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Coup de tonnerre monétaire : l'Allemagne reconnaît officiellement une nouvelle monnaie, le bitcoin
©Reuters

Ni sonnante ni trébuchante

L'euro n'est plus la seule monnaie à pouvoir circuler en Allemagne, le bitcoin est désormais officiellement reconnu comme "monnaie privée", selon le Frankfurter Allgemeine, et peut être librement utilisé.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Rappelons rapidement que le bitcoin est une monnaie électronique née en 2009 et qui a pour caractéristique de circuler sur un réseau peer to peer, c'est à dire de ne pas dépendre d'un serveur unique. Autrement dit personne ne la possède ni ne peut mettre la main dessus, ni une société, ni un Etat. Sa valeur dépend de l'offre et de la demande, il n'existe pas de banque centrale qui fixe un taux d'intérêt ou fait tourner la planche à billets. On pourrait dire qu'il s'agit d'or numérique, une monnaie ayant une valeur intrinsèque et sur laquelle les autorités monétaires n'ont pas d'influence. Sa "valeur intrinsèque" étant ici le nombre croissant d'utilisateurs, la performance du réseau à traiter les transactions de façon sûre et rapide.

Créée par des geeks, elle commence à s'étendre largement au-delà de ce cercle. Il faut dire que l'anonymat et l'inviolabilité des comptes qu'elle offre représentent de sérieux avantages. Durant les événements de Chypre et la spoliation des comptes bancaires qui s'en est suivie, elle a connue un succès soudain ! Des coûts de transactions largement inférieurs aux virements et aux cartes bleues en font un concurrent sérieux du système bancaire dans le domaine des paiements.

Mais le succès du bitcoin inquiète beaucoup de monde : les banques qui y voient un concurrent sérieux, les banques centrales qui n'ont aucun contrôle sur cette monnaie, les Etats qui voient leur échapper un pan de leur souveraineté monétaire. "Qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage" et les articles orientés fleurissent dans la presse pour dénoncer une monnaie qui favorise l'évasion fiscale et les transactions illicites, comme s'il avait fallu attendre le bitcoin alors que les places offshores (dans lesquelles nos banques ont toutes des filiales) y pourvoient depuis longtemps et pour des montants gigantesques...

Les Etats adoptent globalement une attitude attentiste et suspicieuse. Il ne peuvent pas interdire purement et simplement le bitcoin, alors ils lancent des enquêtes et font un "forcing" réglementaire. Le département des services financiers de l’Etat de New York convoque les principaux acteurs et leur met la pression : "si les devises virtuelles restent un Far West virtuel pour les trafiquants et criminels, notre sécurité nationale est menacée tout comme cette industrie en tant qu’activité légitime" (Les Echos). L’avertissement est d’une grande mauvaise foi, mais il est lancé.

Dans ce cadre, la décision de l'Allemagne de libéraliser l'usage du bitcoin sans autre forme de procès sonne comme un coup de tonnerre. Bien sûr il y a quelques arrières pensées, notamment celle consistant à soumettre cette devise à la fiscalité en usage (les gains issus d’une vente en bitcoins seront ponctionnés de 25% sur les bénéfices, mais il y aura exonération au bout d´un an, c'est le régime de la taxation sur les plus-values immobilière, et les entreprises paieront la TVA sur une transaction en bitcoin, c’est normal).

Sur ce terrain, comme d'autres dans le domaine monétaire, l'Allemagne se distingue radicalement des Etats-Unis. Il faut dire que le bitcoin est une monnaie "saine" et ce pour une raison bien simple : la planche à billets, la création débridée de bitcoins, y est strictement impossible. La quantité de bitcoins en circulation augmentera jusqu'à un certain nombre (21 millions) et ce sera fini. Et cela est prévu par l’algorithme lui-même, c’est incontournable. On peut parler d'une "monnaie-matière première", comme l'or justement. De ce fait sa valeur sera garantie, et l'inflation impossible. Voilà qui ne peut que plaire aux autorités allemandes, et déplaire à peu près partout ailleurs !

Assiste-t-on au premier pas d'un retour à une certaine souveraineté monétaire de l'Allemagne ? Il est encore trop tôt pour le dire mais le pays favorise aussi activement les monnaies complémentaires locales, plusieurs dizaines de projets sont en cours. Et si le bitcoin peut circuler librement, pourquoi pas l'or un jour ? Un Mark-or par exemple... On le sait, la confiance de l'Allemagne en l'euro est, disons, mesurée. Le traumatisme de l'hyperinflation de 1923 s'avère encore présent et si ce cataclysme devait survenir à nouveau, les Allemands pourront au moins se reporter sur le bitcoin. C'est à l'aune de ce contexte qu'il faut bien prendre la mesure de cette décision d'importance.

Pour en savoir plus sur le bitcoin, retrouvez le livre de Philippe Herlin : La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? Vous pouvez acheter ce livre sur Atlantico Editions.

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