part de la direction de ce syndicat). Jérôme Lambert a ici raison : les personnes ne sont pas assez nombreuses (malgré l'augmentation du taux d'encadrement prévu par la loi), et beaucoup ne sont absolument pas qualifiées pour s'occuper de jeunes enfants. Il nous est remonté, au SNALC, de nombreux témoignages signalant des dysfonctionnements parfois graves : animateurs dépassés par les événements, plannings très compliqués à gérer car chaque enfant finit par avoir son propre emploi du temps, enfants qui se croient punis car ils ne font pas l'activité proposée, salles de classes laissées dans un état lamentable. Sans compter les problèmes de sécurité : qui laisse-t-on rentrer dans l'école ? Qui supervise ? Pourquoi a-t-on de cas d'enfants qui se retrouvent dehors alors qu'ils devaient rester ? Une fois encore, d'une ville à l'autre, d'une école à l'autre, la situation peut varier du tout au tout.

Selon les régions, les activités proposées aux enfants ne sont pas aussi variées que dans les grandes villes, et certains parents se voient obligés de payer lorsque la commune n’a pas assez de fonds à allouer. Un certain nombre d’enfants risquent-ils de s’ennuyer dans l’après-midi ? Sait-on dans quelles proportions ?

Il est très difficile de donner des chiffres précis dès maintenant. Ce que l'on sait, c'est que certaines activités relèvent en réalité de la simple garderie (cour de récréation, préau, quand ce n'est pas une activité jeux de société... sans jeux de société !), et ne présentent aucun caractère éducatif,quand elle ne sont pas néfastes : par exemple, une activité « écriture à partir de 3 ans » ne risque-t-elle pas de rentrer en conflit avec ce que fait l'enseignant et de perdre encore davantage les élèves ?

Sur la question du financement, on savait très bien que les communes étaient dans des situations inégales. Un fonds a été mis à disposition, qui ne couvre pas tout et qui surtout n'a pas vocation à être pérenne. On a de quoi être inquiet pour la rentrée prochaine, où 100% des établissements devront passer aux nouveaux rythmes.

Certains parents invoquent la fatigue des élèves et leur difficulté à suivre le rythme cinq jours d’affilée. Sont-ils effectivement plus fatigués que l’année dernière ? La durée d’enseignement de 5h30 maximum par jour ne devrait-elle pas être de nature à alléger leurs journées ?

Le problème, c'est que pour le moment, la désorganisation fait que les enfants sont plus fatigués qu'avant. Ce n'est pas tant que ce soit sur cinq jours plutôt que sur quatre que le fait que les horaires soient différents d'un jour à l'autre (ce qui déstructure la perception du temps chez l'enfant) et que les activités soient souvent épuisantes car les enfants sont stressés et car les animateurs ne gèrent pas toujours et ne savent pas toujours quoi faire. On a voulu de toute force se lancer dès cette année... A l'arrivée, tout le monde paie les pots cassés : les enfants qui sont trop souvent dans de mauvaises conditions, les parents qui sont déçus des activités et de leur encadrement, les animateurs qui débarquent comme des chiens dans un jeu de quilles, et les professeurs qui ne comprennent plus ce qui se passent dans leur école, et qui sont parfois chassés de leur classe, voir de leur salle des maîtres.

Les défaillances de cette réforme sont-elles dues à la précipitation qui a présidé à son élaboration ? Certaines choses sont-elles à garder ?

La précipitation est effectivement l'une des causes des errements actuels. Néanmoins, la réforme elle-même pose des problèmes de fond quant à l'articulation du temps scolaire et du temps périscolaire. L'École doit demeurer le lieu de la transmission des savoirs et de leur construction, et non se transformer en centre d'activités. Qu'elle soit située sur un territoire, sur une municipalité ne justifie pas qu'on y laisse entrer n'importe qui pour y faire parfois n'importe quoi n'importe comment. Le principe d'un temps éducatif au delà du temps scolaire n'est pas en soi une mauvaise idée, mais il faudrait le confier aux personnels de l'Éducation nationale, dont la mission première est d'être devant les élèves et non de participer à d'interminables réunions comme c'est le cas aujourd'hui. Cela demande davantage de moyens et un véritable travail de formation, mais là, oui, ça pourrait être vraiment utile.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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