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Massacres en Syrie : mais à quoi servent donc les armées arabes ?
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Indignation stérile

La position de la Ligue arabe en Syrie n'est pas : "Silence, on tue !", mais "Crions, on tue !". Et ça s’arrête là.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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En Syrie, l’horreur est permanente depuis des mois. Maintenant, elle est chimique, ce qui heurte les consciences les plus cyniques. De toutes parts on entend donc monter cette douloureuse interrogation : « Mais que fait la communauté internationale ? »

Le terme de « communauté internationale » est une de ces expressions vides de sens dont l’unique utilité est de servir aux discours des chefs d’État et aux « Unes » gémissantes des journaux. Car c’est quoi, la « communauté internationale » ? Le Malawi et le Liechtenstein ? La Moldavie et le Zimbabwe ? Le Niger et les Maldives ? Le Botswana et le Laos ? La Mongolie et le Monténégro ? Tous membres (et égaux en droits) des Nations unies. Évidemment non. Le ronflant vocable de « communauté internationale » désigne en réalité, une fois enlevé son déguisement langagier, les puissances occidentales, États-Unis en tête. C’est à elles, et à elles seules, que l’on demande d’agir militairement pour faire cesser le massacre en Syrie. Peut-être le nouveau « fardeau de l’homme blanc », pour reprendre l’expression de Kipling… Mais la Syrie n’a-t-elle pas des voisins tout proches de la scène où se déroulent les tueries ? Mais la Syrie n’est-elle pas un pays arabe ? Mais la Syrie ne faisait-elle pas, jusqu’à il y a peu, partie de la Ligue arabe, habituée certes aux massacres régionaux, et qui a trouvé que Bachar al-Assad en faisait un peu trop ?

Pourquoi eux, qui ont mis le régime syrien au ban du monde arabe, n’interviennent-ils pas ? L’Arabie saoudite a la plus puissante aviation de la région : ses avions sont à une heure de vol de Damas. L’Égypte dispose elle aussi d’une force aérienne redoutable, formée et entraînée par les Américains : pour elle aussi, Damas c’est trop loin. La Jordanie, plus petite, dispose d’une des meilleures armées de terre de la région : juste une frontière tenue par ses alliés de l’Armée syrienne libre (ASL) à franchir. Le Qatar, côté militaire, n’est pas non plus à plaindre : mais il préfère utiliser ses milliards pour entraîner les hommes de l’ASL.

Envoyer des soldats qataris, jordaniens, égyptiens ou saoudiens en Syrie ? Mais – comme on dit à la récré – ça s’fait pas ! C’est aux Occidentaux d’y aller, avec la bénédiction plus ou moins gênée et hypocrite de la Ligue arabe. Il est vrai que Ponce Pilate était du coin. Par principe, les armées arabes ne tuent pas d’autres Arabes. Sauf les leurs.

L’armée syrienne prouve tous les jours son excellence dans ce domaine. L’armée irakienne, du temps de Saddam Hussein, a été très efficace pour exterminer les Kurdes et les chiites. L’armée libyenne a - Kadhafi régnant - démontré son savoir-faire sanglant jusqu’à ce que l’aviation occidentale (pas arabe !) eut raison d’elle. L’armée jordanienne a su, il y a longtemps certes, massacrer les Palestiniens révoltés. Et l’armée égyptienne, de façon certes modeste comparée aux autres, a, au Caire et ailleurs, montré que son doigt sur la gâchette ne tremblait pas.

Dans chacune de ces capitales arabes, Tartuffe devrait avoir son monument. Mais les pays occidentaux, compréhensifs, tendent une oreille bienveillante aux gémissements qui émanent des pays concernés : « Vous devez savoir que nos opinions publiques ne comprendraient pas si nous… » Des avions américains, français, anglais, c’est évidemment plus confortable et plus inoffensif. Et puis, en cas de « dommages collatéraux », de victimes civiles, on peut toujours se laver les mains. Voilà à quoi sert ce machin appelé Ligue arabe. Il est vrai qu’elle a parfois de bons moments, et qu’elle trouve régulièrement le temps de condamner vigoureusement Israël et l’occupation des territoires palestiniens. Un front uni et unanime. Ce qui prouve d’une certaine façon, plutôt paradoxale, l’utilité de l’existence de l’État hébreu.

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